Etude à l’équilibre de l’interaction AlPcS2-LDL
En suivant le quenching du tryptophane des LDL
La fixation de la phtalocyanine d’aluminium disulfonée à proximité immédiate de l’apoprotéine des LDL, voire directement à celle-ci, sera détectée en suivant les modifications de fluorescence intrinsèque des lipoprotéines. En effet, comme dans le cas de la deutéroporphyrine, il existe un recouvrement important entre le spectre d’émission des LDL (maximum autour de 330 nm) et le spectre d’absorption de la phtalocyanine (maximum 375 nm).
Figure 5.3 : Quenching de la fluorescence intrinsèque des LDL (λex = 280 nm) induit par la fixation de la phtalocyanine : Spectres de fluorescence des LDL (4×10-8 M) en fonction des quantités croissantes de phtalocyanine d’aluminium disulfonée ajoutées, c’est à dire de la concentration totale en phtalocyanine (PT). PT/LDL = 0 ; 2,2 ; 4,4 ; 5,5 ; 6,6 et 8,8.
La figure 5.3 montre que l’association aux LDL de la phtalocyanine d’aluminium disulfonée induit effectivement une diminution de l’intensité de la fluorescence intrinsèque des lipoprotéines. Cette diminution est fonction de la concentration en phtalocyanine ajoutée à la solution de LDL. Comme dans le cas de la deutéroporphyrine, cette diminution nous permet de mettre en évidence l’existence d’une fixation de classe P sur ou à proximité de l’apoprotéine. Les paramètres de cette interaction ont été déterminés de la même façon, en utilisant la méthode de Nishida [35].
En suivant les changements de fluorescence de l’AlPcS2 : schéma global de la fixation
Nous avons ensuite suivi les changements du spectre d’émission de la phtalocyanine d’aluminium disulfonée (1,75×10-7 M) induits par des ajouts de quantités croissantes de LDL (figure 5.5). Les solutions utilisées sont à des concentrations suffisamment faibles pour qu’aucun effet d’écran ne se produise. La fluorescence de chaque espèce en solution est donc directement proportionnelle à sa concentration.
L’équilibre de l’interaction LDL-AlPcS2
Les expériences réalisées à partir de l’observation des changements de fluorescence de la phtalocyanine, ainsi que de celle du tryptophane, nous ont permis de caractériser deux types de fixation. Le premier, impliquant cinq sites, conduit à un quenching de la fluorescence des résidus tryptophanes des lipoprotéines. Il s’agit de la fixation de classe P. Ce type de fixation de la phtalocyanine sur les LDL a déjà été mis en évidence par ailleurs [142]. Quelques molécules supplémentaires de phtalocyanine peuvent s’associer aux LDL sans mettre en jeu ce phénomène de FRET. Il s’agit de fixation de classe L, dans les lipides, qui correspond à la solubilisation des phtalocyanines dans la phase lipidique des LDL. Ce type de fixation a également déjà été évoqué dans la littérature [134, 142 ]. Comme pour la deutéroporphyrine, les sites de classe P sont localisés soit sur l’apoprotéine B-100 soit, plus probablement, à l’interface entre les parties protéique et lipidique des LDL. En effet, le spectre de fluorescence intrinsèque de ces lipoprotéines présente un maximum à plus de 330 nm. Cette valeur est typique de la fluorescence d’un résidu tryptophane dans un environnement fortement apolaire [136]. Cette hypothèse sera plus amplement discutée par la suite.
Etudes cinétiques de l’interaction AlPcS2-LDL
Association de la phtalocyanine aux LDL
Les cinétiques d’association de la phtalocyanine d’aluminium disulfonée aux LDL ont été suivies par enregistrement des variations, au cours du temps, de la fluorescence de la phtalocyanine excitée à 375 nm. Une solution d’AlPcS2 (4,4×10-8 M après mélange) est mélangée, dans notre appareil de stopped-flow, avec une solution de LDL dont on fait varier la concentration (5×10−8 et 1,5×10−7 M après mélange). Les signaux enregistrés correspondent chacun à une moyenne sur dix tirs. De plus, comme toujours dans nos expériences, les conditions sont telles qu’il n’existe aucun effet d’écran. Nous avons pour cela utilisé les possibilités qu’offre notre appareil de travailler sur un chemin optique plus court (2 mm au lieu de 10). L’intensité de fluorescence émise par chaque forme de la phtalocyanine est donc directement proportionnelle à sa concentration. Un signal expérimental typique, correspondant à la plus forte concentration en LDL, est donné figure 5.8. L’intensité de fluorescence de la phtalocyanine excitée à 375 nm augmente dans le temps. Les changements du signal de fluorescence sont très rapides et ces signaux sont très bien ajustés par des courbes bi-exponentielles. Compte tenu des concentrations auxquelles nous avons réalisé ces mesures, ces cinétiques ont été considérées comme étant du pseudo premier ordre et vont donc être analysées comme dans le chapitre précédent pour l’interaction des LDL avec la deutéroporphyrine.
Les donnée obtenues à l’équilibre ont permis de caractériser deux types de fixation de la phtalocyanine aux LDL, définis comme fixation de classe P et de classe L. L’association AlPcS2-LDL sera donc décrite par un système d’équations différentielles identique à (4.10a-c). Le traitement sera donc semblable∗ . La solution de ce système permet d’exprimer la concentration en phtalocyanine libre (PF) sous la forme d’une bi-exponentielle similaire à l’expression (a.3).
Transfert de AlPcS2 des LDL vers la HSA
L’étude dynamique de l’association de la phtalocyanine d’aluminium disulfonée aux LDL met très clairement en évidence la rapidité de cette interaction. Néanmoins, elle ne nous a pas permis de déterminer les paramètres cinétiques correspondants. En effet, le nombre de paramètres ajustables est bien trop important. Le transfert de la porphyrine vers l’albumine de sérum humain (HSA), a précédemment été utilisé avec succès pour déterminer les constantes de vitesse de sortie de la deutéroporphyrine dans le cadre de l’étude de son incorporation dans les LDL. Nous l’avons utilisé ici afin de déterminer les valeurs de kdP et kdL et de diminuer les degrés de liberté lors de nos ajustements. Comme pour la deutéroporphyrine, nous avons considéré que le transfert de la phtalocyanine des LDL vers la HSA a lieu via la phase aqueuse. Si ce phénomène se faisait par collision, nous aurions, comme dans le cas de la porphyrine, des signaux mono-exponentiels (voir équation 4.19). Nous avons pré-chargé des LDL (7,5×10-8 M) avec de la phtalocyanine (2,2×10-8 M). Dans ces conditions, plus de 90% des molécules de colorant sont associées aux LDL. Le signal expérimental obtenu après mélange à 10-4 M de HSA est donné sur la figure 5.9. Ce signal est biexponentiel. Etant donné que les amplitudes des deux phases sont comparables, il nous est possible de différencier clairement les constantes de chacun des termes exponentiels. Les concentrations en LDL et en HSA étant grandes devant celle d’AlPcS2, l’analyse des résultats a été réalisée en considérant les processus comme étant du pseudo premier ordre. La HSA étant en excès, il découle du modèle théorique que les constantes de vitesse de chacune des deux phases donnentdirectement accès aux valeurs des constantes de dissociations (voir équation 4.15- 16).
Analyse des résultats : Ajustements, simulations et synthèse de la dynamique de l’association
A partir de ces valeurs, nous avons retravaillé sur les données correspondant à l’association AlPcS2-LDL. Connaissant les valeurs des constantes d’équilibre et des constantes de vitesse de dissociation, il nous est possible, comme dans le cas de la deutéroporphyrine, de calculer les constantes de vitesse d’association.
Nous avons ainsi obtenu deux jeux possibles de constantes, correspondant chacun aux deux attributions possibles de k1 et k2 (voir équations 5.8). Les ajustements entre les données expérimentales et les courbes théoriques correspondantes (équation 5.3 et 5.7) ont été réalisés avec chacun de ces jeux de valeurs. Nous avons ainsi pu montrer clairement que kdP = 0,8 s-1 et kdL = 6.8 s-1, et que l’attribution inverse n’est pas compatible avec nos résultats expérimentaux. Afin d’affiner ces données et de les rendre cohérentes avec l’ensemble de nos résultats, les cinétiques d’association de la phtalocyanine aux LDL ont été simulées sur ordinateur en imposant les valeurs des constantes de dissociation. Les valeurs obtenues sont données dans le tableau 5.1.
Pour les constantes de vitesse, k1 et k2, des termes exponentiels de l’association de la phtalocyanine d’aluminium disulfonée aux LDL, les résultats de ces simulations sont donnés en figure 5.10. Cette figure montre la bonne adéquation obtenue entre les courbes théoriques et les points expérimentaux. De plus, en accord avec l’équation (5.7), l’amplitude de la seconde phase exponentielle diminue avec l’augmentation de la concentration en LDL (figure 5.11). Sur cette figure, la courbe théorique correspond au résultat de nos simulations sous MathCad. Sa bonne correspondance avec les points expérimentaux confirme la validité de notre modèle et des valeurs des paramètres physico-chimiques obtenus