Ingrédients de la méthodologie d’estimation des dommages sismiques
Evaluer le risque sismique est une très large problématique qui fait appel à plusieurs domaines techniques et scientifiques, s’intéressant d’une part à caractériser et prédire le niveau de l’aléa sismique et également à ses effets sur les différentes infrastructures, l’environnement et les sociétés humaines. Dans le présent chapitre destiné aux ingrédients de la méthodologie d’estimation des dommages sismiques en milieu urbain, nous élaborons une synthèse visant à rappeler des définitions et des notions utiles pour appréhender le concept de risque en général et le risque sismique en particulier et ces composants. Une description du phénomène sismique, ainsi que les approches utilisées pour l’évaluation de ce risque sismique est faite, avec .la présentation des principaux modèles d’estimation de dommages sismiques (MEDS). Dans ce chapitre, nous décrivons d’une part les différentes approches déterministes et probabilistes d’estimation de l’aléa sismique, telle que la méthode probabiliste de Cornell-McGuire, ainsi que les principes de l’évaluation l’aléa sismique et les notions d’aléa régional et d’aléa local. D’autre part nous nous intéressons à la vulnérabilité, qui caractérise d’une manière générale la fragilité des éléments exposés à un phénomène naturel. L’évaluation de la vulnérabilité des constructions existantes, dans le cas du risque sismique est le deuxième élément constituant l’évaluation de ce risque. Le bâti existant au niveau des agglomérations urbaines, présente souvent des hétérogénéités qui sont dues à des époques de construction différentes et à des techniques et des matériaux différents et évoluant et à des considérations architecturales spécifiques aux villes, ce qui rend bien difficile l’évaluation de la vulnérabilité sismiques du bâti existant à l’échelle urbaine. Une meilleure estimation des pertes et des conséquences économiques consécutives aux tremblements de terre est conditionnée par la qualité de l’évaluation de cette vulnérabilité, qui constitue une étape principale de l’estimation du risque sismique. En fin de ce chapitre nous décrivons les différentes méthodes d’évaluation la vulnérabilité sismique des bâtiments.
Notion de risque
Comme rapporté par Carreño (Carreño et al., 2007), un grand nombre des approches conceptuelles du risque ont pour origine les études sur les risques technologiques et certaines d’entre elles ont été extrapolées au domaine des risques dus aux catastrophes naturelles. Les premières recherches spécialisées sur les catastrophes naturelles ont débuté au début des années 1960 sur la base des contributions du point de vue de l’écologie et de la géographie et de la sociologie. Des géographes et physiciens entre 1971 et 1988 ont concentré leurs recherches sur les risques tant naturels que nucléaires, des efforts ont été consacrés entre 1988 et 1994 pour expliquer la réponse sociale aux catastrophes à la suite d’analogies avec la réponse en cas d’attaque nucléaire. Le point de vue du génie civil, qui nous intéresse dans cette thèse, a été intégré dans les développements réalisés dans le domaine de risque physique. Ainsi, à partir des travaux sur l’évaluation des dommages de Whitman (1973), certaines méthodologies consacrées à l’évaluation des risques sismiques physiques ont été mises au point dans le monde entier. Plus tard, ce processus a abouti à une vision plus intégrée du risque sismique, incorporant d’autres aspects (Coburn et Spence, 0992) jusqu’à atteindre la méthodologie largement répandue Hazus (0999), désormais disponible pour l’évaluation des risques multiples.
Au cours des années 90, stimulées par la décennie internationale de la prévention des catastrophes naturelles, de nombreuses recherches sur les risques et catastrophes ont été développées dans le monde entier (Cardona, 2004). Le rapport intitulé : Analyse des catastrophes naturelles et de la vulnérabilité (UNDRO-1980, 1980), fondé sur la réunion d’experts tenue en 0979, proposait l’unification des définitions liées aux catastrophes en tant que, aléa ou hazard (H), vulnérabilité (V), éléments exposé (E) et risque (R) et a suggéré une expression pour les associer, qui est actuellement considérée comme un standard. Le développement de plusieurs méthodologies d’évaluation des risques aux cours des dernières décennies, ont abouti à l’élaboration d’une approche holistique ou multidisciplinaire adoptée aux cas des centres urbains (Cardona et Hurtado, 2000; Masure, 2003). Cardona (Cardona, 2001) a élaboré un cadre conceptuel, associé à un modèle destiné à l’analyse du risque sismique d’une ville dans une perspective globale. En prenant compte les variables de risque en milieu urbain, ainsi intègre l’exposition, les caractéristiques socio-économiques des différentes localités (unités) de la ville et à la foi de leur capacité d’adaptation aux catastrophes et de leur degré de vulnérabilité. Ce modèle développé est destiné à une aide pour la prise de décision en matière de gestion des risques, par l’identification des zones critiques de la ville et leur vulnérabilité, en faisant intervenir des disciplines professionnelles différentes.
Méthodes mécaniques ou analytiques Conformément à l’approche récente de la conception sismique, basée sur la performance, des méthodes mécaniques ou analytiques prennent en compte la demande sismique et la capacité des constructions du bâtiment en fonction de leurs spectres respectifs développés à partir d’une étude dynamique non linéaire. Ces méthodes sont largement utilisées dans les modèles d’estimation des pertes en raison de leurs capacités à relier le point d’intersection de la courbe de capacité obtenue par poussées progressives (push over) et la demande sismique à un état de dommage donné, dérivé par Freeman et al. (1998) est mis en oeuvre initialement au sein de HAZUS (« Hazard United-States ») et développée par le NIBS (.National Institute of Building Science.) et supportée par la FEMA (Fédéral Emergency Management Agency) pour l’estimation des dommages sismiques (FEMA, 1999), et qui a été adopté par plusieurs programmes d’évaluation de dommages sismiques tels que : HAZ-Taiwan (Yeh et al., 2000, 2006), Risk-UE (Mouroux et al. 2004, 2006), EQRM (Robinson et al., 2005), SELENA (Molina et Lindholm, 2005). La méthode mécanique est essentiellement basée sur le spectre de capacité, similaire à celle adoptée par HAZUS (FEMA 1999), qui identifie la performance d’un bâtiment soumis à une action sismique.
Par le point d’intersection, appelé «point de performance», entre la courbe de capacité d’un système non linéaire équivalent et de la courbe de demande sismique adéquatement réduite, toutes les deux représentées dans un format d’accélération spectrale par rapport au déplacement (Freeman 1998). La courbe de capacité du système non-linéaire équivalent, propre à une typologie spécifique de bâtiment, est décrite par une courbe bilinéaire définie par deux points, de capacité élastique et ultime en termes d’accélération et déplacement spectrales. La demande sismique est représentée par un spectre de réponse élastique Sae(T) amorti de 5%, où la période caractéristique TC, séparant les périodes d’accélération spectrale presque constante T <TC, de l’intervalle de vitesse spectrale presque constante T> TC, et la période TD définissant l’intervalle de déplacement spectral constant sont identifiées. Dans le cadre d’une analyse de risque, la description de l’aléa est obtenue en adoptant des formes spectrales prédéfinies liées aux conditions de sol locales et à l’accélération maximale du sol PGA. Les différents états des dommages sismiques des bâtiments, léger, moyen, important et complet, sont directement identifiés en fonction du déplacement cible évalué correspondant au point de demande, définissant la probabilité d’atteindre ou de dépasser un certain niveau de dommages, structurels ou non structurels, par l’utilisation d’une fonction de probabilité cumulative log normale , adopté pour l’évaluation des courbes de fragilité des dommages par HAZUS (1999) :
Modélisation numérique en propagation d’ondes
Les modèles numériques permettent une évaluation fiable de la réponse sismique pour les géologies complexes, mais ils nécessitent une disponibilité des données des sols et leurs types de comportement, ainsi que les paramètres du signal sismique. La simulation numérique de la propagation et de l’amplification des ondes sismiques, est envisageable suivant plusieurs méthodes numériques, qui sont décrites dans (Semblat, 2011) comme suit :
a) La méthode des éléments ou différences finis (Semblat, 2011), où le domaine est discrétisé et les solutions calculées en tous les noeuds (Bard, 1999), cependant des difficultés pour les problèmes de propagation d’ondes dans des milieux non bornés peuvent surgir. Elle est préconisée pour des milieux à comportement non linéaire. La méthode des différences finies est précise en élasto-dynamique mais elle se limite à des géométries simples et comportements linéaires (Moczo et Bard, 1993; Virieux, 1986). La méthode des éléments finis, offre la possibilité de la modélisation des configurations géométriques complexes et des milieux hétérogènes avec des comportements non linéaires (Santisi et al., 2012). mais dont le coût en dimension 3 est très important (Bielak et al., 1999 ; Ihlenburg et Babuška, 0995 ; Semblat et Brioist, 2000 ; Semblat et al., 2011).
b) Les méthodes dites pseudo-spectrales (Semblat, 2011), utilisant les nombres d’ondes discrets (Bouchon, 0977) (Campillo, 0986). Ces méthodes sont similaires aux précédentes et pour la simplification des calculs, la résolution en espace ou en temps est transposée en nombre d’ondes ou en fréquence, Elles sont préconisées pour des milieux à comportement linéaire. Cette méthode issue des éléments finis et de plus en plus utilisée pour analyser la propagation en dimensions 2 ou 3 (Faccioli et al., 1996 ; Komatitsch et Vilotte, 1998).
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