Évaluation des pratiques culturales sur la mycorhization et la production de trois variétés de Pomme de terre obtenues par vitrométhodes
Intégration de la micropropagation dans la culture de la pomme de terre
Mise en France par Nozeran et Bancilhon (1972), la multiplication végétative in vitro de la pomme de terre est aujourd’hui quasi universellement utilisée pour les premières générations de multiplication. En pratique, ces techniques ont démontré qu’elles offrent divers avantages par rapport aux méthodes de multiplications traditionnelles. Cette méthode de bouturage conforme et rapide conduit à l’obtention d’un nombre important de plantes juvéniles. Elle permet de reproduire des plantes absolument saines, exemptes de toute infection bactérienne ou virale (Ranalli, 1997). Des collections de variétés saines peuvent aussi être maintenues au laboratoire tout en restant immédiatement disponibles pour des opérations de multiplication et de commercialisation. Par cette technique, il est possible d’assainir progressivement les variétés locales virosées ou vieillissantes mais adaptées aux conditions agro-climatiques du Sénégal (Dieng, 1993 ; Ndiaye, 2001). Cependant, la micropropagation est sous la dépendance des facteurs externes : environnementaux, nutritionnels et hormonaux, mais elle est avant tout dépendante du génotype, donc des facteurs endogènes propres à chaque variété (Belliti et al., 1994 ; Désiré et al., 1995a).
Facteurs limitants la micropropagation
La photopériode Elle est le principal facteur externe. La lumière et l’obscurité agissent conjointement par leur durée et leur période d’exposition. Les jours longs (16 h de lumière et 8 h d’obscurité) induisent une meilleure micropropagation. Les jours courts (8/16h, jour/nuit) par contre, entrainent la formation des microtubercules (Charles et al., 1995). Il est rapporté par Sidikou (2002) que les effets de la lumière varient en fonction des cultivars. La température Elle a également une grande influence sur la micropropagation de la pomme de terre. Les températures idéales se situent entre 15 et 20 °C ceci même en l’absence de cytokinine. La température optimale de tubérisation est à 18 °C (Ellisseche, 2008), 20°C, voire 25 °C (Wang et Hu, 1982). Les températures plus élevées diminuent le rendement en perturbant la tubérisation et en provoquant des repousses. Quant aux basses températures (inférieures à 4 °C), elles inhibent fortement les réactions métaboliques (Hussey et al., 1984). Les facteurs nutritionnels Le saccharose intervient dans le processus de la tubérisation en induisant la synthèse de nombreuses protéines comme la patatine ou l’ADP glucose pyrophosphorylase (Jackson, 1999) Il intervient comme signal pour la régulation du niveau des enzymes impliquées dans le processus. Une bonne tubérisation requiert une concentration minimale de saccharose égale à 6% (Ewing, 1995). L’optimum de concentration en saccharose est fonction des génotypes et se situerait entre 6% et 10%, généralement 8% La concentration du saccharose entraine l’induction et l’activation de l’expression des gènes dirigeant la synthèse de l’amidon et par là même l’accumulation de l’amidon dans les tubercules (Banfalvi et al., 1999).
Les pytohormones : Elles sont des régulateurs de croissance qui jouent un rôle complexe dans la transmission des stimuli environnementaux aux différents niveaux de la plante. Elles conditionnent également la réceptivité des tissus et cellules à ces stimuli. Les travaux de Charles et al., (1995) ont démontré un modèle de multiplication d’explants uninodaux de pomme de terre cultivés in vitro en absence de régulateur de croissance. En plus Vinterhalter et al., (1997) ont montré que les vitroplants de pomme de terre n’exigent généralement pas d’hormones exogènes pour s’enraciner. Ils peuvent donc, se propagés sur milieu nutritif simple. La variabilité génétique L’apport de la biotechnologie végétale dans le développement de la pomme de terre au Sahel nécessite l’utilisation de génotypes adaptés aux conditions locales. Il faut utiliser des génotypes peu sensibles aux conditions de températures élevées et au stress hydrique, principaux facteurs abiotiques caractérisant le climat sahélien. Une étude a été réalisée en en serre pour identifier les génotypes de pomme de terre les mieux adaptés au stress hydrique. Les résultats obtenus montrent que les génotypes Désiré, Claustar, Aïda, Atlas présentent une bonne résistance au stress hydrique accompagnée de bons rendements en microtubérisation (Sidikou, 2002). 4. Acclimatation des plants de pomme de terre Le transfert direct vers le plein champ des plantules cultivées in vitro n’est cependant pas possible. Ainsi, la mise au point de divers procédés permettant ce transfert a été nécessaire. C’est ainsi que les techniques d’acclimatation et d’enracinement en motte des vitroplants, des techniques de production de minitubercules, de production de vitro ou microtubercules ont vu le jour pour un transfert en plein champ. Chaque technique possède des avantages et des inconvénients.
Parmi ces inconvénients, la fragilité des plants micropropagés pendant la phase d’acclimatation, ne milite pas en faveur d’une production soutenue en quantité et en qualité. En effet, ces plants sont très sensibles aux attaques des nématodes et des champignons (Schenk, 1981). Avec l’émergence des biotechnologies, une attention particulière a été accordée au potentiel d’utiliser les champignons MA pour favoriser l’acclimatation et la survie des plantules micropropagées (Vestberg et Estaun, 1994 ; Vanna et Schuepp, 1996). D’où l’équipement précoce des vitroplants en flore mycorhizienne arbusculaire pendant leurs acclimations, suscite de nos jours beaucoup d’intérêt (Gianinazzi et al., 1989 ; Rapparini et al., 1994).
MYCORHIZATION
Notion de mycorhizes
Décrit pour la première fois par le botaniste allemand Frank en 1885, le terme mycorhize (du grec « mukes » = champignons et « rhiza » = racines) est une association mutualiste entre les racines d’une plante et les champignons symbiotiques du sol. Cette relation mutualiste est appelée symbiose mycorhizienne. Elle est l’une des associations les plus dynamiques au sein des écosystèmes terrestres (Smith et Read, 2008). En effet, les champignons mycorhiziens forment des symbioses avec près de 95% des plantes terrestres, colonisant des milieux tels que les forêts boréales, tempérées et tropicales ainsi que les toundras, les prairies et de nombreuses terres cultivées (Read et PerezMoreno, 2003). Selon la position phylogénétique de leurs partenaires et selon leurs structures symbiotiques, plusieurs types de mycorhizes sont définis. Les deux formes de symbiose mycorhizienne les plus représentées sont la symbiose mycorhizienne arbusculaire (MA) et la symbiose ectomycorhizienne.
La symbiose mycorhizienne à arbuscules est de loin la plus répandue des symbioses mycorhiziennes. En effet, celle-ci est associée à plus de 80% des espèces de plantes terrestres actuelles essentiellement des espèces herbacées, et notamment des espèces cultivées importantes (Smith et Read, 2008). Cependant, il existe qu’environ 160 espèces de champignons formant des symbioses MA. Des données fossiles apportent la preuve de l’existence de cette symbiose il y a plus de 400 millions d’années, ce qui coïncide avec l’apparition des premières plantes terrestres (Selosse et Le Tacon, 1998). Il a donc été suggéré que les champignons MA auraient joué un rôle crucial dans la colonisation du milieu terrestre par les plantes. Ceci pourrait expliquer la distribution ubiquiste de cette symbiose MA dans le règne végétal ainsi qu’au sein des écosystèmes. Les champignons MA sont regroupés sous l’embranchement des Glomeromycota, dans la classe des Glomeromycetes, ordre des Glomerales et la famille des Glomeraceae (Walker et Schübler, 2004).
Biologie des champignons MA
L’établissement de la symbiose MA commence par la colonisation d’une racine compatible par les hyphes produites par les propagules de champignons MA (spores asexuées ou racines déjà mycorhizées). Si l’hyphe ne rencontre pas de racine après 2 à 4 semaines de croissance le champignon ne peut pas se développer et compléter son cycle Chapitre 1 Synthèse bibliographique 26 de vie. Dans ce cas, les spores peuvent se remettre en dormance après rétractation du protoplasme et réallocation des ressources en attendant de meilleures conditions. Suite à ce stade asymbiotique du champignon, le premier stade de la colonisation mycorhizienne est la formation d’un appressorium à la surface de la racine à partir duquel le champignon peut pénétrer les tissus racinaires externe en 36 heures (Juge, 2009) pour former les structures intracellulaires spécialisées que sont les pelotons et les arbuscules (Requena et al., 2007). Lors du stade pré-symbiotique, c’est un dialogue chimique entre le champignon et la racine compatible qui permet la rencontre des deux partenaires. Des exsudats racinaires de la plante hôte induisent la germination des spores, la croissance et la ramification de l’hyphe (Buée et al., 2000). Ce qui augmente les chances du champignon d’entrer en contact avec une racine. Le composé, induisant la ramification de l’hyphe, a été isolé et identifié par Akiyama et al., (2005) comme étant une strigolactone.
Ces composés induisent une réaction pré-symbiotique fongique caractérisée par une croissance des hyphes en continu, une augmentation de l’activité physiologique et mitochondriale ainsi qu’une ramification abondante des hyphes qui augmente ainsi les chances d’une rencontre avec l’hôte. En retour, les spores germées produisent des signaux diffusibles, appelés facteurs Myc, qui sont perçus par les racines des plantes même en l’absence de contact physique avec le champignon (Maillet et al., 2011).
Rôle des champignons MA dans l’agriculture
Rôle des champignons MA sur la croissance des plantes
L’effet majeur des champignons mycorhiziens dans les écosystèmes non perturbés est l’amélioration de la croissance des plantes mycorhizées par rapport aux plantes non mycorhizées (Plenchette et al., 1983). Ceci est assuré grâce à leur action de biofertilisant (Plenchette et al., 2005). En effet, en explorant un plus vaste volume de sol, le mycélium des champignons MA permet de supplémenter la nutrition de la plante en éléments limitants. Dans certains cas de sols acides (pH < 5), où ce sont des éléments comme Ca, Mg ou K qui sont déficients, les plantes mycorhizées montrent ainsi, des concentrations foliaires en ces éléments supérieurs aux plantes non mycorhizées (Clark, 2000). Mais le plus souvent, ce sont les composés azotés et les phosphates qui sont les facteurs limitants pour la croissance de la plante. En plus, il a été bien montré, en utilisant des dispositifs à compartiments, que les hyphes extraradiculaires du champignon sont capables de prélever et de transporter ces éléments jusqu’aux racines, en particulier le phosphore (Cooper et Tinker, 1978).
Le phosphore est en effet prélevé sous forme d’orthophosphates (phosphate inorganique Pi) par les plantes. Or, cette forme minérale du phosphore est en quantité limitée dans le sol. Sous l’action du prélèvement racinaire, il se créé rapidement des zones d’appauvrissement autour des racines à cause d’un apport relativement lent en P de la part de la phase solide du sol et de la faible diffusion de P dans le sol. La présence du champignon est donc essentielle pour explorer le sol, à la recherche de cet élément peu mobile et fournir à la plante, ce dont elle a besoin pour se développer. Pour accéder aux pools de phosphore du sol inaccessibles aux plantes, les champignons MA seraient capables d’hydrolyser le P organique en P inorganique pour le transférer à la plante hôte (Koide et Kabir, 2000). L’amélioration du prélèvement des éléments limitants est ainsi associée à une augmentation de la biomasse des plantes mycorhizées. L’absorption de certains oligo-éléments peu mobiles comme le cuivre, le fer, le manganèse et le zinc est améliorée chez la plante mycorhizée.
Comme le phosphore, ces minéraux sont absorbés par les hyphes mycéliens et transloqués vers la plante. En effet, les champignons modifient les entrées et sorties des métaux de la plante. Cela se fait par une fixation des métaux dans les membranes cellulaires du champignon ou la sécrétion d’oxalates pour bloquer les ions métalliques dans les sols ou encore un stockage dans la plante entière. Les plantes mycorhizées s’adaptent mieux aux sols pollués que celles non mycorhizées (Cooper et Tinker, 1978 ; Ndiaye, 2011). En plus de bénéficier d’une meilleure nutrition minérale, les plantes mycorhizées montrent aussi une meilleure résistance à divers stress dont les agents pathogènes (Alkaraki et al., 2004).
Rôle des champignons MA sur la protection des cultures
Le potentiel des champignons MA comme agent de lutte biologique a été répertorié chez des dizaines d’espèces cultivées de solanacées (Caron et al., 1986 ; Matsubaru et al., 1995). Ces solanacées associent avec plusieurs Gloméromycètes pour des affections d’origine principalement fongique et bactérienne. De ces investigations, des mécanismes d’action protectrice émergent, au niveau de la plante, du parasite et de la microflore du sol (Dalpé, 2005)
Mécanismes d’action protectrice des MA sur la plante
Pour protéger les plantes contre ces ennemis, les champignons mycorhiziens agissent directement sur la plante soit par une stimulation de croissance, soit par une transformation morphologique au niveau racinaire ou par l’induction ou la suppression de mécanismes de défense, notamment ceux impliquant plusieurs enzymes (Dalpé 2005). Stimulation de la croissance. L’acquisition d’une vigueur accrue grâce à une meilleure nutrition, permet à la plante de mieux tolérer les stress environnementaux dont ceux causés par diverses maladies (Azcon-Aguilar et Barea, 1996). Cette réduction de la susceptibilité aux infections n’est généralement efficace que lorsqu’une symbiose fonctionnelle s’établit préalablement à l’attaque des parasites. Dans la majorité des cas, ces derniers, une fois en contact avec leur hôte, envahissent nettement plus rapidement les tissus végétaux que les champignons mycorhiziens.
Dans le cadre d’une analyse détaillée, Pinochet et al., (1996) ont montré qu’effectivement, il existe un facteur de cause à effet entre la nutrition améliorée des plantes mycorhizées et leur résistance aux attaques de parasites. Cependant, ce facteur ne compte que pour une partie seulement de la protection. C’est la raison pour laquelle, dans le cas de la fusariose de la tomate, une nutrition optimale en phosphore n’atténue pas les symptômes de la maladie (Caron et al., 1986). Ce qui indique clairement que d’autres mécanismes de protection viennent s’ajouter à la nutrition comme facteur de protection. De plus, les bénéfices de la mycorhization sur la protection contre les parasites apparaissent souvent une fois seulement que le parasite a envahi l’hôte. Ce qui indique qu’une diversité de mécanismes est impliquée dans la protection. Transformation morphologique racinaire Les hyphes mycorhiziens colonisant les racines, saturent davantage les sites d’infections disponibles. Ce qui limite donc, la pénétration de la racine par les hyphes d’un parasite. Ceci ralentit ou retarde le développement du parasite et diminue d’autant l’incidence de la maladie. La plante conservant intacte les zones colonisée par action systémique. Gamalero et al., (2004) ont constaté chez la tomate que la mycorhization s’accompagne d’une protection accrue contre la pourriture racinaire causée par Phytophthora fragariae Hickman. Or, on pourrait croire qu’une abondance de ramifications puisse fournir à un tel parasite davantage d’opportunité pour infecter les tissus racinaires.
Induction ou la suppression de mécanismes de défense La colonisation mycorhizienne prédispose les plantes à réagir rapidement aux attaques de parasites (Dugassa et al., 1996 ; Singh et al., 2000). Cette protection indirecte se traduit au niveau cellulaire par des réactions anatomiques, métaboliques et physiologiques. Elle peut être due à l’induction ou à la suppression de divers mécanismes de défense liés aux phytoalexines, phénols, peroxydases, chitinases, ßglucanases, lignification, déposition de callose et diverses autres protéines liées à la pathogenèse. Une augmentation du taux de lignification des parois cellulaires de l’endoderme et des tissus vasculaires et un dépôt de callose est constatée chez certains couples « plantemycorhize ». Cette lignification accrue constitue une barrière de protection pour la racine contre la pénétration de parasites. Elle s’accompagne également d’une accumulation de composés phénoliques vraisemblablement suivie d’une activité chitinolytique qui altère les parois, notamment de certains parasites fongiques (Benhamou et al., 1994 ; Sylvia et Chellemi, 2001). Les enzymes hydrolytiques chitinase et ß-glucanase jouent un rôle de protection. Elles sont impliquées dans la dégradation des parois cellulaires. À ce titre, elles sont reconnues pour leur activité antifongique (Dumas-Gaudot et al., 1996).
Une hausse de l’activité des chitinases et ß-glucanases a été observée chez les racines de légumineuses avant même tout contact racinaire avec Glomus intraradices Schenck & Smith (Volpin et al., 1994) et au début de la colonisation, pour diminuer et pratiquement disparaître une fois la mycorhization établie et fonctionnelle (Lambais et Mehdy 1993; Spanu et al.,. 1989). Cette activité est d’ailleurs principalement liée aux jeunes arbuscules dont la longévité n’atteint que 3-4 jours (Blee et Anderson, 1996). La dégradation continuelle des arbuscules intraracinaires entraîne une augmentation d’activité chitinolytique dans les couches profondes des cellules corticales ce qui peut directement affecter l’intégrité cellulaire des parasites (Benhamou et al., 1994; Dehne et al., 1978). La présence d’isoformes de chitinase nouvellement synthétisées et différentes de celles synthétisées par les parasites ont été détectées dans des racines de tabac et de tomates mycorhizées et parasitées (Cordier et al., 1996; Dumas-Gaudot et al,. 1992), un mécanisme de défense spécifique aux parasites induit par les parois cellulaires de l’hôte (Pozo et al., 1998).
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