Intégration et optimisation de procédés de séparation d’ADN
Les techniques de biochimie analytique pour la séparation de biomolécules ont connu de nombreuses évolutions accompagnées de changements de formats instrumentaux. Le début du 20e siècle a vu naître la chromatographie d’absorption (Strain, 1967). Cette technologie a connu une telle croissance que l’on peut catégoriser les « enfants de la chromatographie » en au moins 12 types de chromatographies majeurs. Ces techniques peuvent servir plusieurs objectifs, notamment ceux de préparer et d’analyser les constituants d’un mélange. Ces composés d’intérêts (analytes) sont séparés lorsque la technique est dite préparative, et sont identifiés lorsqu’elle est dite analytique. L’identification est souvent faite par comparaison avec des substances déjà connues, dans l’échantillon-même ou via une solution de référence. Les techniques préparatives servent généralement à séparer les espèces d’intérêt en amont à l’application d’autres techniques d’analyse, comme par des techniques de spectroscopie par exemple. En fonction de la phase (Chromatographie en Couche Mince CCM, en Phase Gazeuse CPG, en Phase Liquide CPL ), du support (chromatographie planaire ou sur colonne), de la méthode physique de séparation (chromatographie d’absorption, de partage, d’exclusion stérique ), on obtient une famille extrêmement riche, disposée à répondre à divers besoins, aussi bien applicatifs qu’analytiques, dans de multiples domaines. En particulier, nous nous intéresserons ici aux techniques de séparation en taille d’acides nucléiques. C’est l’électrophorèse sur gel dans un premier temps (Stellwagen, 1998) puis en capillaire (Wang et al., 2008 ; Liu et al., 2014) qui se sont rapidement imposées comme les techniques de séparation en taille de référence (Viovy, 2000a ; Dorfman et al., 2010) pour les acides nucléiques (ADN, ARN). L’augmentation des performances de ces techniques a été le moteur du développement technologique. L’utilisation de champs pulsés (Schwartz et al., 1984) par exemple pour séparer les molécules de très grande taille (> 40 kbp) ou le remplacement des gels par des solutions de polymères dans les capillaires pour des séparations plus rapides et plus efficaces (Xu & Baba, 2004). Enfin l’électrophorèse capillaire, via l’instrumentation de masse et le multiplexage, a permis l’amplification des rendements et de la sensibilité (Huang et al., 1992 ; Woolley et al., 1994). Ces techniques, associées à ces développements, sont maintenant très utilisées en routine dans les laboratoires pour le diagnostic, l’analyse médico-légale ou encore le séquençage .
Phénomènes de transport pour la séparation d’espèces
Pour séparer des espèces, les techniques de séparation les transportent, les amenant à se différencier via un critère de sélection (taille ou charge par exemple), qui va dépendre du système de transport. La séparation est décrite par deux processus différents : l’advection et la diffusion. Mettre une espèce en mouvement dans un fluide est appelé l’advection. Nous préférerons ce terme au terme convection qui désigne plutôt un transfert de chaleur et à conduction qui fait référence parfois à plusieurs phénomènes. Le processus d’advection entre donc en compétition directe avec la diffusion (Fig. 1.1). Il existe plusieurs types de diffusions, nous aborderons ici le phénomène de diffusion de la matière qui tend à rendre homogène sa concentration dans un système. La première cause de diffusion est l’agitation thermique, déplaçant la matière des zones les plus concentrées vers les zones les plus dépeuplées et induisant un lissage du gradient de concentration. Ces deux phénomènes sont responsables du transfert des espèces dans le système physique, et ce transfert est décrit par l’équation de transport d’advection-diffusion.
Phénomène de transport
Équation d’advection-diffusion
Le phénomène de transport ou de transfert concerne de multiple grandeurs (chaleur ou matière par exemple), le rendant présent dans divers champs de la physique et de la chimie. Nous discuterons ici du transfert massique principalement. L’origine de l’advection peut être une ou plusieurs forces externes qui agissent directement sur l’espèce ou la particule. À la différence de l’advection, la diffusion a pour source une inhomogénéité. La propension des systèmes physico-chimiques à rendre cette grandeur uniforme provoque sa redistribution spatiale. 𝜕𝑐 𝜕𝑡 = ∇. (𝐷∇c) − ∇. (𝐯c) + S (1.1) L’équation générale met en jeu l’espèce concernée (ici 𝑐 sa concentration) et décrit son comportement en fonction de plusieurs paramètres. Prenons et gardons l’image d’une concentration de sel qui serait transportée dans un canal. Ces paramètres peuvent être intrinsèques à l’espèce, par exemple 𝐷 est son coefficient de diffusion. Nous verrons par la suite en fonction des cas que le coefficient de diffusion peut être constant ou dépendre des propriétés du système ou des paramètres d’actuation, et que souvent c’est une grandeur bien définie mais peu évidente à mesurer. D’autres paramètres de l’équation d’advection-diffusion dépendent directement et exclusivement du système. Le champ de vitesses 𝒗 décrit le déplacement de l’espèce, par exemple dans le cadre d’un fluide dans un tube. C’est alors la vitesse 𝒗 du fluide qui sert de véhicule pour le sel dans le canal. À contrario 𝒗 peut aussi être la vitesse de la particule chargée se déplaçant sous l’effet d’un champ électrique. Si on applique un champ électrique dans le canal, le sel se déplacera en réponse au flux d’ions en mouvement dans le fluide, le fluide n’étant pas en mouvement à proprement parlé. Enfin S représente les sources (création) et fuites (destruction) pour l’espèce. Ce terme dépend à la fois des propriétés de l’espèce (réaction chimique, ) et des propriétés du système. On explicitera 2 termes de l’équation qui décrivent les deux processus de transfert mis en jeu ici : ∇. (𝐷∇c) décrit le processus de diffusion. ∇ est la divergence, le gradient de la valeur c. Un pic de concentration tend à s’aplanir, comblant le manque qui existait autour du maxima local. L’inverse est bien-sûr vrai pour un minima local qui tend à se combler. −∇. (𝐯c), quant à lui décrit l’advection. Ce terme explicite et tient compte du fait que la concentration locale dépend du transport par la vitesse 𝒗. On peut imager cela par un pic de concentration en sel à l’entrée d’un canal, via une injection soudaine par exemple, qui est transférée par 𝒗 et mesurée à la sortie. Finalement, on parlera ici de procédé d’advection forcée pour appuyer le fait que la migration fait partie du processus d’actionnement et de diffusion naturelle pour accentuer la perspective de l’obstacle que représente cet acteur non contrôlé.
Diffusion naturelle en régime libre
Il me faut rendre compte d’un phénomène important qui joue un rôle dans chacun des processus explicités par la suite : celui de la diffusion en régime libre. Le phénomène de diffusion par mouvement brownien (Brown, 1828) qui décrit le mouvement provoqué par l’entrechoquement de petits objets comme des particules avec les petites molécules présentes en phase liquide. Ces chocs conduisent la particule à être toujours en mouvement, suivant une trajectoire irrégulière. C’est un phénomène primordial, qui entre en jeu dans tous les systèmes et procédés, à l’origine de la notion de processus stochastique et difficilement modélisable de par le caractère aléatoire du mouvement. Contrairement au phénomène de l’advection il n’y a pas de mouvement d’ensemble induit par le mouvement brownien et statistiquement le déplacement est nul. Évidemment, les particules ne sont pas immobiles au cours du temps, ce sont les barycentres des trajectoires qui ne sont pas en mouvement.
INTRODUCTION |