Intérêts agronomiques des Mafor et impacts environnementaux associés
L’utilisation de Mafor en agriculture ne peut se justifier que si elles présentent un intérêt agronomique, c’est-à-dire qu’elles améliorent la fertilité des sols. La fertilité d’un sol présente une composante chimique (disponibilité des éléments nutritifs, pH adéquat pour la croissance des cultures donc voisin de la neutralité, capacité à retenir les cations nutritifs…), une composante physique (capacité du sol à permettre un bon ancrage des racines, une bonne alimentation hydrique des plantes mais en même temps un bon ressuyage du sol après une pluie, à résister au tassement…), et une composante biologique (l’activité biologique contribuant à de nombreuses fonctions du sol). Les Mafor contiennent des éléments nutritifs nécessaires aux cultures et sont susceptibles de se substituer aux engrais minéraux si ces éléments sont disponibles pour les plantes. On parle de « valeur fertilisante ». La plupart des Mafor étant de nature organique, une partie des éléments nutritifs qu’elles contiennent se trouvent sous forme organique et ne sera donc disponible pour les plantes qu’après leur minéralisation. Par ailleurs, ces Mafor organiques peuvent théoriquement contribuer à l’entretien voire à l’augmentation des stocks de matière organique (MO) dans les sols, et modifier en conséquence les propriétés physiques, chimiques et biologiques du sol. On parle de « valeur amendante organique ». Les apports de Mafor peuvent aussi induire des modifications du pH des sols. Si ces apports permettent d’augmenter le pH de sols acides, les Mafor pourront être utilisées en tant qu’amendement basique. Valeur fertilisante et valeur amendante organique ne sont pas indépendantes, puisqu’elles dépendent toutes deux de la MO que contient la Mafor. La fraction stable de la MO détermine la valeur amendante organique, tandis que la fraction (complémentaire) facilement biodégradable contribue à la valeur fertilisante. Selon la composition de sa MO, une Mafor aura donc un caractère plutôt « fertilisant » ou plutôt « amendant ». La connaissance de la valeur agronomique (valeur fertilisante et valeur amendante) des diverses Mafor permet d’évaluer leur capacité à se substituer aux engrais minéraux, pour un rendement et une qualité de la production identiques à ceux obtenus avec une fertilisation minérale classique, et la capacité des Mafor à augmenter les stocks de MO dans les sols et à rectifier les pH trop acides. Cette valeur agronomique dépend de plusieurs facteurs, notamment : – le degré de stabilité de la MO pour les Mafor organiques, fonction des caractéristiques biochimiques de la MO ; – la phytodisponibilité des éléments fertilisants, également en partie fonction des caractéristiques chimiques de la MO (en particulier pour N) et/ou de la forme minérale sous laquelle se trouvent les éléments (en particulier pour P) ; – le contexte pédoclimatique de la parcelle amendée : caractéristiques physico-chimiques du sol, conditions climatiques ; – les caractéristiques du système de culture dans lequel s’insère la pratique : succession culturale, besoins de ces cultures en éléments fertilisants, calendrier et mode d’apport au sol de la Mafor.
Les principaux mécanismes déterminant la valeur agronomique des Mafor
Composition des Mafor et mécanismes en jeu
A l’exception de quelques matières de nature exclusivement minérale comme les cendres, les Mafor sont constituées d’une fraction organique et d’une fraction minérale. La teneur en MO diffère selon les Mafor, donc les formes organiques et minérales de N et de P s’y trouvent en proportions variables. L’azote est le plus souvent majoritairement sous forme organique dans les Mafor. Le phosphore (P) est également en partie présent sous forme organique dans la Mafor, mais il est essentiellement sous forme minérale. En revanche, la totalité du potassium (K) est sous forme minérale. Les valeurs fertilisantes N, P et K des Mafor seront d’abord fonction de leurs teneurs totales en ces éléments, et des proportions sous forme organique et minéral pour N et P. La Figure 2-1 représente schématiquement les grands processus qui suivent l’apport d’une Mafor au sol et dont dépend sa valeur agronomique organique. La valeur amendante organique des Mafor dépend de la vitesse de dégradation et d’incorporation de leur MO dans celle du sol. Leur valeur fertilisante dépend elle de la vitesse de passage des éléments nutritifs sous une forme assimilable par les végétaux : N minéral sous forme nitrique, P et K en solution. La quantité de N sous forme nitrique dépend de la proportion de N initialement sous forme minérale (essentiellement ammonium), et de la vitesse de minéralisation des formes organiques du N dans la Mafor apportée. Un des déterminants majeurs des valeurs amendante organique et fertilisante azotée des Mafor organiques est donc le degré de stabilité de leur matière organique, caractérisé par la vitesse de dégradation de la MO dans le sol après apport. En revanche, les quantités de P et K disponibles dans la solution du sol dépendent surtout des conditions physico-chimiques du sol favorables au passage en solution des formes minérales du P ou du K. Intérêts agronomiques des Mafor et impacts environnementaux associés 25 Figure 2-1. Les processus régissant la valeur fertilisante organique des Mafor ; impacts environnementaux associés MO : matière organique ; COD : carbone organique dissous ; COV : carbone organique volatile ; N : azote ; P : phosphore ; K : potassium ; NH4 : ammonium ; NO3 : nitrate ; CH4 : méthane ; CO2 : gaz carbonique
Une Mafor organique apportée à un sol subit les mêmes grands types de transformation que tout autre type de MO
dégradation microbienne (action de la faune du sol également) en tant que source d’énergie (la très grande majorité des organismes vivant du sol sont hétérotrophes) et d’éléments pour leur propre synthèse moléculaire (anabolisme). Cette transformation conduit à la production de CO2 provenant de la partie minéralisée pour produire de l’énergie et participe au maintien/développement de la microflore et faune du sol ; – humification, ensemble de réactions chimiques de synthèses conduisant à des édifices moléculaires organiques complexes dont le degré de stabilité croît avec le degré de complexité. Il existe plusieurs voies et hypothèses de synthèse des molécules humiques dans les sols. Une des voies est associée à la présence de lignine dans les matières entrantes. C’est cette MO humifiée, se liant aux particules minérales du sol (complexe argilo-humique), qui intervient dans les propriétés physiques et certaines propriétés chimiques du sol : stabilité des agrégats et de la structure (agencement des agrégats qui ménage la porosité du sol), propriétés hydriques, capacité d’échanges cationiques. Schématiquement, le processus de dégradation microbienne se déroule majoritairement à court terme dans les jours/mois qui suivent l’apport d’une Mafor, et de ce processus découle la valeur fertilisante N des Mafor. En revanche, le processus d’humification, qu’on peut assimiler à la capacité amendante organique des Mafor, correspond à des transformations plus lentes et est associé à des effets à plus long terme des Mafor sur les stocks de MO dans les sols. La biodégradation microbienne plus ou moins rapide de la MO des Mafor après apport au sol est liée à la nature biochimique de la MO (récalcitrance de la lignine par exemple) et à la stabilisation de la MO initiale au cours du procédé de traitement (humification au cours du compostage, pyrolyse de la MO lors de la fabrication des biochars) ou au cours d’une digestion « naturelle » (cas des fèces dans les fumiers par exemple) ou contrôlée (méthanisation par exemple). Si la MO d’une Mafor est majoritairement composée de MO stable, c’est-à-dire peu biodégradable, cette dernière est minéralisée plus lentement par les microorganismes du sol, et contribue de manière durable à l’augmentation du stock de MO du sol. La valeur amendante d’une telle Mafor est donc plus élevée que celle d’une Mafor composée de MO facilement décomposable. Au cours de la dégradation des Mafor, les microorganismes du sol utilisent le C comme source de C et d’énergie. Plus la MO de la Mafor est facilement biodégradable, plus la biomasse microbienne du sol est potentiellement stimulée. Les microorganismes incorporent aussi dans leur biomasse une partie du N (et du P) issus de la dégradation de la MO. Ainsi, en fonction du niveau de concentration de ces éléments dans la Mafor et des besoins des microorganismes dégradants, il y a libération dans le sol de N minéral (minéralisation nette du N en excès par rapport aux besoins des microorganismes) ou diminution du N minéral dans le sol (organisation nette dans la microflore du sol). Cette organisation nette limite alors la disponibilité du N pour les plantes. Cette immobilisation est toutefois transitoire, puisqu’après épuisement des sources de MO facilement biodégradables, on observe la reminéralisation du N immobilisé