Intérêt de la Thérapie Mélodique et Rythmée dans la prise en charge du retard de parole chez l’enfant

La parole permet aux Hommes de s’exprimer, de communiquer leur pensée au moyen d’un système de sons qu’est la langue. Néanmoins, il arrive que chez certains enfants, la parole soit altérée par de nombreuses transformations, pouvant la rendre inintelligible. Ce déficit caractérise une pathologie appartenant à notre champ de compétences : le retard de parole.

Dans ce mémoire, nous nous sommes intéressée au retard de parole et à sa rééducation. Nous souhaitions trouver un moyen original et novateur permettant l’amélioration de la parole, élément perturbé dans cette pathologie. Nous avons alors choisi de tester une méthode initialement destinée aux patients aphasiques non fluents : la Thérapie Mélodique et Rythmée. Elle a pour objectif de faire resurgir, chez certains aphasiques, un langage propositionnel grâce à l’exploitation des systèmes prosodiques de la langue française (accentuation, rythme, mélodie).

Cette expérimentation porte sur la mise en place de la Thérapie Mélodique et Rythmée auprès d’enfants présentant un retard de parole. Nous cherchons à voir s’il existe un intérêt à utiliser cette méthode dans la rééducation du retard de parole.

Le Trésor de la Langue Française décrit la parole de l’Homme comme « la faculté d’exprimer et de communiquer la pensée au moyen du système des sons du langage articulé émis par les organes phonateurs ». Ceci est la définition de la parole d’une manière générale. Pour comprendre ce qu’est la parole du point de vue linguistique, il est nécessaire dans un premier temps de différencier la notion de parole de celle de langue. Selon F. de Saussure, la langue est un ensemble de signes linguistiques créant un système permettant de communiquer, tandis que la parole est l’utilisation concrète de ce système (F. DE SAUSSURE, 1969). Enfin, d’un point de vue orthophonique, l’on distingue la parole, l’articulation et le langage . Le Dictionnaire d’Orthophonie précise que « la parole appartient au domaine de la phonologie, qui inclut la prosodie et le choix ou l’arrangement des phonèmes dans la chaîne parlée suivant les règles phonologiques communautaires ». C’est cette dernière définition qui nous intéresse et à laquelle nous allons nous référer tout au long de cette étude .

Les âges repères du développement de la parole varient selon les auteurs. Les données développées dans ce chapitre s’appuient sur les ouvrages de énédicte de O SS ON-BARDIES (1996), Jean-Marc KREMER & Nicole DENNI-KRICHEL (2010), JeanAdolphe RONDAL (1979) ainsi que Mary VARRAUD & Valérie ALIS (1995).

– Jusqu’à 1 mois : le nouveau-né communique essentiellement par cris ou par vagissements pour exprimer ses besoins. Les productions sont réflexes et maintiennent le contact entre le nouveau-né et sa mère.

– De 1 à 5 mois : le jasis apparaît. Il s’agit de gazouillis, de roucoulements, de sons glottaux (« areu ») et de vocoïdes (sons vocaliques) qui se manifestent dans les moments de quiétude ou lorsqu’il y a des stimulations extérieures (voix de l’entourage par exemple). L’enfant prend plaisir à découvrir les sons et réaliser des mouvements de bouche et de gorge. En parallèle, l’enfant évolue au niveau moteur ; il peut se tenir assis. Le larynx haut du nouveau-né descend et libère l’espace pharyngé permettant ainsi une plus grande cavité de résonance. La langue devient plus mobile et les muscles s’actionnent. Tout ceci permet la production de nouveaux sons.

– Vers 6 mois petit à petit, les vocalisations s’enrichissent, l’enfant produit des nouveaux sons, notamment des consonnes, qui jusqu’alors étaient rares. On parle de babillage, qui est une production de syllabes groupées. Au début, ce babillage est rudimentaire ou marginal ; l’enfant découvre qu’il peut combiner plusieurs sons et produit des proto-syllabes, qui sont les premières combinaisons de type consonnevoyelle, exemple : /ba/).

– Entre 6 et 12 mois : le babillage canonique devient possible grâce à un meilleur contrôle phonatoire. L’enfant produit des syllabes plus complexes. Le babillage est d’abord dupliqué ; une même syllabe est répétée plusieurs fois /tatata/. Puis, on parle de babillage diversifié quand les productions sont plus variées /palipapo/. Enfin, on parle de proto-langage quand l’enfant produit des structures présentant des courbes mélodiques similaires à sa langue maternelle : les séquences syllabées changent souvent de rythme et de mélodie et la langue de l’enfant est reconnaissable grâce à ses sonorités. Par exemple dans la langue française, les voyelles sont très fréquentes dans les mots et c’est grâce à cela que le français est identifiable. Dans le protolangage du petit français, les productions ressemblent à la mélodie de la langue française et c’est par cette similitude que l’enfant peut se faire comprendre par son entourage.

– Vers 12 mois : grâce à la maturation des mécanismes de production et à un meilleur contrôle des paramètres vocaux, l’enfant peut produire ses premiers mots. Ils sont courts (une ou deux syllabes) et contiennent des phonèmes dont l’enfant est sûr. Néanmoins, la production des premiers mots de l’enfant demande également une bonne maturation neurologique et un environnement culturel et langagier dans lequel l’enfant s’épanouit.

– Vers 16 mois : les productions sont de plus en plus stables. Les holophrases apparaissent. Il s’agit de mots-phrases, c’est-à-dire qu’un mot veut dire toute une phrase (exemple si l’enfant dit « gâteau » en désignant le placard, cela signifie «donne-moi un gâteau »). A ce stade, il existe deux styles d’entrée dans le langage :

la première est une entrée de type référentiel (les enfants produisent des structures syllabiques qu’ils connaissent, ce sont des mots isolés, et plus particulièrement des noms) et la seconde est de type expressif (les enfants produisent des séquences toutes faites qui ressemblent à des phrases par l’intonation et le rythme syllabique et qui sont donc des énoncés avec un début de morphosyntaxe, contrairement au style référentiel).

– Entre 18 et 20 mois : l’enfant peut produire entre 50 et 170 mots (avec une augmentation de la production de verbes). L’enfant peut exprimer ses idées en combinant 2 ou 3 mots (exemple : /papa pati/ pour « papa est parti »). Il procède par imitation différée et créative, c’est-à-dire qu’il émet des hypothèses dans la construction de ses phrases (exemple : il entend souvent la phrase « il a mordu » dans son entourage et va alors produire « il a prendu » en réalisant une hypothèse) et construit son propre système de prononciation contenant des simplifications articulatoires.

– A partir de 20 mois : le stock lexical de l’enfant augmente rapidement (250 à 300 mots), on parle d’explosion lexicale. La prononciation des mots est réorganisée mais on trouve des erreurs sur les groupes consonantiques en [r] et [l], nommés liquides et les finales des mots sont absentes.

– De 24 à 36 mois le stock lexical de l’enfant continue d’augmenter, l’enfant produit des phrases contenant 3 à 4 mots dont des adjectifs et des verbes. On retrouve encore de nombreuses transformations phonologiques (exemple : /tota/ pour coca). La construction des phrases s’améliore grâce au langage adapté de l’entourage. A 3 ans, l’essentiel du système phonologique est acquis, l’enfant est intelligible et peut être compris par des personnes non familières.

– Après 3 ans : les difficultés articulatoires peuvent être encore contournées par des simplifications (omissions de sons ou de syllabes, substitutions, distorsions, …) et restent normales jusqu’à 4 ans. Vers 5-6 ans, l’essentiel du système phonologique est acquis mais des erreurs sont encore possibles sur les sifflantes ([ʃ], [z], [ʒ] et [s]). L’ensemble du système phonologique est acquis et maîtrisé vers 7 ans. Quant au stock lexical, il ne cesse d’augmenter tout au long de la vie.

Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE THEORIQUE
I. CHAPITRE 1 : La parole
1. Définition
2. Développement de la parole
3. Perception de la parole
4. Production de la parole
5. Articulation, parole et langage
II. CHAPITRE 2 : Le retard de parole
1. Introduction
2. Définition
3. Caractéristiques cliniques
4. Etiologie
III. CHAPITRE 3 : Les autres pathologies du langage oral
1. Les troubles d’articulation
2. Le retard de langage
3. Le bégaiement
IV. CHAPITRE 4 : La prosodie
1. Définition
V. CHAPITRE 5 : La Thérapie Mélodique et Rythmée
1. Historique
2. Description de la méthode
3. Progression de la Thérapie Mélodique et Rythmée
4. Conclusion
PARTIE EXPERIMENTALE
I. CHAPITRE 1 : Problématique et hypothèses
1. Problématique
2. Hypothèses
II. CHAPITRE 2 : Méthodologie
1. Population
2. Modalités pratiques de l’expérimentation
3. Le protocole d’expérimentation
III. CHAPITRE 3 : Expérimentation
1. Présentation des enfants du groupe testé
2. Présentation des enfants du groupe témoin
3. Déroulement des séances
IV. CHAPITRE 4 : Résultats
1. Résultats épreuve par épreuve
2. Synthèse des résultats par enfant
V. CHAPITRE 5 : Discussion
1. Analyse des résultats
2. Réflexions autour de l’expérimentation
CONCLUSION

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