L’Orif Sion a pour mission l’orientation/observation, la formation et l’intégration socioprofessionnelle d’adolescents et jeunes adultes en situation de handicap ou en difficulté. A leur arrivée au centre Orif, chaque jeune sélectionne quatre métiers au choix dans les différentes professions représentées au sein de l’institution. Une fois ce choix effectué, les apprentis réalisent un stage de deux semaines dans chaque atelier choisi afin de découvrir les métiers. Les quatre stages réalisés, chaque jeune (avec l’aide d’un responsable professionnel et avec l’avis des parents) définit dans quelle profession il aimerait entreprendre sa formation. Cette période est appelée «orientation ». En principe, une fois le choix d’un métier établi les apprentis n’en changent plus.
Après cette période, les apprentis sont répartis dans les ateliers qu’ils ont choisis pour commencer une nouvelle étape d’un mois environ qui est nommée «observation ». Durant cette durée, le personnel encadrant les apprentis a pour mission d’observer les compétences de chaque jeune. A la fin de ce temps d’observation, un choix quant au niveau de formation proposée (CFC, AFP ou interne) doit être fait conjointement par le MSP (référent professionnel) et l’éducateur (référent social). Un rapport contenant de nombreux items concernant les différentes forces et faiblesses de chaque jeune, ainsi que le choix de la formation, est rempli collectivement par ses deux référents et envoyé au service placeur (OAI). Ce dernier choisit ou non d’entériner le choix professionnel ainsi que le niveau de formation proposé.
Thématique traitée
Dans le cadre de mon travail de recherche, j’ai voulu savoir sur quels outils et/ou critères se basaient les différents MSP pour remplir le rapport d’observation et comment ils interprétaient leurs observations durant cette période. En effet, lors de discussions avec eux au moment de remplir ce document, je me suis aperçu que chacun utilisait ses propres outils.
L’expérience acquise durant la formation de MSP
Connaissances des diverses pathologies
Parmi les cours concernant les différentes pathologies et le développement de la personne, il ressort de mes entretiens que les unités d’enseignement les plus fréquemment évoquées comme profitables pour la période d’observation concernent la psychologie du développement et la psychopathologie. Ces cours sont mentionnés dans cinq entretiens comme étant profitables, notamment pour ne pas faire d’amalgame entre les problématiques liées à l’adolescence et celles liées à une maladie. Les propos d’Albert illustrent bien ce point : «La psychologie du développement ça peut peut-être aider par rapport à l’adolescence, car on ajoute des suppositions supplémentaires qui sont typiques à l’adolescence en plus de la problématique». Selon la théorie du développement psychosocial d’Erik Erikson l’adolescence correspond au cinquième stade du développement, soit de 12 à 18 ans et les deux pôles sont : Identité versus confusion de rôles. Cette ambiguïté dans le comportement des adolescents a aussi été exprimée par Françoise Dolto : «Eh bien, l’adolescence n’est pas une crise ; c’est une période de mutation, ce qui est tout à fait différent» . Il est vrai qu’il est parfois difficile de cerner l’origine d’une problématique et que l’ouverture d’esprit et le regard différent développés durant ces cours aident à prendre du recul sur la situation et ainsi mieux adapter la prise en charge pédagogique des apprentis.
Un deuxième point qui peut être mis en relation avec la période de l’adolescence est la position de référence de l’adulte envers les jeunes. «Les adolescents ont besoin de leurs parents pour acquérir autonomie et confiance en soi. Bien qu’ils se plaignent des règles et des restrictions, ils se sentent sécurisés de savoir ce que leurs parents acceptent et ce qu’ils n’acceptent pas. Les ados ne veulent pas être embrassés ou câlinés par leurs parents en public, mais ils peuvent toujours l’être en privé. Les enfants ont besoins de se sentir aimés inconditionnellement par leurs parents et de savoir que ceux-ci les soutiendront quoi qu’il advienne» . Ce petit texte démontre l’importance que chaque adulte travaillant à l’Orif a dans le développement des apprentis car ceux-ci, souvent sans s’en rendre compte, s’identifient aux adultes référents vu que, pour une partie d’entre eux, l’autorité parentale est déficiente. Il est aussi important que le groupe dans lequel se tiennent les jeunes fonctionne du mieux possible afin de sécuriser, valoriser et montrer le bon comportement aux différents membres du groupe.
A contrario des deux cours cités plus haut, l’unité d’enseignement intitulée déficiences et incapacités n’est pas citée de manière très unanime. Seulement deux personnes pensent utiliser les connaissances acquises durant ce cours, et encore de manière plus ou moins inconsciente. Comme le dit Stéphane : «Y’a des choses ça revient, on le fait sans le savoir, sans y réfléchir». Pour la plupart des MSP de l’Orif, les personnes atteintes des pathologies présentées au sein de l’unité d’enseignement ne se retrouvent pas dans notre institution car ils sont trop atteints, soit au niveau physique, soit au niveau cognitif.
Les MSP de l’Orif utilisent donc les connaissances acquises durant ces unités d’enseignement pour ne pas faire d’amalgame entre les «problèmes» liés à l’adolescence de ceux liés à la problématique du jeune. Les connaissances acquises sont bien intégrées et les MSP les utilisent sans forcément y réfléchir de manière consciente. La connaissance des diverses pathologies permet également de mieux saisir pourquoi certains jeunes ont une compréhension très limitée, qui comme on l’a vu dans le concept de compétences professionnelles est l’une des trois dimensions nécessaire pour en acquérir de nouvelles. Cela ne leur permet donc pas d’acquérir certaines compétences ou tout au moins très difficilement.
Mes entretiens font aussi ressortir que trois MSP sont beaucoup plus attentifs au biais liés à leurs observations. Ils jugent leur manière d’observer plus pertinente et pointue qu’auparavant. Les propos de Marcel illustrent bien cela : «Maintenant oui, y’a pas mal de choses, les biais, le regard est différent, je suis plus attentif à ce que je regarde». Ce même MSP (il est encore en formation) m’a parlé de l’effet de halo . Depuis qu’il a suivi ce cours, il prend beaucoup plus de recul par rapport aux informations et observations que d’autres personnes ont pu avoir sur un jeune. Voire même, il ne les regarde pas s’il n’y a pas de problématique médicale qui l’impose.
Pour l’unité d’enseignement intitulée ADS (analyse de situation), mes résultats sont encore plus probants car sept personnes m’ont dit travailler régulièrement avec cet outil. Cela leur permet de prendre du recul sur la situation et d’émettre et/ou entendre d’autres hypothèses auxquelles ils n’auraient pas forcément pensés. Par ces paroles Ingrid confirme le bon accueil de ce cours : «De poser des hypothèses c’est pas mal. Euh ! Et après d’aller les vérifier».
Pour quatre MSP cela se fait de manière peu consciente ou orale entre les adultes de la section. Il ne s’agit pas de faire une démarche complète mais bien de prendre du recul sur la problématique du jeune et de réfléchir à d’autres pistes d’actions pour favoriser ses apprentissages.
Il est à noter que depuis une année, une plage horaire est maintenant réservée pour des ADS entre éducateurs, MSP et toutes autres personnes travaillant au sein de l’institution. Cinq MSP m’ont déclaré avoir eu recours à ce processus depuis son entrée en vigueur. Ces périodes d’ADS font partie intégrante du nouveau concept pédagogique qui est mis en place actuellement au sein de l’Orif Sion et qui se base sur trois points : la médiation pédagogique, la psychopédagogie cognitive et la pratique réflexive. « Dewey (1933, 1993), puis Argyris (1995) et Schön (1994, 1996) ont rendu célèbre l’idée de pratique réflexive (Perrenoud, 2001). Au-delà de la réflexion dans l’action, qui a des fonctions de régulation d’une action encore en cours ou qui va se poursuivre, comme un match à la mi-temps, la réflexion dans l’après coup à un autre sens, à la fois catharsis, liquidation émotionnelle de l’action passée, et construction de » savoirs d’expérience « . L’expertise peut être conçue comme une expérience analysée, le produit d’une réflexion souvent amorcée dans le cours de l’action, interrompue puis reprise « à tête reposée » » . Les cours d’ADS entrent parfaitement dans ce concept de pratique réflexive car cet outil permet de prendre le temps de la réflexion et de l’analyse de ses pratiques. Il aide les MSP à mettre en œuvre des pratiques professionnelles efficaces pour lui-même et pour les apprentis dont il a la référence professionnelle .
En guise de conclusion de mon deuxième thème, je dirais que ces deux outils font partie des plus utilisés par les MSP de l’Orif dans le cadre de leur atelier. Tous les MSP, sauf une personne ayant terminé sa formation il y a vingt-trois ans et trois autres n’étant pas encore formés, m’ont répondu avoir recourt à l’un au moins de ces deux outils. Ils permettent aux MSP de prendre le recul nécessaire pour effectuer une réflexion sur des faits concrets et non pas sur des suppositions.
1 Introduction |