Intégration des acteurs
Pour rappel, l’intégration des fournisseurs et celle des clients/utilisateurs sont des facteurs de succès de la mise en place d’une démarche d’écoconception (cf. page 32). La nécessité d’un système de conception intégré avec les acteurs externes de la chaîne de valeur est d’autant plus vraie lorsque l’entreprise concernée est à la fois le client de fournisseurs et le fournisseur d’autres clients ou que les produits développés s’intègrent dans d’autres systèmes et qu’ils ne peuvent pas remplir seuls leur fonction. D’un point de vue environnemental, l’intégration de la responsabilité sociétale des entreprises doit être perçue comme une valeur partagée et prise en compte dans l’analyse de la chaîne de valeur (Porter & Kramer, 2006). L’analyse de la chaîne de la valeur environnementale est une combinaison de la prise en compte de l’environnement, de la chaîne de valeur client et du management de la chaîne logistique (Rose & Stevels, 2000). Les flux environnementaux (monétaires ou physiques) sont intégrés afin d’avoir une valeur économique totale du produit au lieu d’une valeur marketing seule (Fasse, et al., 2011). Cela signifie donner une valeur par exemple aux impacts environnementaux. Les outils purement économiques de l’analyse de la valeur intègrent le coût environnemental et l’analyse des bénéfices ou des mesures physiques pouvant être converties en coûts (ex. l’énergie) (Fasse, et al., 2011). Les outils d’analyse environnementale intègrent des aspects économiques (ex. l’analyse des coûts du cycle de vie) (Fasse, et al., 2011).
Intégration des fournisseurs
Les fournisseurs peuvent devenir proactifs et par eux-mêmes proposer des solutions permettant d’améliorer les performances environnementales (ne plus se cantonner à respecter les réglementations) et valoriser leur démarche afin d’en tirer un bénéfice en matière de part de marché et d’image. En contrepartie, les demandes des clients doivent aussi évoluer dans le même sens et considérer leurs fournisseurs comme une force motrice pour atteindre leurs objectifs environnementaux (Michelin, et al., 2014). Certains clients intègrent dans leur cahier des charges des objectifs environnementaux que le fournisseur doit satisfaire autres que ceux poussés par les réglementations (Michelin, et al., 2014), mais cela reste marginal.Une des difficultés à traiter les problématiques environnementales entre fournisseurs et clients est le manque d’échange d’informations environnementales pour réaliser des analyses environnementales (Michelin, et al., 2014), (Aschehoug, et al., 2012). Cela est également vrai pour les autres acteurs de la chaîne de valeur. L’information est indispensable et provient en grande majorité des parties prenantes externes à l’entreprise (Aschehoug, et al., 2012). La majorité des données échangées concerne la conformité réglementaire (ex : REACH, RoHS, ErP) (Michelin, et al., 2014), (Rodrigues, et al., 2016). Aschehoug et al. (2012) ont montré que l’entreprise sous-estime les informations détenues par les parties prenantes. Cet écart entre les informations réellement détenues et les informations envisagées comme détenues par le client est induit par les pratiques courantes de demande d’information qui restent limitées. Les causes sont principalement le manque d’échanges, la non-visibilité du potentiel de l’information, le manque de connaissances et de compétences, le manque d’objectifs stratégiques environnementaux et le manque d’importance donnée à la partie prenante. Il peut être comblé par l’augmentation des engagements entre les différents partenaires et la mise en relation des bons interlocuteurs (Nakano & Hirao, 2011). L’intégration des fournisseurs devient donc un paramètre clé pour le partage des données nécessaires à l’évaluation environnementale (Prinçaud, 2011), (Aschehoug, et al., 2012).
Les produits consommateurs d’énergie lors de leur utilisation sont connus pour avoir la majorité de leurs impacts environnementaux liés à la phase d’utilisation (Brezet & Van Hemel, 1997), (Lockton, et al., 2008), (Wever, et al., 2008). Cela est notamment vrai pour les produits thermiques tels que les fours, les réfrigérateurs, les moteurs etc, mais cela peut être faux pour les produits à prépondérance électronique tels les ordinateurs, les téléviseurs etc pour lesquels l’impact des composants électroniques (matières premières, traitements en fin de vie) avec des durées de vie relativement courtes peut être plus important que l’impact de la phase d’usage (Rousseaux & Apostol, 2000). La phase d’utilisation (figure 13) comprend la sélection, l’achat, l’utilisation, la maintenance, la réparation, et la mise au rebut des produits (Koskijoki, 1997) comme cité dans (Bhamra & al. 2011). Le client/utilisateur du produit a donc une influence sur le choix de l’équipement, les conditions d’utilisation du produit ainsi que sur la fin de vie de celui-ci, lorsqu’il prend la décision du choix du traitement en fin de vie son produit, ou de le revendre. Eberle & Franz (1998) ont été parmi les premiers à modéliser la phase d’utilisation en Inventaire du Cycle de Vie (ICV) pour une voiture et à identifier les paramètres importants. Pour améliorer la modélisation de l’usage, il est possible de considérer plusieurs scénarios (le meilleur scénario, le pire, par genre, par culture, etc.) et d’estimer la répartition des utilisateurs dans chacun de ces scénarios (Polizzi di Sorrentino, et al., 2016). En sciences sociales, on parle de segmentation lorsque l’on répartit les utilisateurs par type. La segmentation est aussi utilisée pour les études marketing. Il est également possible de simuler plusieurs scénarios à l’aide de la matrice SRI (Stranford Research Institute) (Cluzel, 2012). La matrice SRI consiste à élaborer différents scénarios.