INTERACTION ENTRE DES NANOPARTICULES MANUFACTUREES ET DES MODELES BIOLOGIQUES

INTERACTION ENTRE DES NANOPARTICULES MANUFACTUREES ET DES MODELES BIOLOGIQUES

Ce chapitre est consacré à l’étude des effets biologiques des nanoparticules manufacturées sur différents modèles cellulaires (cellules humaines et micro-organismes). Ce travail s’inscrit dans une démarche d’évaluation des risques environnementaux et toxicologiques liée à la production croissante des nano-matériaux (cf. chapitre I). Même si ces risques pouvaient apparaître anecdotiques il y a peu de temps, il existe de plus en plus d’évidences d’un impact biologique néfaste des nanoparticules manufacturées. Il semble que certaines d’entre elles puissent induire un stress oxydatif au niveau du cerveau de poissons (Oberdörster et al., 2004), altérer le comportement et le cytosquelette des cellules humaines (Berry et al., 2003 ; 2004a ; 2004b), engendrer des effets génotoxiques chez les souris (Freitas et al., 2002 ; Sadeghiani et al., 2004) ou encore avoir un pouvoir bactéricide et fongicide (Stoimenov et al., 2002). Mais, comme nous l’avons dit précédemment (cf. chapitre I), les études toxicologiques portant sur les nanoparticules manufacturées sont encore peu nombreuses et les résultats souvent contradictoires ce qui donne lieu à de véritables polémiques entre les chercheurs concernés. Ces divergences viennent du fait que les propriétés physico-chimiques de la surface des nanoparticules ainsi que les conditions d’adressage aux organismes vivants sont mal contrôlées. Pourtant, comme nous le montrerons, l’évolution de ces deux paramètres mérite d’être suivie avec attention lors de l’étude des interactions nanoparticules/cellules.

Des études ont montré que dans les milieux biologiques complexes (pH neutre, riches en sucres, sels, protéines, lipides, enzymes…) la distribution des charges de surface des nano-oxydes est gouvernée par l’adsorption des molécules organiques (Limbach et al., 2005). Cette adsorption entraîne une passivation de la surface ce qui diminue les forces de répulsion entre les nanoparticules et induit une forte agrégation (Limbach et al., 2005 ; Auffan et al., 2006) (Figure IV.1).

En fonction de leur propriétés redox, les oxydes métalliques ne sont pas stables en solution et vont subir des oxydations ou des réductions pouvant engendrer un stress oxydatif pour les cellules (Schoonen et al., 2006). Par définition, un stress oxydatif se produit lorsque les cellules ne contrôlent plus la présence excessive d’espèces réactives de l’oxygène (ROS) (Favier et al., 2003). Les ROS sont produits naturellement par des mécanismes physiologiques car ils sont utiles pour l’organisme, mais en présence d’agents toxiques, leur production devient excessive et les cellules vont devoir se protéger de cet excès par des systèmes antioxydants (Chaudière et al., 1999 ; Gardès-Albert et al., 2003). Les minéraux peuvent induire un stress oxydatif directement par la génération de ROS (relargage d’ions en solution, présence de défaut cristallin en surface, réactions redox se produisant à la surface…) ou indirectement (par l’oxydation de molécules organiques dans le milieu cellulaire) (Schoonen et al., 2006). génération de ROS par les nano-oxydes soient plus importante que pour des oxydes de tailles micrométriques. La génération d’un stress oxydatif a été mise en évidence pour des particules atmosphériques ultrafines et certaines nanoparticules manufacturées (e.g. Hoet et al., 2004 ; Oberdörster et al., 2005 ; Gurr et al., 2005 ; Shvedova et al., 2005 ; Nel et al., 2006 ; Lanone et al., 2006 ; Xia et al., 2006). Cependant, les mécanismes physico-chimiques se produisant à l’interface nanoparticules/cellules et responsables ce de stress oxydatif restent encore mal connus.

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Les nano-CeO2 : ont-elles un rôle protecteur ou un effet toxique pour les cellules ?

À ce jour, moins d’une dizaine d’études ont porté sur les effets biologiques des nano-CeO2 et leurs résultats se révèlent très contradictoires. La cytotoxicité de nano-CeO2 de 20 nm de diamètre a été observée sur des fibroblastes de rongeurs, des cellules mésothéliales et de poumons humains (Limbach et al., 2005 ; Brunner et al. 2006, Lin et al., 2006). Très rapidement, les nano-CeO2 sont internalisées par les fibroblastes via des vésicules d’endocytose. Il s’agit d’une invagination de la membrane externe qui se resserre pour former des vésicules contenant les nanoparticules (Alberts et al., 1983). Après 3 jours d’incubation avec 30 mg/L de nano-CeO2, une diminution significative de la viabilité cellulaire de 10 à 25% est observée pour les fibroblastes de souris, de 45 à 60% pour les cellules mésothéliales et de 54% pour des cellules du poumon. Dans ce dernier exemple, la cytotoxicité est liée à un stress oxydatif comme le prouve la forte production de ROS et la diminution de la concentration en glutathion de 40% et α-tocophérol de 88%, deux antioxydants majeurs (Lin et al., 2006). Les auteurs supposent que ces ROS sont générés lors des cycles redox utilisant des nano-CeO2 car ils sont à l’origine de la capacité des nano-CeO2 à stocker et relarguer l’oxygène (Bedrane et al., 2002 ; Kaspar et al., 2003). Mais le lien entre ces transformations redox de oxydatif généré par des agents toxiques extérieur (Tarnuzzer et al., 2005 ; Schubert et al., 2006 ; Das et al., 2007). Dans ce cas, les nano-CeO2 agiraient comme des anti-oxydants qui limiteraient les quantités de ROS disponibles pour induire un stress oxydatif chez les cellules. Il apparaît donc une contradiction majeure entre ces différents travaux.

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