Le développement des techniques de refroidissement et de manipulation d’atomes froids par laser, depuis une vingtaine d’années, a permis l’émergence de l’interférométrie atomique en tant qu’outil privilégié pour la métrologie et les tests de la physique fondamentale. En effet, cette technique a permis d’effectuer des mesures toujours plus précises de l’accélération de la pesanteur g ou de la constante de structure fine α, par exemple. Cependant, cette quête de précision se heurte actuellement à différents obstacles, tels que la présence d’effets systématiques ou le besoin d’utiliser des techniques nouvelles afin de gagner en sensibilité.
Depuis quelques années, grâce à l’émergence de la thématique de la condensation de Bose-Einstein, depuis sa première démonstration expérimentale en 1995, l’utilisation de sources d’atomes condensés pour l’interférométrie atomique a été proposée pour les mesures de haute précision. En effet, avec le développement des techniques de condensation, il est apparu que des gaz d’atomes plus froids constitueraient une amélioration majeure, et permettrait de s’affranchir de certains effets systématiques et faciliterait l’implémentation de nouvelles techniques.
Actuellement, une nouvelle génération d’interféromètres atomiques utilisant des condensats de Bose-Einstein se constitue. C’est dans ce contexte que se place la thèse présentée dans ce manuscrit. En effet, l’utilisation de gaz condensés présente de nombreux avantages pour le gain en précision des mesures, cependant, dans de tels gaz, les interactions entre les atomes deviennent plus importantes et pourraient au contraire constituer un nouvel obstacle. L’enjeu du présent travail est donc précisément de réaliser une nouvelle expérience permettant d’obtenir un condensat de Bose-Einstein qui sera utilisé comme source pour l’interférométrie atomique, ainsi que d’étudier l’effet des interactions entre atomes.
Le travail de thèse présenté dans ce manuscrit s’articule autour de deux axes principaux : tout d’abord, l’étude de l’effet des interactions au sein d’un interféromètre atomique basé sur des impulsions lasers, et d’autre part la conception et la réalisation d’un nouveau dispositif expérimental visant à produire un condensat de Bose-Einstein de rubidium, qui servira comme source atomique pour l’interférométrie et les oscillations de Bloch dans un réseau optique accéléré. Le premier axe a fait l’objet d’une étude dans laquelle une simulation numérique résolvant les équations de Gross-Pitaevskii a été conçue et un modèle analytique développé. Les résultats que nous avons obtenus, Le deuxième axe concerne la conception et la réalisation d’un nouveau dispositif expérimental, visant à produire un condensat de Bose Einstein, avec comme objectif son utilisation pour la réalisation d’un interféromètre atomique pour la métrologie. Ce nouveau dispositif permettra d’une part de faire des mesures ultra-précises du rapport h/m entre la constante de Planck et la masse du rubidium afin de déterminer une valeur de la constante de structure fine α, et d’autre part elle permettra de réaliser des mesures locales de l’accélération de la pesanteur g.
L’interférométrie atomique, depuis ses premières démonstrations expérimentales, s’est révélée être une technique extrêmement sensible pour les mesures de haute précision. Actuellement, cette technique offre des perspectives prometteuses dans le but de tester la physique fondamentale [Dimopoulos et al., 2009, Müntinga et al., 2013, Graham et al., 2013] : principe d’équivalence, relativité générale, détection des ondes gravitationnelles et électrodynamique quantique. L’enjeu principal pour la réalisation expérimentale de tels tests est de repousser la sensibilité et la précision au-delà de l’état de l’art des mesures de haute précision de la gravité g et des effets inertiels, de la constante de gravité G et de la constante de structure fine α .
Dans cet objectif, de nouvelles approches ont été proposées pour la construction d’une nouvelle génération d’interféromètres atomiques extrêmement sensibles et s’affranchissant au maximum des effets systématiques : séparatrices à large transfert d’impulsion (Large Momentum Transfer Beamsplitters) utilisant la diffraction de Bragg ou les oscillations de Bloch [Müller et al., 2008, Cladé et al., 2009, Chiow et al., 2011, McDonald et al., 2013], nouvelles stratégies de détection [Graham et al., 2013, Sugarbaker et al., 2013], développement de sources lasers de puissance importante [Chiow et al., 2012, Sané et al., 2012]. Dans cette optique, le condensat de Bose-Einstein semble être la source atomique idéale. De telles sources combinent un faible étalement aussi bien spatial qu’en vitesse à une grande brillance. Cependant, les interactions entre atomes dans de telles sources constituent leur inconvénient majeur, étant donné qu’elles donnent naissance à des déplacements des niveaux atomiques dépendant de la densité du gaz, et donc entraînent des déphasages au sein de l’interféromètre.
La découverte de la nature ondulatoire de la matière par de Broglie en 1923 a ouvert la voie à de nouveaux domaines d’investigation. En effet, appliquer les méthodes d’optique ondulatoire aux ondes de matière devenait alors envisageable. Cependant, la longueur d’onde associée à une particule étant inversement proportionnelle à son impulsion, il a fallu attendre un certain temps avant de disposer de sources de particules suffisamment cohérentes. Les premiers interféromètres à ondes de matière ont été réalisés à partir de faisceaux d’électrons [Marton, 1952] et de neutrons [Rauch et al., 1974] diffractés. Le développement des techniques de refroidissement laser ont permis de réaliser les premiers interféromètres atomiques [Keith et al., 1991, Kasevich and Chu, 1992]. Dans cette section, nous rappelons le principe de l’interférométrie atomique utilisant des séquences d’impulsions laser. Nous donnons un bref aperçu des outils permettant de manipuler les atomes, ainsi que des configurations interférométriques les plus courantes. Nous rappelons les principales applications de ces configurations, et enfin, nous présentons les perspectives qu’offrent les condensats de Bose-Einstein.
Le principe de l’interférométrie atomique consiste, comme son homologue optique, à faire emprunter à un paquet d’onde atomique incident deux chemins différents. A la fin de l’interféromètre, ces deux chemins se recombinent, laissant apparaître une figure d’interférences, qui dépend de la différence entre les phases accumulées le long de chacun des deux chemins.
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