Depuis la colonisation et plus particulièrement durant la deuxième République, le «problème riz » faisait partie des grands paris posés aux hauts responsables des gouvernements successifs. Dans les années 80, le problème crucial d’insuffisance de la production rizicole avait en effet amené à intensifier la recherche de solution rapide et durable pour atteindre coûte que coûte l’autosuffisance alimentaire. Cependant en 2004, « le problème riz » resurgit avec acuité sur le devant de la scène socio-économique de Madagascar : pourquoi le riz reste encore une question cruciale d’actualité malgré tant de recherche et tant de développement ? La réponse à cette question contient des éléments d’explication nombreuses et complexes. Evidemment, les principaux facteurs connus sont ; la dégradation des infrastructures dans les périmètres rizicoles, le manque d’intrant, de l’apparition de nouvelle maladie, etc. La multiplicité et l’interprétation de leur composante constituent autant d’aspects qu’il faudrait aborder et démêler. Autrement dit, le domaine de problèmes de la filière rizicole est très vaste.
Durant le dernier semestre de 2004, le secteur a connu une crise qui s’est manifesté par une flambée de prix. Le prix du riz est tellement haussier que bon nombre de ménage ne pouvait plus y accéder. Afin de rétablir le prix à son niveau initial, le gouvernement a décidé d’augmenter l’offre en important des riz thaïlandais. Toutefois, l’arrivée massive des riz thaïlandais n’a pas entraîné immédiatement une baisse des prix du riz local (loi de l’offre et de la demande sur le marché). Les tendances à la hausse pendant la fin de l’année 2004 continuent au début de l’année 2005. Le prix du riz, notamment du riz local, continue d’enregistrer une hausse malgré la présence continue du riz importé sur le marché. En effet, les riz locaux ont connu une hausse moyenne de prix de 12,4% pendant cette période . Alors la question se pose : la crise actuelle de la filière provenant de l’instabilité des prix est-elle due seulement aux défaillances du marché ou à l’insuffisance des conditions nécessaires pour le fonctionnement du marché ? Si c’est le cas, il ne faut pas mettre en cause non seulement les conditions de prix mais tout un tas d’autres facteurs telle la commercialisation, la structure de production, etc. Ainsi le choix de notre sujet : « Intégration de la filière rizicole à l’économie de marché après les ajustements structurels ».
ETAT DES LIEUX DE LA FILIÈRE RIZ
La riziculture constitue la filière principale du secteur agricole malgache. Son poids économique en fait un pilier majeur dans l’ensemble du développement socio économique du pays. Le riz en tant que base de l’alimentation, peut être considéré comme un des indicateurs de tableau de bord national. Il est même un truisme de dire que quand « le riz va, tout va » . L’année 2004 a été proclamée année internationale du riz pour appeler l’attention mondiale sur le rôle que peut jouer le riz dans la sécurité alimentaire et la réduction de la pauvreté. Pour une grande partie de la population mondiale, le riz, c’est la vie . Le riz est profondément enraciné dans le patrimoine culturel des sociétés. Il est en effet l’aliment de base de plus de la moitié de la population mondiale. Les systèmes de production rizicole et les opérations post récoltes connexes emploient près d’un milliard de personnes dans les zones rurales des pays en développement. Près des 4/5 du riz mondial sont cultivé par de petits agriculteurs des pays en développement à faible revenu . Etant donné l’importance de la filière, après sa mise en contexte dans l’économie malgache, une présentation succincte de sa production et de sa commercialisation.
Historique et généralité
Pour Madagascar, le riz est un produit à la fois économique, social et politique. Produit de première nécessité, il a une place importante dans tous les domaines de la vie des malgaches.
Historique des organisations de la filière
On distingue d’abord trois phases dans le passé :
Première phase (avant 1972)
Cette phase se caractérise par la suprématie des grands riziers transformateur privé, à dominante de capitaux français. Le BCSR (Bureau de commercialisation et de stabilisation des paddy et des riz) est crée en 1963 pour deux raisons : s’assurer de l’approvisionnement en riz de la population à un prix abordable pour le consommateur, et stabiliser le prix d’achat du paddy au producteur et les prix de vente du riz au consommateur et à l’exportation. Les usiniers transformateurs du riz, organisé en syndicat des riziers s’associèrent très étroitement à la nouvelle politique du BCSR. « La bonne entente entre le BCSR et le syndicat des riziers, intéressé à commercialiser des riz de qualité pour l’exportation, aboutit à une politique de prix à la production. Sur le plan technique, sous l’impulsion des colons attributaires de concessions naît la riziculture moderne vers 1946 . La riziculture prendra vraiment son essor après le lancement de véritables travaux d’aménagement (drainage, et réseaux primaires d’irrigation avec la mise en place du SOMALAC en 1961 s’ensuit alors un programme organisé d’aménagement systématique (barrage, réseaux primaires, secondaires, terminaux).
Sur le plan de la recherche, il faut rappeler la création d’une première station agricole dès 1921 organisant une collection de variété de riz. Le célèbre (MK) makalioka y est « isolé » à partir des populations de riz locales. Entre 1961 et 1977 environ 35.000 ha ont été aménagé par SOMALAC dont 29.000 en maîtrise totale d’eau. Entre 1963-1974 s’est opéré une redistribution foncière de 30.000 ha à raison d’une norme de 4ha/famille .
Deuxième phase (1972-1984)
La seconde période qui voit le jour en 1973 et prend fin en 1983 est dominée par l’instauration d’une emprise para-étatique ou étatique sur le commerce du riz et la suppression du commerce privé du riz. L’option politique de la seconde république fut l’étatisation totale de la filière rizicole. Cette période paraît pouvoir être brièvement caractérisée comme suit.
1- Le secteur privé interviennent au niveau de la collecte : des collecteurs mandataires des riziers travaillant sur commission. Des collecteurs indépendants livrant le paddy collecté au plus offrants » Cette situation prévaut dans beaucoup de région productrices. Les pouvoirs publics ont essayé de s’introduire dans ces régions par la création d’organismes parapublics, certains ont obtenu le monopole des achats » .
2- Les syndicats de communes et les coopératives « Certains syndicats des communes et coopératives ont pu obtenir le monopole de l’achat du paddy… Partout ailleurs ces organismes coexistent avec le secteur privé. Comme chacun sait, les résultats obtenus par ces organismes socialisants sont dans l’ensemble peu satisfaisants. Dans bien des cas, les paysans ont préféré continuer à vendre leur paddy au secteur privé auprès duquel, ils se sentent mieux servis. La prise en considération de ces expériences aurait pu servir à modérer les mesures prises en 1973.
3- Les sociétés d’aménagement Les sociétés d’aménagement interviennent également dans la commercialisation du paddy en jouant le rôle de collecteur. Ainsi le COMEMA assurait le monopole de la collecte de paddy sur la MAROVOAY, la SOMALAC travaillait en tant que mandataire du BCSR sur le lac Alaotra.
4- Le BCSR Le BCSR intervenait de manière indirecte et directe sur la commercialisation du riz. Il élaborait les réglementations et mesures d’intervention et de contrôle dans ce domaine. Il intervenait aussi en tant que grossiste collecteur utilisant des mandataires, collecteurs agrées, coopératives, sociétés d’aménagement comme par exemple la SOMALAC.
5- Les opérations de productivité rizicole. Ces sociétés ont tenté une expérience de « vente groupée de paddy » .
Troisième phase (après 1983-1995)
La troisième période qui commence 1983 constitue un changement de cap radical par rapport à la période précédente et engage un processus de marche accélérée vers la libéralisation. Ce processus repose sur une promotion du secteur et a pour corollaire une entreprise de dépérissement du secteur public. Premièrement, contenu de la nouvelle politique commerciale, En 1983 s’opère un changement de politique en matière de commercialisation du riz tout à fait radical. Le gouvernement estime que le système d’administration des prix et de monopole de la collecte et de la commercialisation appliquée jusqu’ici n’est pas de nature à susciter une réaction de la part des producteurs pour améliorer la production . Les grands axes autours desquels s’organisent la nouvelle politique sont les suivants. Libéralisation de la collecte du riz et donc promotion du secteur privé. Relèvement du prix producteur obtenu par le libre jeu de la concurrence. Marche vers la libération des prix Diminution des importations On attend d’une hausse du prix producteur une augmentation de la production et partant des quantités mises sur le marché par les producteurs. Vente du riz importé aux prix reflétant « les tendances à long terme des cours mondiaux. Utilisation des importations comme éléments régulateur du marché. Une note de la Banque Mondiale fournit des indications intéressantes sur la politique de libéralisation mise en œuvre. Il est plus facile d’identifier un problème que de le résoudre. En principe, il devrait suffire d’inverser les mesures adoptées en début des années 1970 et de permettre le libre peu des forces du marché. Mais dans la réalité, ce processus d’inversion devra être mené avec soin pour éviter tout déséquilibre aigu pendant la période de transition. Cette note est révélatrice du noyau dur autour duquel s’organise la nouvelle politique est bien celle politique commerciale et de la stratégie d’accompagnement pour la période de « transition ».
INTRODUCTION |