Intervention en situation de crise

INTERVENTION EN SITUATION DE CRISE

Les études portant sur l’intervention en situation de crise ont débuté, dans les années 1940 avec les recherches de Lindemann (1944) sur la crise et le deuil. Cependant, c’est à la fin des années 50 et début 60 que les auteurs ont exploré davantage cette réalité avec l’étude de Selye (1956) sur le syndrome général d’adaptation, l’étude d’Erickson (1959) sur les crises de maturation et les crises situationnelles, et avec celle de Caplan (1964) sur la théorie de la crise psychosociale. Au début des années 70, le chercheur Laborit (1972) a également réalisé une étude sur les mécanismes liés au stress, aux réactions de fuite, aux agressions, à l’inhibition et à l’action. Il est intéressant de souligner que dans les années 60, la gestion des crises individuelles et familiales était davantage orchestrée avec des cliniques communautaires ambulatoires (Séguin, Brunet, & LeBlanc, 2012). Aujourd’hui, de multiples équipes de crise spécialisées se sont développées dans les CSSS telles que l’intervention de crise téléphonique, l’intervention de crise en milieu scolaire, l’intervention de crise en santé mentale, l’intervention de crise de première ligne et l’intervention de crise post-traumatique (Séguin, Brunet, & LeBlanc, 2012).

CONCEPTS DE CRISE, TRAGEDIE ET SINISTRE

La crise est un état instable caractérisé par la rupture de l’équilibre intérieur d’un individu, accompagné d’un certain degré de confusion émotionnelle où les repères de ce dernier semblent vaciller (Bacchetta et al., 2009). Les événements liés à une situation de crise vont audelà des capacités d’un individu à surmonter seul ses problèmes (Caplan, 1964). La crise est également un moment déterminant pour l’individu où celui-ci entre en contact avec des bribes d’histoire de son passé qui s’ajoutent aux difficultés vécues dans le présent, ainsi qu’aux rêves ou aux craintes face au futur (Andreoli, Lalive, & Garrone, 1986; De Coulon & Von Oberbeck Ottino, 1999). Lors d’une crise, les interventions des professionnels doivent être proactives et ces derniers ne doivent pas attendre une demande de service des victimes (Talbot et al., 1995). L’intervention de crise est fortement centrée sur la personne. Ce type d’intervention met l’accent sur la communication, la collaboration et la bienveillance, et elle est en accord avec des idéaux du travail social liés à la valeur de l’altruisme (Cacciatore et al., 2011). Puisque les impacts de la crise sur les victimes leur font vivre des émotions fortes et soudaines, les intervenants doivent profondément s’investir dans leurs interventions de façon humaine (Serniclaes, 2003).

Le concept de crise employé au Québec se définit par un incident isolé ayant peu de victimes et les rares témoins de l’incident n’ont pas de lien personnel avec ces derniers (MSSS, 2008). Les intervenants qui ont à appliquer les mesures d’urgence ne rencontrent habituellement pas de complications particulières et sont en mesure d’apporter les interventions requises dans un court laps de temps (MSSS, 2008). Souvent, un ou deux intervenants peuvent réaliser l’intervention dans un délai d’une à quelques heures. Ce qui différencie une situation de crise, d’une situation de tragédie et de sinistre, c’est sa durée limitée et son impact isolé sur peu de victimes (MSSS, 2008). La crise peut être une situation impliquant une rupture sentimentale, un licenciement, un deuil (Andreoli, Lalive, & Garrone, 1986; De Coulon & Von Oberbeck Ottino, 1999), une situation de violence conjugale, de maltraitance d’enfants, de viol, de torture (Bober & Regehr, 2006) ou une morte subite (accident ou suicide) (Veilleux, 2011).

Le concept de tragédie est défini par le MSSS (2008) comme un événement simple, de moyenne durée, ayant un impact sur un groupe restreint de personnes où plusieurs témoins peuvent être affectés indirectement. Notons toutefois que les personnes affectées sont facilement identifiables et elles sont moins nombreuses que lors d’un sinistre. L’intervention est généralement de courte ou de moyenne durée et l’utilisation des ressources des CSSS sont faibles (MSSS, 2008). Souvent les interventions peuvent être réalisées par un intervenant ou une équipe d’intervenants pour une période variant de quelques heures à quelques jours. Malgré le fait que pendant une tragédie la coordination peut s’avérer légèrement plus compliquée qu’en temps normal, elle demeure tout de même efficace (MSSS, 2008). Les structures habituelles des services sont suffisantes pour réaliser les interventions et celles-ci sont relativement simples portant sur l’information à donner aux victimes et la verbalisation de leurs sentiments (MSSS, 2008). Il est possible qu’une certaine confusion soit présente lors des communications entre les partenaires, mais les communications restent habituellement fonctionnelles (MSSS, 2008). Lors d’une tragédie, il arrive que l’événement soit médiatisé et que les intervenants aient à interagir avec les médias. La tragédie peut être de l’ordre d’un incendie dans une résidence de personnes âgées, d’un carambolage impliquant plusieurs véhicules, d’un suicide dans une école secondaire, d’un accident avec décès ou de graves blessures dans une usine, d’une perte d’électricité dans un secteur spécifique, de la fermeture d’une usine ou d’une crise forestière (MSSS, 2008).

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Le concept de sinistre employé au Québec comporte deux catégories de sinistre : le sinistre majeur et le sinistre mineur. Selon le MSSS (2008 : 8) « Un sinistre majeur est un événement dû à un phénomène naturel, une défaillance technologique ou un accident découlant ou non de l’intervention humaine, qui cause de graves préjudices aux personnes ou d’importants dommages aux biens et exige des mesures inhabituelles de la collectivité affectée notamment une inondation, une secousse sismique, un mouvement de sol, une explosion, une émission toxique ou une pandémie ». Un sinistre mineur est quant à lui, un événement de même nature qu’un sinistre majeur, mais qui porte atteinte qu’à la sécurité d’une ou de quelques personnes (MSSS, 2008). Il y a deux principaux types de sinistres : les sinistres naturels et technologiques (Logue, Melick, & Struening, 1981). Les sinistres naturels sont caractérisés par leur imprévisibilité et par la soudaineté de leur impact (Baum et al., 1993). Ce type de sinistre provoque des dommages importants sur l’environnement et sur la perte des services communs tels l’électricité ou les services d’eau potable. Quant aux sinistres technologiques, ils se caractérisent par un manquement de la part d’un individu, d’un bris ou par la perte de contrôle sur un arsenal technologique. Ce type de sinistre provoque généralement des retombées négatives plus importantes chez les individus que les sinistres naturels (Hodgkinson, 1989; Lindy et al., 1981). Le MSSS différencie un sinistre d’une crise et d’une tragédie par le plus grand nombre de personnes affectées directement et indirectement, la complexité de l’événement, l’importance de l’action, la grande quantité de ressources à investir, le débordement des cadres d’interventions habituelles, la réalisation de tâches non familières, la mise sur pied de nouvelles structures de réponse et de mobilisation ainsi que par la coordination de ressources humaines non habituées à travailler ensemble dans un tel contexte. Belter et Shannon (1993) ajoutent que l’on peut identifier un sinistre par les caractéristiques de l’événement, par leurs retombées et par l’ampleur des dommages causés, tant sur le plan physique, social que psychologique. Certaines caractéristiques propres aux sinistres sont redondantes à chaque événement. Ursano et Fullerton (1990) les décrivent comme des événements généralement dangereux, bouleversants et soudains, qui sont marqués par une force extrême et soudaine causant de la peur, de l’anxiété, du retrait et de l’évitement.

Enfin, malgré les particularités des différentes catégories de situations dont la crise, la tragédie ou le sinistre, tous font partie inhérente des fonctions des intervenants psychosociaux des CSSS du Québec qui sont appelés à intervenir en situation de crise.

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I
1. PROBLEMATIQUE
1.1 INTERVENTION EN SITUATION DE CRISE ET ORGANISATION DES SERVICES D’URGENCE DANS LES CSSS DU QUEBEC
1.2 INTERVENTION EN SITUATION DE CRISE ET INTERVENANTS PSYCHOSOCIAUX
CHAPITRE II
2. RECENSION DES ECRITS
2.1 DEFINITION DES CONCEPTS A L’ETUDE
2.1.1 INTERVENTION EN SITUATION DE CRISE
2.1.2 CONCEPTS DE CRISE, TRAGEDIE ET SINISTRE
2.1.3 SATISFACTION PAR LA COMPASSION ET FATIGUE DE COMPASSION
2.2 VECU DES INTERVENANTS PSYCHOSOCIAUX AVANT, PENDANT ET APRES LEUR IMPLICATION EN SITUATION DE CRISE
2.3 SOURCES DE SATISFACTION, D’INSATISFACTION ET DIFFICULTES
2.4 RETOMBEES DE L’INTERVENTION EN SITUATION DE CRISE SUR LA SANTE BIOPSYCHOSOCIALE ET LA PERFORMANCE
2.5 FACTEURS DE PROTECTION ET DE RISQUE QUI FACILITENT OU NON LE TRAVAIL DES INTERVENANTS
2.5.1 FACTEURS DE PROTECTION ET DE RISQUE AVANT L’EVENEMENT (PRE INTERVENTION)
2.5.2 FACTEURS DE PROTECTION ET DE RISQUE PENDANT L’EVENEMENT (LORS DE L’INTERVENTION)
2.5.3 FACTEURS DE PROTECTION ET DE RISQUE APRES L’EVENEMENT (POST INTERVENTION)
2.6 LIMITES DES RECHERCHES ACTUELLES
CHAPITRE III
3. CADRE CONCEPTUEL DE L’ETUDE
3.1 PHASES D’INTERVENTION EN SITUATION DE CRISE
3.2 APPROCHE DES COMPETENCES
3.3 ENSEMBLE DU CADRE CONCEPTUEL DE L’ETUDE
CHAPITRE IV
4. METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
4.1 TYPE DE RECHERCHE
4.2 OBJECTIFS DE RECHERCHE
4.3 CONTEXTE DE LA RECHERCHE
4.4 POPULATION A L’ETUDE
4.5 MODALITES DE RECRUTEMENT DES ORGANISMES PARTICIPANTS
4.6 METHODE DE COLLECTE DE DONNEES
4.7 DEROULEMENT DES RENCONTRES DE GROUPE
4.8 MODALITES D’ANALYSE DES DONNEES
4.9 PERTINENCE DE CETTE ETUDE
CHAPITRE V
5. RESULTATS
5.1 CARACTERISTIQUES SOCIODEMOGRAPHIQUES DES REPONDANTS
5.2 SITUATIONS DE CRISE, DE TRAGEDIE OU DE SINISTRE LES PLUS FREQUENTES AU SAGUENAYLAC-SAINT-JEAN
5.3 ORGANISATION DES MESURES D’URGENCE AU SAGUENAY-LAC-SAINT JEAN
5.4 ROLES, RESPONSABILITES ET TACHES LIES AUX INTERVENTIONS EN SITUATION DE CRISE
5.5 FORMATION DES INTERVENANTS PSYCHOSOCIAUX
5.6 SOURCES DE SATISFACTION, D’INSATISFACTION ET LES DIFFICULTES VECUES
5.7 LES RETOMBEES DE L’INTERVENTION EN SITUATION DE CRISE SUR LA SANTE BIOPSYCHOSOCIALE ET LA PERFORMANCE AU TRAVAIL
5.8 FACTEURS DE PROTECTION ET DE RISQUE QUI FACILITENT OU NON LE TRAVAIL DES INTERVENANTS EN SITUATION DE CRISE
5.9 RECOMMANDATIONS DES INTERVENANTS CONCERNANT LEUR TRAVAIL EN SITUATION DE CRISE
CHAPITRE VI
CONCLUSION

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