Instaurer un lien sécurisant avec l’enfant la posture de l’enseignant

Instaurer un lien sécurisant avec l’enfant la posture de l’enseignant

Evoquer la posture de l’enseignant revient probablement ici à aborder la dimension la plus personnelle de cette première d’année d’enseignement. Trouver ma place dans cette classe de petite et moyenne section de maternelle a été tout aussi délicat pour moi que pour mes jeunes élèves. Je me voulais souriante, douce, disponible pour chacun, source de curiosité dans les apprentissages que je proposerais, à la fois cadrante et bienveillante… Je n’imaginais pas à quel point je devrais me remettre en question pour trouver mon centre de gravité. C’est bien parce que j’avais à coeur d’accueillir ces jeunes élèves dans un cadre rassurant et positif, que je n’ai eu de cesse de m’interroger sur la bonne posture à avoir. A. À l’école de la bienveillance : le cadre de la pédagogie positive La notion de bienveillance, cette « disposition d’esprit inclinant à la compréhension, à l’indulgence envers autrui » (Larousse) prend toute sa place à l’école depuis la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de 2012. Elle apparaît nettement dans les programmes en vigueur de l’école maternelle, entre autres sous les termes suivants : « L’école maternelle est une école bienveillante. Sa 26 mission principale est de donner envie aux enfants d’aller à l’école pour apprendre, affirmer et épanouir leur personnalité » (…) « Il s’agit d’accompagner les enfants dans leur épanouissement en facilitant la transition école-maison, en mettant le jeu et l’évaluation positive au cœur des apprentissages. » Dans le contexte éducatif, l’école se doit donc d’être à la fois bienveillante et exigeante, en « veillant bien » sur les élèves, les sécurisant et étant attentive à leurs progrès comme à leurs difficultés. Pour ce faire, l’enseignant observe chacun de ses élèves pour connaitre ses acquis, comprendre ses difficultés, l’aider à devenir autonome dans ses apprentissages et il organise des dispositifs appropriés, dans le cadre de la construction d’une relation éducative positive propice.27 Dans ce contexte, arrêtons-nous sur cette notion de bienveillance, étudions de plus près l’effet qu’une relation bienveillante peut avoir sur le développement de l’enfant. 26 https://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=86940 http://www.ac-grenoble.fr/ien.grenoble5/IMG/pdf/bienveillance2.pdf 27 24 Instaurer un lien sécurisant avec l’enfant la posture de l’enseignant 

La bienveillance, au coeur des neurosciences affectives

Le développement affectif du cerveau de l’enfant

Nous avons précédemment montré que la sécurité affective favorisait l’entrée dans les apprentissages, et explicité l’importance que l’école donne désormais à la bienveillance dans la relation avec l’enfant. Il apparaît que les récentes recherches en neurosciences affectives et sociales nous disent qu’une relation de bienveillance vis à vis de l’enfant favorise le développement de son cerveau, jusqu’à le rendre bienveillant lui-même. Dans leur ouvrage Les gestes clés en maternelle pour une école bienveillante, Jacques Bossis, Christine Livérato, Claudie Méjean écrivent qu’ « un adulte emphatique et aimant aide à révéler les capacités intellectuelles et affectives d’un enfant dont il a la charge. Cela suppose d’agir en connaissant l’évolution du cerveau de l’enfant. » Des propos qui rejoignent les résultats des nombreuses études en neurosciences affectives et sociales, portées en France par la pédiatre Catherine Guéguen. Celle-ci démontre que l’environnement social et affectif agit directement et en profondeur sur le cerveau de façon globale : dans sa dimension cognitive et affective. Dans son ouvrage Pour une enfance heureuse, elle précise que le tourbillon émotionnel qui caractérise les enfants de jeune âge ne peut en aucun cas être qualifié de ‘caprice’ : « Il ne s’agit pas de caprices ni de troubles pathologiques du comportement, mais d’une conséquence de l’immaturité du cortex préfrontal et des circuits relayant l’information entre le cortex et le système limbique. Le cerveau supérieur n’est pas assez développé pour pouvoir gérer de tels orages émotionnels. Les tout-petits sont très fréquemment assaillis par ces émotions et ces impulsions primitives d’attaque ou de fuite, ils ne sont pas encore capables de prendre du recul, de réfléchir, d’analyser la situation ». Plutôt que de punir, crier, s’énerver, menacer, l’adulte doit consoler, apaiser, pour aider l’enfant, envahi par ses émotions, à retrouver son calme. « Lorsqu’un adulte rassure, sécurise, console un enfant en pleurs, il l’aide à développer, dans ses lobes frontaux, les connexions essentielles qui lui permettront avec le temps d’apaiser ses sentiments de danger imminent, de menace, de peur, déclenchés par son cerneau émotionnel ». Quand les adultes sont capables de sécuriser et d’accueillir les émotions de l’enfant, le cortex préfrontal (dans lequel se développe la capacité à l’empathie, à faire des choix, à 25 aimer, à avoir un sens éthique et à gérer ses émotions) et l’hippocampe (qui occupe une place centrale dans l’apprentissage et la mémoire) se développent.28 A contrario, un enfant laissé seul en proie à une tempête émotionnelle, ou dont les émotions ne sont pas écoutées voire niées devient peu résistant au stress : il sera plus sensible à l’anxiété et plus enclin à l’agressivité. D’un point de vue neurologique et scientifique, quand un enfant est stressé, il sécrète de l’adrénaline et du cortisol à des taux trop élevés. Le cortisol a un effet toxique et détruit des neurones dans le cortex préfrontal et dans l’hippocampe, ce qui aura un effet contreproductif dans son développement affectif et cognitif. Dans une ambiance agréable, face à avec une personne empathique, sous un regard bienveillant ou quand il reçoit des sourires, le même enfant sécrètera de l’ocytocine, cette hormone qui lui permettra à son tour de faire preuve d’empathie, de faire face au stress, de prendre confiance, ou encore de coopérer. 

Le rôle de l’enseignant

A la lumière de ce qui a été dit, Catherine Guéguen affirme que l’attitude idéale des adultes envers les enfants, au regard de la responsabilité qu’ils ont, réside en trois gestes : mettre des mots sur leurs émotions (tu es triste/ fâché/ déçu/ en colère/ dégoûté/ tu as eu peur…, les expliquer (tu es… parce que… et c’est difficile pour toi), et apaiser l’enfant par le ton de la voix et la posture, ainsi que par des contacts physiques. « Quand l’adulte met des mots sur les émotions de l’enfant, en lui demandant de toujours confirmer si c’est bien ce qu’il ressent : ‘là je pense que tu es très en colère ou bien que tu as peur, tu es déçu, triste, jaloux… est-ce que c’est cela?’, il aide l’enfant à identifier ses émotions, à sentir ce qui se passe en lui » En outre, des études montrent que mettre des mots sur les émotions et les comprendre aide à les gérer, ce qui sera bénéfique pour le contrôle des émotions négatives. Les répercussions sur les relations avec autrui, le collectif et la réussite sont incontestablement positives : des échanges harmonieux, apaisés, rendent l’enfant moins agressif, anxieux et font maturer le cerveau de l’enfant dans sa globalité (cortex préfrontal et orbitofrontal). https://apprendreaeduquer.fr/preuves-neurosciences-education-bienveillante/ 28 26 Mais la gestion du groupe, du temps, le stress de l’avancée des apprentissages plongent parfois l’enseignant dans des rapports de force qui ne sont plus questionnés, et qu’il s’agira de ne pas laisser s’installer. Un point de vue intéressant est celui de Christine Schuhl, dans son livre Remédier aux douces violences. Elle y définit et cible les « petites habitudes qui s’installent au fil du temps, des gestes quotidiens incertains, des paroles infondées, souvent en contradiction avec des valeurs éducatives et morales » (…) et engage les enseignants à prendre conscience de l’automatisation de ces gestes pour lutter contre. Elle rappelle l’importance de veiller à ce que les rapports ne deviennent ni autoritaires, ni conflictuels afin de servir les besoins des enfants, avant les besoins individuels de l’enseignant, l’adulte devant avant tout bannir de son discours toutes paroles menaçantes ou servant un chantage quelconque. Elle ajoute qu’il est préférable de porter une attention réelle, la plus consciente possible, à chacun dans son individualité. Cela suppose de réduire les moments de regroupement et mettre à profit tous les temps éducatifs de la journée durant lesquels de nombreuses relations duales sont possibles. Enfin, le professeur des écoles doit rester attentif aux élèves les plus timides qui essaient de se faire oublier dans un groupe. En variant les modalités d’intervention auprès des élèves, il les repère plus facilement et s’assure d’avoir un contact avec eux.

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