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Introduction
Le plus ancien ingénieur était certainement mécanicien des roches1 : en ef-fet, le premier souci de l’être humain fut certainement de s’assurer que la caverne qu’il habitait présentait un minimum de garanties de stabilité. La première véritable industrie humaine fut celle des outils de silex, qui a requis des capacités d’organi-sation dans les domaines de l’extraction et de la production manufacturée. Même après qu’ils aient adopté des outils de métal, et quitté, pour la plupart, leurs habita-tions troglodytes, les hommes n’ont pas renoncé, bien au contraire, à l’exploitation du monde souterrain en général et rocheux en particulier : l’attribution, à l’insti-gation de Thémistocle, des revenus des mines du Laurion au financement d’une flotte de combat assura la prospérité et la prééminence de la thalassocratie athé-nienne. De même, entre les deux guerres puniques, l’épopée barcide en Espagne visa à redonner à Carthage les moyens de ses ambitions par la mainmise sur des ressources minières parmi les plus riches de l’Antiquité, et la perte de ses posses-sions ibériques scella le destin de la métropole phénicienne, un demi-siècle avant sa chute.
Les conquistadors espagnols établirent, par la possession de l’or des Amé-riques, la puissance de leur patrie d’origine. La révolution industrielle est indisso-ciable de la machine à vapeur et donc de l’industrie du charbon : outre sa puissance industrielle et navale, la possibilité de l’Angleterre victorienne de garantir, par un charbon abondant et de qualité, un fret de retour pour ses importations a contribué
à l’établir comme la puissance maritime par excellence de son époque. Le chemin de fer, par les contraintes de tracé qu’il impose, contribue à l’essor d’un nouveau type d’ouvrage souterrain : les tunnels. Les infrastructures modernes repousseront sans cesse les limites de ce type d’ouvrage. Le XXe siècle entraîne également de nouveaux champs d’application pour la mécanique des roches au travers de l’ex-ploitation pétrolière et des recherches entreprises dans le domaine du stockage des déchets nucléaires.
Pourtant en dépit de cette nécessaire et permanente contribution au dévelop-pement des sociétés organisées, le monde souterrain a mauvaise presse : n’est ce pas là que la mythologie grecque situe les Enfers, le domaine des morts ? Peut
1 Le traité De Re Metallica de Georg Bauer, alias Georg Agricola, exposant les méthodes d’exé-cution des souterrains, et qui devait faire autorité pour des siècles, remonte à 1556.
être est-ce parce que le tribut payé pour exploiter les entrailles de la terre a tou-jours été effroyable : de l’Antiquité où la condamnation aux mines équivalait à une condamnation à mort, jusqu’à l’ère contemporaine où l’incroyable croissance de l’industrie chinoise ne peut faire oublier le taux d’accident tout aussi incroyable de ses mines de charbon, en passant par le caractère quasi génocidaire du travail forcé des amérindiens après la conquête du Pérou et les mines de sel du goulag, le monde souterrain a souvent été synonyme des pires conditions de travail pour l’homme. Même les images positives comme la légendaire solidarité des mineurs ne peuvent faire oublier les image tout aussi fortes « des enfants de huit ans travaillant dans les mines », des coups de grisou et de la silicose. Même dans un contexte social avancé, le risque n’est jamais nul, et son caractère souvent imprévisible le rend encore plus redoutable.
L’ingénierie des travaux souterrains se retrouve donc confrontée à la nécessité d’exploiter un domaine hostile. La gestion des déchets nucléaires pose de nou-veaux problèmes : l’éventuel enfouissement des déchets à durée de vie longue au cœur d’un massif rocheux a entraîné des recherches afin de connaître très précisé-ment l’impact de l’excavation sur la roche environnante. Alors qu’une exploitation minière impose d’optimiser la production en garantissant la sécurité pour la durée de l’exploitation, qu’un tunnel routier impose de garantir la pérennité à l’exploita-tion d’un ouvrage extrêmement coûteux, un site de stockage se doit de présenter des garanties d’étanchéité et d’endommagement draconiennes. Cependant, les re-cherches induites par des problèmes de sécurité nucléaires sont susceptibles de re-tombées pour d’autres secteurs d’activité, notamment en permettant une meilleure connaissance des matériaux rocheux et des effets de l’excavation. Ce mémoire se situe dans ce contexte.
Le chapitre I s’intéresse aux critères. Que ce soit pour caractériser la limite d’élasticité, d’endommagement ou de rupture, des critères ont pu être proposés pour différents matériaux. Une réflexion a donc été menée sur le thème des cri-tères. Comparer les caractéristiques de différents critères usuels conduit à établir la signification physique de ces différences. Pour tenir compte des caractéristiques expérimentales connues des matériaux rocheux, en particulier obtenir des caracté-ristiques aisément identifiables à partir d’un matériel d’essai standard, une nouvelle fonction de charge pour les géomatériaux a été proposée, dont l’implémentation sera abordée en détails au chapitre III.
Le chapitre II est consacré au dépouillement d’essais effectués par différents laboratoires sur les argilites de l’Est. Ces essais avaient été fournis par l’ANDRA2, dans le cadre du projet de recherche européen MODEX-REP. Pour une couche géologique choisie, l’analyse a amené à distinguer trois familles de comportement. L’étude des essais réalisés permet d’établir un paramètre de dégradation identi-fiable à partir de la déformation déviatorique plastique.
Le chapitre III consacré aux méthodes de calculs des tunnels rappelle diffé-
2 Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs
Introduction xvii
rentes méthodes de dimensionnement. L’évocation de la méthode convergence-confinement permet, au travers de la comparaison de différents modèles de conver-gence de mettre en évidence l’influence du coefficient de Poisson au voisinage im-médiat du front de taille. La méthode de calcul stationnaire qui sera implémentée pour réaliser les calculs d’excavation présentés au chapitre IV page 97 est rappe-lée et détaillée. Indépendamment de cette hypothèse, on présente également une méthode de construction d’« abaques numériques » dont la réalisation permet de calculer les déformations plastiques pour des critères non circulaires, avec un bé-néfice substantiel en terme de coût calculatoire par comparaison aux algorithmes classiques de retour radial.
Le chapitre IV présente les résultats obtenus en simulant une excavation dans la roche étudiée au chapitre II, à l’aide de l’algorithme de calcul stationnaire, pour la fonction de charge générale définie au chapitre I. L’étendue de la zone endomma-gée autour de l’excavation ainsi que le taux de dégradation de la roche sont estimés. On verra également que les plus violentes variations de contrainte concentrées au voisinage du front de taille provoquent l’essentiel de l’endommagement
Table des matières
Résumé
Table des matières
Introduction
I Les critères
I-1 Formes de critères
I-1.1 Critères anguleux et critères réguliers
I-1.2 Forme de la courbe intrinsèque
I-1.3 Différence de comportement en compression et en extension
I-2 Quelques considérations plus approfondies
I-2.1 Décomposition polaire des critères usuels
I-2.2 Remarques sur les correspondances entre les critères
I-2.3 Quel critère choisir ?
I-3 Proposition d’une fonction de charge générale
I-3.1 Caractéristiques dans le plan déviatorique
I-3.2 Critères de Mohr-Coulomb et Matsuoka-Nakai
I-3.3 Critère de Hoek-Brown
I-3.4 Comparaison avec les fonctions explicites
II Modélisation du comportement des argilites de l’Est
II-1 Présentation du problème
II-1.1 Contexte général de l’étude
II-1.2 Contexte géologique et mécanique
II-2 Modèle comportemental choisi
II-2.1 L’écoulement plastique
II-2.2 La dilatance
II-2.3 Écrouissage et endommagement
II-3 Interprétation des résultats pour la zone MODEX-REP
II-3.1 Résistance à la compression
II-3.2 Essais triaxiaux
II-4 Utilisation du paramètre γ pour un autre type de roche
III Les méthodes de calcul.
III-1 Quelques hypothèses préliminaires
III-1.1 Discret ou continu ?
III-1.2 La notion de tunnel profond
III-2 Méthodes basées sur les classifications
III-3 Calculs analytiques
III-4 La méthode convergence-confinement
III-4.1 Principes généraux
III-4.2 Détermination du taux de déconfinement
III-5 Calculs numériques aux éléments finis
III-5.1 Configuration sans prise en compte du front de taille
III-5.2 Prise en compte du passage du front de taille
III-6 La méthode de calcul stationnaire
III-6.1 Principe du calcul stationnaire
III-6.2 Calcul stationnaire dans le cadre élastoplastique
III-6.3 Domaine de validité et limite d’emploi de la méthode
III-6.4 Prise en compte de la convergence au moment de la pose
III-7 Calcul de l’écoulement plastique
III-7.1 Critères circulaires
III-7.2 Critères non-circulaires
IV Simulation de l’excavation
IV-1 Configuration générale de la simulation
IV-2 Modèle à faible seuil d’inélasticité
IV-2.1 Rappel du modèle comportemental
IV-2.2 Résultats des calculs (modèle contractant-dilatant)
IV-3 Modèle isochore
IV-3.1 Rappel du modèle comportemental
IV-3.2 Résultat des calculs
IV-4 Modèle dilatant associé
IV-4.1 Rappel du modèle comportemental
IV-4.2 Résultat des calculs
Bilan et perspectives
Bibliographie
Table des figures
Liste des tableaux
A Equivalence entre les critères de Mohr-Coulomb et de Drucker-
en déformations planes
B Correspondance entre les critère de Matsuoka-Nakai et Mohr-Coulomb
C Solutions analytiques
D Comportement mécanique des soutènements
E Écrouissage
F Essais sans mesure de volume (essais en compression simple)
G Famille à faible limite élastique
H Famille isochore
I Famille dilatante associée
J Famille avec endommagement
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