Interactions Plaquettes-Bactéries
Les plaquettes sont à l’interface entre hémostase et immunité. En effet, elles sont un composant clé du système immunitaire inné, supporté notamment par la présence des Toll Like Receptor (TLR) à leur surface. Toutefois, elles exercent également un rôle majeur au sein de l’hémostase primaire afin de réparer les brèches vasculaires à travers la formation du clou plaquettaire. Ce mécanisme a deux fonctions : éviter une perte sanguine importante, mais aussi bloquer l’accès aux potentiels pathogènes à l’intérieur du système vasculaire. Lorsque les plaquettes sont activées, elles sécrètent le contenu de leurs granules, qui est connu pour contenir plus de 300 protéines, telles que des molécules bioactives comme l’ADP et la sérotonine. L’ADP agit pour recruter plus de plaquettes dans le thrombus croissant, tandis que la sérotonine provoque une vasoconstriction pour réduire la perte sanguine. Enfin, les cytokines et chimiokines sécrétées vont recruter les leucocytes pour gérer une potentielle infection, et les peptides antimicrobiens sécrétés agissent pour tuer le pathogène.
Néanmoins, les plaquettes peuvent également être activées dans des localisations autres que des blessures, ce qui peut mener à des conséquences graves telles que l’EI ou la coagulation intravasculaire disséminée (CIVD). Ainsi, des études ont montré que certaines bactéries ont la capacité d’induire une agrégation plaquettaire in vitro, et que cette capacité corrèle avec leur capacité à induire une EI (38). L’agrégation plaquettaire joue donc un rôle majeur dans la pathogenèse de l’EI. Il existe également des interactions qui n’activent pas les plaquettes, et celles-ci sont généralement de haute affinité et jouent probablement un rôle dans le support de l’adhésion plaquettaire sous des conditions de flux sanguin turbulent. On pourrait ainsi supposer que les protéines bactériennes qui induisent l’agrégation sont différentes de celles qui induisent l’adhésion. De même, l’adhésion et l’activation des plaquettes peuvent résulter de mécanismes indépendants médiés par différents composants bactériens ainsi que différents récepteurs plaquettaires (39). Ainsi, une bactérie peut avoir un phénotype d’activation, d’adhésion, les deux ou aucun des deux, et ces différents phénotypes peuvent être spécifiques pour différentes maladies.
Plusieurs études sur l’agrégation plaquettaire in vitro induite par les bactéries ont été menées et il apparaît qu’elle est souvent caractérisée par la présence d’un temps de latence, très variable en fonction des espèces bactériennes. Une augmentation de la concentration de bactéries utilisée peut réduire ce temps de latence mais ne le fait jamais totalement disparaître (40,41). Le mécanisme est donc différent de l’agrégation plaquettaire classiquement induite par les agonistes plaquettaires solubles pour lesquels il n’existe pas de temps de latence. De plus, l’agrégation induite par les bactéries suit un processus tout ou rien, contrairement à l’agrégation induite par les agonistes plaquettaires habituels qui peuvent ne provoquer qu’une agrégation partielle ou réversible.
Interactions Plaquettes – Staphylococcus aureus
S. aureus est une bactérie extrêmement bien équipée en facteurs pathogéniques, incluant les adhésines de surface qui favorisent la colonisation des tissus, et les exo-enzymes et toxines qui favorisent les dommages tissulaires et la propagation de la maladie (7). L’équipe de Sullam a mis en évidence en 1996, grâce à l’utilisation d’une souche mutante dépourvue de capacité de liaison dans un modèle lapin d’EI, que la liaison directe de S. aureus aux plaquettes est bien un déterminant majeur de sa virulence dans la pathogénèse de l’EI (42). En effet, les animaux qui ont été infectés avec la souche mutante développent significativement moins fréquemment d’EI et la densité des micro-organismes au sein des végétations est significativement moins importante qu’avec la souche sauvage de S. aureus. Une incidence réduite de la dissémination métastatique dans les reins ainsi qu’une diminution des concentrations de bactéries dans le parenchyme rénal ont également été observées avec la souche mutante .
Les interactions directes avec S. aureus se produisent notamment lorsque les protéines de la paroi cellulaire de la bactérie se lient directement aux récepteurs de l’hôte exposés. Les molécules bactériennes exposent ainsi typiquement des propriétés agonistes-like vis-à-vis du récepteur de l’hôte, et la liaison aboutit le plus souvent à l’activation des cellules de l’hôte. Toutes ces interactions se font par l’intermédiaire des principaux récepteurs plaquettaires que sont l’intégrine αIIbβ3, la GpIbα et le FcγRIIa. La liaison initiale de S. aureus à la surface plaquettaire est un processus rapide et saturable, mais également réversible, qui dépend du nombre de récepteurs disponibles à la surface des plaquettes pour les bactéries, et donc du nombre de cellules de S. aureus qui vont pouvoir s’y fixer .