Intercommunalité culturelle en France
La coopération intercommunale, quelle que soit sa forme administrative et juridique, s’est affirmée comme un outil essentiel de développement économique, social, mais aussi culturel depuis plus d’une dizaine d’années. Et, même si différents textes de lois ont été élaborés pour encadrer l’intervention des communes depuis les années soixante, ce n’est qu’avec la loi Chevènement du 12 juillet 1999, sur le renforcement et la simplification de la coopération intercommunale, que le mouvement de l’intercommunalisation va s’accélérer pour couvrir à présent plus de 90 % des communes En 1993, les données chiffrées sur les dépenses culturelles publiques révèlent l’avance prise par les collectivités territoriales sur les services de l’État. Le domaine culturel, comme d’autres par ailleurs, nécessite un investissement lourd de la part des collectivités territoriales et en particulier des communes, qui ont une contribution pour un montant double de celui du ministère de la Culture. En effet, dans les années quatre-vingt, les villes ont fait montre d’un volontarisme culturel d’envergure qui s’est assez vite transformé en une politique inflationniste de l’offre culturelle, privilégiant l’apport de moyens matériels aux dépens parfois de la définition des contenus. Parallèlement à ce mouvement de « municipalisation de la culture » (Urfalino, Philippe, 1996), les lois de décentralisation de 1982 et de 1983 n’effectuent aucun partage des responsabilités culturelles entre la ville, le département et la région. Cette législation entamant le processus de décentralisation ignore quasiment le domaine culturel ne transférant que deux compétences au profit du conseil général, celle des bibliothèques
Avant la loi de 1999, de rénovation et de simplification administrative, la coopération intercommunale en matière culturelle est balbutiante. Autant les villes ne rencontrent pas de difficultés pour coopérer avec les autres collectivités territoriales que sont le conseil général et le conseil régional, autant elles semblent manifester une plus grande réticence à agir de la même manière avec ces voisins les plus proches, les autres communes-membres du groupement intercommunal : « Il faut insister sur ce paradoxe de la difficulté à coopérer avec les plus proches puisqu’on voit apparaître une nouvelle forme de coopération entre villes centres éloignées les unes des autres mais qui se valorisent mutuellement au sein des « réseaux de villes » par une recherche de complémentarité et des actions communes. On peut se demander si cela ne manifeste pas une stratégie de résistance à la pression à l’intercommunalité entre villes d’une même agglomération urbaine » (Saez, 2001 : 147). plus d’une année, 85 %188des communautés d’agglomération potentielles se sont créées parmi lesquelles plus des trois quarts ont adopté la « compétence culturelle ». Les résistances manifestées pendant longtemps de la part des élus communaux s’expliquent par le rôle déterminant du champ culturel dans sa capacité de marquage symbolique et identitaire du territoire, et de valorisation de la politique communale.
C’est apparemment ce que l’on observe aussi pour le cas d’Ouest Provence qui, pourtant, a expérimenté l’intercommunalité culturelle bien avant les structures intercommunales à fiscalité propre, issues des lois de 1992 et de 1999. Nous allons entrer plus en détail sur cette question de l’intercommunalité culturelle en ville nouvelle, et plus particulièrement sur le cas du syndicat d’agglomération d’Ouest Provence. Mais avant, nous voudrions faire état du financement de la culture par les intercommunalités depuis 2006, pour ensuite comparer le cas d’Ouest Provence à la situation nationale et régionale. Pour cela, nous nous appuierons sur trois études que nous articulerons les unes aux autres : la première a été menée par le Département des études et de la prospective du ministère de la Culture « Les dépenses culturelles des collectivités locales en 2006 : près de 7 milliards d’euros pour la culture » (Delvainquière, Dietsch, 2009), la deuxième a été réalisée par l’Agence régionale des arts du spectacle de la région Provence-Alpes-Côte- d’Azur « Financements publics de la culture en 2008 – L’intercommunalité culturelle en Paca » et enfin la dernière est l’étude de l’Observatoire des politiques culturelles de Grenoble « L’intercommunalité culturelle en France » datant de 2008 (Négrier, Préau, Teillet, 2008). La forte croissance des dépenses intercommunales a pour effet de révéler une contraction des dépenses culturelles de fonctionnement des communes. Car, même si entre 2002 et 2006, les dépenses culturelles des villes ont progressé de plus de 6 %, une analyse plus détaillée des chiffres laisse entrevoir une baisse du volume de ces dépenses. La forte augmentation des dépenses culturelles des EPCI, pour la partie fonctionnement comme pour la partie investissement, est liée à la progression du nombre de groupements s’engageant dans le domaine culturel : en 2002, la même enquête a révélé que seulement un tiers d’entre eux s’impliquait dans le domaine culturel, tandis qu’en 2006, ils sont la moitié à avoir choisi de mettre en œuvre la compétence culturelle. En parallèle de ce renforcement en quantité du nombre de groupements ayant développé l’intercommunalité culturelle, un renforcement qualitatif a aussi été mis au jour par l’enquête, étant donné la progression de la part des budgets consacrés à la culture entre 2002 et 2006 : de 3,1 %, elle est passée à 5,7 %.