Inscription du récit dans le milieu en résolution de
problèmes de mathématiques
Modèle de traitement des problèmes à l’école primaire
définition d’un curriculum praxique « De nombreux enseignants, à la fin du lycée et au supérieur, déplorent que leurs élèves ou étudiants ne savent pas résoudre des problèmes de mathématiques. Cette remarque, qui mérite d’être précisée et interrogée pour en évaluer la profondeur, appelle une question didactique fondamentale : quels savoirs souhaitons-nous que les élèves retiennent in fine de leur scolarité en mathématiques ? »(Hersant, 2010a, p. 7) Dans ce premier chapitre, nous proposons de définir le statut de l’activité de résolution de problèmes de mathématiques tel qu’il nous semble être véhiculé à l’école primaire. Pour cela, nous caractérisons, au travers de la lecture des instructions officielles, ce que nous avons appelé un modèle de traitement des problèmes. Nous considérons ainsi une activité plus vaste que la résolution effective d’un problème comprenant également la mise en place d’un protocole permettant à l’élève d’aborder, selon la situation proposée, le problème auquel il est confronté. Nous abordons cette question en nous appuyant sur le cadre méthodologique proposé par Castela (2008b) via la définition d’un curriculum praxique. Il s’agit pour nous de déterminer « l’ensemble des nécessités d’apprentissages relatives à la résolution de problèmes » (Castela, 2008b, p. 163) 1. Nous nous basons pour cela sur les programmes scolaires de l’année 2008 2 ainsi que sur les documents d’accompagnements proposés par le CNDPCRDP3. Dans la première section de ce chapitre nous montrons que les programmes scolaires ne présentent pas explicitement ces nécessités d’apprentissages. Les termes de 1. Corine Castela propose cette notion de curriculum praxique depuis la 13eÉcole d’Été (Castela, 2008a). Dans Travailler avec, travailler sur la notion de praxéologie mathématique pour décrire les besoins d’apprentissages ignorés par les institutions d’enseignement, elle développe cet outil autour des cursus du secondaire. Elle l’utilise pour déterminer les enjeux non explicités d’apprentissages (Castela, 2008b) ; c’est à dire les connaissaces nécessaires à la réussite scolaire en mathématiques qui ne sont pas pris en charge (du moins explicitement) par les institutions. Dans notre travail, nous investissons cette notion de curriculum praxique au niveau de l’école primaire. 2. Bulletin officiel spécial no 6 du 28 août (2008) et Bulletin officiel hors-série no 3 du 19 juin (2008) 3. Centre National de Documentation Pédagogique, Centre Régional de Documentation Pédagogique 23 « rigueur » ou encore « goût du raisonnement » apparaissent mais aucune définition, ni dispositif permettant de les acquérir n’est proposé. Notre analyse des programmes nous amène donc à les envisager comme des enjeux non explicités d’apprentissages 4 (Section 1.1). Pour compléter cette lecture, nous nous intéressons dans la deuxième section aux documents d’accompagnement des programmes 5 (Section 1.2). Leur étude nous permet de reconstruire le modèle de traitement des problèmes envisagé par les instructions offficielles (Figure 1.10, p. 41). Nous concluons ce chapitre en soulignant les limites du modèle de traitement proposé et en nous interrogeant sur les nécessités d’apprentissage relatives à la résolution de problèmes. 1.1 L’activité de résolution de problèmes dans les programmes scolaires de 2008 En s’inscrivant dans les quatre domaines d’enseignement des mathématiques 6 la résolution de problèmes de mathématiques occupe une place très importante dans les programmes scolaires de 2008. Ce n’est pas un fait nouveau puisque déjà en 2002, les documents d’accompagnement des programmes pour l’école primaire indiquaient que : « La résolution de problèmes constitue le critère principal de la maîtrise des connaissances dans tous les domaines des mathématiques, mais elle est également le moyen d’en assurer une appropriation qui en garantit le sens. » (Documents d’accompagnement des programmes, Charnay et al., 2002, p. 7) Dans notre analyse des programmes scolaires, nous allons nous intéresser aux documents produits pour l’école primaire mais également à ceux produits pour le collège. Cette double approche nous aide à repérer, dans les programmes de l’école primaire, les points qui constituent des enjeux pour la scolarité future de l’élève. Au collège, l’activité de résolution de problèmes est en effet considérée comme le cœur des apprentissages. Elle est présentée comme le symbole de l’activité mathématique. À l’école primaire, elle doit avant tout permettre « d’approfondir les connaissances (. . . ), de renforcer la maitrise du sens (. . . ), de développer la rigueur et le goût du raisonnement » (Bulletin officiel spécial no 6 du 28 août, 2008, p. 23). À la lecture des programmes, nous retenons trois objectifs pédagogiques à la pratique de la résolution de problèmes en classe de mathématiques que 4. « Des apprentissages qui doivent être réalisés par les élèves pour réussir dans la classe de mathématiques alors même que l’institution d’enseignement n’organise aucun système didactique visant explicitement à permettre la réalisation des apprentissages en question » (Castela, 2008b, p. 137) 5. Le nombre au cycle 2 et le nombre au au cycle 3 : Documents d’acompagnement des programmes cycles 2 et 3, Dupaire & Mégard (2008). 6. Les programmes pour l’école primaire, comme ceux du collège, répartissent les savoirs mathématiques en quatre domaines : A. Organisation et gestion de données. Fonctions ; B. Nombres et calculs ; C. Géométrie ; D. Grandeurs et mesures. 24 nous développons dans les points suivants : – Objectif épistémique : Permettre aux élèves d’acquérir les savoirs mathématiques et/ou de les utiliser dans différentes situations. – Objectif épistémologique : Faire pratiquer aux élèves une activité scientifique qui se rapproche de celle du chercheur. – Objectif méthodologique : Développer chez les élèves des capacités de raisonnement, de logique et d’abstraction.
Objectif épistémique
Permettre aux élèves d’acquérir les savoirs mathématiques et/ou de les utiliser dans différentes situations À l’école primaire, les apprentissages dans toutes les disciplines doivent permettre aux élèves de construire leur rapport au monde. Cet objectif est annoncé dès la première ligne du préambule de l’école primaire en ces termes : « Donner à chaque enfant les clefs du savoir et les repères de la société dans laquelle il grandit est la première exigence » (p. 10). En mathématiques, cet apprentissage passe par la pratique de la résolution de problèmes. Se pose alors la question de savoir comment est envisagée la relation entre les apprentissages mathématiques et l’activité de résolution de problèmes. Si les programmes du primaire et du secondaire s’accordent sur l’importance de cette activité dans les apprentissages, ils ne lui accordent pas le même statut. À l’école primaire, la résolution de problèmes est orientée vers l’approfondissement des connaissances. Elle complète les apprentissages plus techniques en proposant des situations concrètes, liées à la vie courante comme nous le verrons dans les manuels scolaires par la suite, pour permettre aux élèves de construire du sens. Par exemple, dans le domaine numérique, l’apprentissage des quatre opérations élémentaires est découpé dans les programmes en deux moments distincts. Un premier qui vise à faire acquérir aux élèves les techniques pour effectuer ces opérations. Un second, permettant aux élèves de « construire le sens des opérations » (p. 18). L’activité de problèmes doit permettre aux élèves de construire du sens en plaçant les objets et outils mathématiques dans des situations concrètes. L’activité de résolution de problèmes est inscrite dans tous domaines des mathématiques et donc dans les tableaux de progression des cycles 2 et 3. Cependant, et c’est important à souligner, elle est positionnée à la fin de chacun des domaines (Figure 1.1, p. 26). L’apprentissage de la technique semble précéder la construction du sens tant dans le domaine numérique que dans le domaine géométrique. Au collège, à l’inverse, la résolution de problèmes doit, selon les programmes, être à l’origine de la construction des connaissances. Dans les tableaux de progression de la sixième à la troisième, cette activité surplombe, par les mots et dans la mise en page tous les autres apprentissages (Figure 1.2, p. 27). Pour bien faire, selon les instruction officielles du collège, il faudrait aborder toutes les notions par des « situations créant problème » (p. 10). Ce sont des situations qui 25 doivent permettre de « mettre en place », « entretenir », « compléter », « consolider », « enrichir » et « oganiser » (p. 13-38) les connaissances. On voit bien ici la différence avec le niveau primaire avec les mots « mise en place ». Les auteurs vont même plus loin en proposant un « caneva » (p. 4) pour l’organisation d’une progression qui met en jeu des situationsproblème (sans les nommer ainsi) au sens défini par Astolfi et Ducancel (1995) ; Astolfi, Darot, Ginsburger-Vogel, et Toussaint (2008). L’origine des connaissances doit se trouver dans « les questions que [l’élève] se pose et dans les problèmes qu’il résoud » (p. 10). Cependant, la construction du sens et l’approfondissement des connaisances mises en avant à l’école primaire ne sont pas pour autant oubliées au collège : « Si la résolution de problèmes permet de déboucher sur des connaissances nouvelles, elle est également un moyen privilégié d’en élargir le sens et d’en assurer la maîtrise. Pour cela, les situations plus ouvertes, dans lesquelles les élèves doivent solliciter en autonomie les connaissances acquises jouent un rôle important » (p. 10). Note : Ci-dessous deux extraits des tableaux de progression niveau primaire et secondaire évoqués p. 26. On repère dans le tableau 1.1 (pour l’école primaire) que la résolution de problème est proposée en dernière position contrairement au tableau 1.2 (pour le secondaire) où elle est en tête. Figure 1.1 – Extrait des tableaux de progression niveau primaire .
Objectif épistémologique
Faire pratiquer aux élèves une activité mathématique qui se rapproche de celle du chercheur. Comme le souligne Castela (2008b), en étant au coeur du système d’enseignement, la résolution de problèmes est à la base de l’évaluation en mathématiques. De fait, « la réussite en mathématiques dépend (…) pour l’élève de ses qualités de résolveur de problèmes » (p. 140). Cette approche, justifiée par le fait que la résolution de problèmes à l’école est la transposition d’une « des dimensions majeures de l’activité d’un mathématicien » (Ibid.), est une spécificité de l’enseignement en mathématiques qui se différencie ainsi des autres discplines scolaires. La pratique d’une activité mathématique à l’école est donc conditionnée par la pratique d’une activité de résolution de problèmes. Les concepteurs des programmes de 2008 ont décliné ce leitmotiv tout au long des textes officiels en indiquant par exemple que « faire des mathématiques, c’est se les approprier par l’imagination, la recherche, le tâtonnement et la résolution de problèmes, dans la rigueur de la logique et le plaisir de la découverte ». (Bulletin officiel hors-série no 3 du 19 juin, 2008, p. 2). Les objectifs de cette reproduction de l’activité mathématique du chercheur, présente dès l’école primaire, est exprimée dans les programmes du collège via deux niveaux de pratique. Le premier, interne aux mathématiques, présentant l’activité de résolution de problèmes comme le support de la démarche d’investigation scientifique. Le second, externe aux mathématiques, mettant en évidence les relations des mathématiques avec les autres disciplines scientifiques. Dans les programmes du collège, la résolution de problèmes est assimilée à la démarche d’investigation. Il est dit que « cette démarche s’appuie sur le questionnement des élèves sur le monde réel (en sciences expérimentales et en technologie) et sur la résolution de problèmes (en mathématiques) »(Bulletin officiel hors-série no 3 du 19 juin, 2008, p. 4). 27 C’est grâce à ces activités, dites de recherche, que les élèves sont supposés apprendre ce qu’est l’activité scientifique en général et mathématique en particulier : « À travers la résolution de problèmes, la modélisation de quelques situations et l’apprentissage progressif de la démonstration, les élèves prennent conscience petit à petit de ce qu’est une véritable activité mathématique : identifier et formuler un problème, conjecturer un résultat . . . « (Bulletin officiel hors-série no 3 du 19 juin, 2008, p. 9) Les liens entre sciences expérimentales et mathématiques sont mis en avant. Durant les quatre années du collège, les élèves doivent acquérir une culture scientifique et plus précisément faire l’expérience que les mathématiques « fournissent des outils puissants pour modéliser les phénomènes et anticiper des résultats en particulier dans le domaine des sciences expérimentales »(Bulletin officiel hors-série no 3 du 19 juin, 2008, p. 1). Les programmes du collège s’éloignent ici de ceux de l’école primaire dans lesquels les mathématiques semblent plus cloisonnées et où la pratique de la résolution de problèmes n’a d’objectifs qu’à l’intérieur du cours de mathématiques lui-même. L’objectif de la résolution de problèmes au niveau primaire est avant tout de donner du sens aux concepts mathématiques. Objectif complété au niveau secondaire avec l’ambition de comprendre l’utilité des outils mathématiques dans le domaine scientifique.
Objectif méthodologique
Développer chez les élèves des capacités de raisonnement, de logique et d’abstraction. Résoudre un problème de mathématiques est un travail particulier. Il ne s’agit pas simplement de trouver le résultat d’une opération mais de mettre en place un raisonement. L’élève doit être capable d’élaborer une stratégie lui permettant de résoudre le problème. Les programmes officiels mettent bien en avant cette caractéristique. Dans ceux pour l’école primaire, il est dit plusieurs fois que « l’apprentissage des mathématiques développe l’imagination, la rigueur et la précision ainsi que le goût du raisonnement » (p. 18). Cet apprentissage se fait en particulier dans le domaine numérique. Au collège, c’est la géométrie qui semble être privilégiée pour ces apprentissages. Elle est présentée comme étant le « domaine de l’argumentation et du raisonnement, elle permet le développement des qualités de logique et de rigueur » (p. 2). Cette position est tout de même nuancée par la suite. Que ce soit dans le domaine numérique ou géométrique, la résolution de problèmes est le lieu d’apprentissage du raisonnement et de la construction de preuves. D’un commun accord entre les instructions du primaire et collège : résoudre des problèmes permet d’apprendre à raisonner. Il se pose alors la question des moyens proposés aux élèves pour acquerir cette capactité. Dans les programmes scolaires, la détermination des besoins et la mise en place de dispositifs didactiques permettant aux élèves d’acquérir les compétences requises pour résoudre un problème est laissée à la charge de l’enseignant. Au collège, les méthodes de résolution de problèmes, ne sont pas incluses dans la liste des objectifs d’apprentissage (Tableau A.1, p. 256, annexe A). Nous pouvons donc faire l’hypothèse, qu’au niveau secondaire, la résolution de problèmes a un statut d’outil, permettant l’apprentissage des 28 mathématiques. Ceci peut s’expliquer par une ambition constructiviste marquée dans ces programmes. La résolution de problèmes est un moyen de faire travailler les élèves, elle leur permet, comme nous l’avons indiqué, d’acquérir et d’organiser leurs connaissances. De fait, la résolution de problème se doit d’être déjà au moins partiellement acquise et ne bénéficie par conséquent d’aucun apprentissage prévu par les instructions officielles. Si la construction de connaissances mathématiques semble reposer sur une vision constructiviste, l’apprentissage de la résolution de problèmes se fait par la pratique. Les élèves doivent acquérir des « réflexes intellectuels », mémoriser et automatiser « certaines procédures et raisonnements particulièrement utiles » (p. 11). Il semble, à la lecture de ces programmes, qu’apprendre à raisonner pourrait se réduire à apprendre à reconnaître une situation sur laquelle le raisonnement est déjà connu. Selon nous, cette acquisition de réflexes nous semble en contradiction avec la définition même du raisonnement. Dans les instructions officielles, il est tout de même signalé que cet apprentissage ne va pas de soi et doit être réalisé à l’école primaire. Les auteurs insistent sur le fait que les nécessaires reflexes intellectuels s’acquièrent « dans la durée sous la conduite du professeur » (p. 11). Cependant, aucun dispositif didactique n’est mis en avant, ni proposé pour favoriser l’acquisition de ces reflexes. Il est cependant intéressant de constater, que certains processus sont clairement explicités. On trouvera par exemple, dans les programmes pour le collège, la mise en évidence de pratiques telles que la « formulation de conjectures, recherche d’élements de justification et de preuve » (p. 4). Il en est de même à l’école primaire où seulement trois phrases évoquent cet apprentissage. Au cycle 2, il est dit que « la résolution de problèmes fait l’objet d’un apprentissage progressif » et que les élèves « apprennent à résoudre des problèmes faisant intervenir ces opérations » (p. 18). Au cycle 3, en écho avec le cyle 2, « l’élève (. . . ) continue d’apprendre à résoudre des problèmes ». On voit donc bien apparaître la nécessité d’un apprentissage. Cependant, aucune proposition de dispositif didactique n’est faite, ni dans les programmes du primaire, ni dans les programmes du secondaire. L’apprentissage de la résolution de problèmes, de la construction de raisonnements apparaît donc bien au sens de Castela (2008b), comme un enjeu non explicité d’apprentissage. Pour pallier à cette non-explicitation, il est possible pour les enseignants de se référer aux documents d’accompagnement des programmes proposés par le Centre National de Documentation Pédagogique. Ces documents visent en effet à « proposer des repères pour les choix de l’enseignant » (Documents d’accompagnement des programmes cycle 3, Dupaire & Mégard, 2008, p. 51). Nous les étudions donc dans le point suivant en cherchant les pistes données aux enseignants pour cet apprentissage.
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