Insuffisance respiratoire aiguë chez les noyés facteurs associés avec nécessité de ventilation mécanique
La noyade est une pathologie circonstancielle qui reste fréquente de par le monde (1,2). La physiopathologie de la noyade est dominée par la détresse respiratoire aigüe qui est le déterminant des autres atteintes y compris l’arrêt cardiaque dont la survenue est d’origine hypoxémique (3). La prise en charge de cette pathologie comporte une valence essentielle de prévention primaire par la prévention de sa survenue mais également de prévention secondaire par l’extraction rapide de la victime du milieu aquatique (4). En cas d’échec de ces mesures, la seconde valence, thérapeutique, repose sur une prise en charge médicalisée centrée sur la correction de l’hypoxémie. La stratégie de réanimation respiratoire a longtemps été centrée sur l’oxygénothérapie ou sur le recours à la ventilation mécanique. Cette seconde option présente des avantages certains mais également des complications propres.
Les enfants (surtout avant 5 ans) sont les plus touchés par cette problématique, ce qui explique le nombre important d’études faites en population pédiatrique, malgré une mortalité proportionnellement plus importante chez l’adulte (notamment après 45 ans) (figure 2).
Physiopathologie
La submersion avec contact de liquide au niveau du tractus respiratoire provoque une apnée réflexe parfois associé à un laryngospasme qui empêche toute inhalation de liquide et provoque une hypoxie avec hypercapnie et acidose. Lorsque cette hypoxie devient trop importante et que les troubles de la conscience s’installent, une levée du laryngospasme avec inhalation de liquide parfois massive apparaît. L’irruption de liquide dans les alvéoles créé un œdème pulmonaire. L’altération du surfactant dû au liquide est également responsable d’un collapsus avec atélectasie, d’une augmentation de la perméabilité endothéliale le tout aboutissant à une altération du rapport ventilation/perfusion et une augmentation du shunt intra-pulmonaire se traduisant par une hypoxémie avec hypercapnie et acidose respiratoire. Une hypoxémie profonde peut survenir même après une quantité d’eau inhalée d’environ 1-2mL/Kg (6).
La noyade en eau salée
L’eau salée, hyperosmolaire par rapport au plasma (942 vs. 300 mOsm/kg), pourrait en cas d’inhalation être responsable d’une aggravation de l’œdème pulmonaire par mécanisme d’appel d’eau. Certaines études suggèrent que la sévérité d’un œdème pulmonaire lésionnel serait 3 fois plus importante en cas d’immersion en milieu salé qu’en cas de noyade en eau douce (7). Le caractère hyperosmolaire peut également être responsable d’un transfert ionique alvéolo-capillaire responsable d’une hypernatrémie avec parfois hyperkaliémie et acidose. Ces perturbations sont néanmoins peu significatives et interviennent lors d’inhalation de grandes quantités d’eau (> 22mL/Kg).
« La noyade est une insuffisance respiratoire résultant de la submersion ou de l’immersion en milieu liquide. » Les issues de la noyade seront classées de la manière suivante : décès, séquelles et absence de séquelles. Cette classification permet notamment d’abandonner les termes de noyade mouillée, sèche, active, passive, silencieuse ou secondaire (10) et affirme donc la place centrale de l’Insuffisance Respiratoire Aigüe dans la physiopathologie de cet pathologie circonstancielle. Le stade 4 de la noyade est associé à une défaillance hémodynamique excluant la réalisation d’une autre forme de support ventilatoire que la ventilation mécanique. Par ailleurs, les stades 5 et 6 sont des urgences vitales absolues nécessitant une réanimation immédiate, excluant le plus souvent toute autre option que la ventilation mécanique.
Prédire l’évolution en cas de noyade
Même si certaines études suggèrent que la présentation clinique initiale en cas de noyade joue un rôle important dans la détermination du pronostic vital et fonctionnel (14,15), les données concernant les facteurs prédictifs de dégradation secondaire demeurent assez restreintes. L’INVS dénombre certains facteurs associés à une mortalité accrue (figure 4) en cas de noyade (16). Une mise au point sur les noyades cite également quelques facteurs supposés protecteurs (tableau 1) (6). Ces derniers demeurent pourtant non consensuels et parfois controversés. Ainsi que nous l’avons abordé plus haut, la mortalité des patients en détresse respiratoire aiguë isolée après noyade reste assez faible, certains nécessitent pourtant une assistance respiratoire invasive par ventilation mécanique au cours de leur hospitalisation (17), elle-même source de complications.
Le but de l’étude était donc de définir les facteurs prédictifs de nécessité de ventilation mécanique chez les patients admis à l’hôpital en détresse respiratoire aiguë après noyade en se basant sur des données cliniques et paracliniques disponibles à l’entrée. L’analyse statistique a été effectuée à l’aide du programme IBM SPSS Statistics software version 20.0 (IBM SPSS Inc., Chicago, IL, USA). Une analyse multivariée basée sur la régression logistique binaire a été utilisée afin d’identifier les facteurs prédictifs de ventilation mécanique. Le test de Hosmer-Lemeshow a permis de tester l’ajustement du modèle aux données.