Ingénierie de réservoir
Modélisation du réservoir
La construction d’un modèle numérique représentatif d’un réservoir passe par l’intégration dans ce modèle de toutes les données disponibles sur le réservoir. Ce processus se fait traditionnellement en deux temps : d’abord l’intégration des données constantes dans le temps, les données statiques, puis celle des données variant dans le temps, les données dynamiques. Nous détaillons tout d’abord l’intégration des données statiques. Pour cela, la section 1.1.1 décrit très brièvement les bases de la caractérisation et de la modélisation statique du réservoir. Il s’agit ici de construire un modèle de réservoir à partir des données statiques. La simulation des écoulements au sein du modèle construit fait ensuite l’objet de la section 1.1.2.
Caractérisation et modélisation statique du réservoir
La première étape consiste donc à utiliser les données statiques disponibles pour construire un premier modèle numérique représentatif de notre réservoir. Ces données statiques comprennent la sismique 3D, des diagraphies et des mesures sur carottes qui ont pu être extraites lors de forages. La Figure 1.1 propose des exemples illustrés des différentes données statiques permettant la caractérisation du réservoir. L’interprétation de ces données combinée aux connaissances géologiques du terrain permet la création d’un modèle dit géologique. On parle également de géo-modèle ou modèle statique
Données statiques
Les données statiques peuvent être mesurées directement ou indirectement. Elles renseignent des propriétés à des échelles très différentes allant du micromètre à l’hectomètre. Un premier type de données, dites géologiques, fait référence aux connaissances géologiques préexistantes à l’échelle régionale ou du bassin. Souvent disponibles, ces données contribuent à l’identification des formations rocheuses comprises dans le réservoir étudié. Elles peuvent éventuellement apporter des indications sur la valeur de certaines propriétés pétrophysiques, ou sur la présence d’hétérogénéités ou structures particulières. Les données sismiques sont des mesures indirectes de la structure du sous-sol. Elles sont obtenues par de la prospection sismique qui consiste à propager des ondes sismiques dans le sous-sol, puis à en enregistrer les échos provenant de la réflexion sur les structures géologiques en profondeur. Le traitement et l’analyse de ces enregistrements permettent la reconstitution d’une image du sous-sol. En particulier, ces données permettent de localiser les différents horizons et failles du réservoir. On peut ainsi en déduire la structure du réservoir. Les données issues des puits sont les seules mesures directes disponibles pour caractériser le réservoir. Elles fournissent les valeurs de diverses propriétés pétrophysiques comme la porosité, la perméabilité, les saturations, la densité de la roche, la résistivité, etc. Les données de puits sont disponibles uniquement à l’emplacement des puits. A l’inverse des données sismiques, elles sont donc peu nombreuses et très localisées. Toutefois, elles ont une très bonne précision/résolution. Elles permettent de caractériser le réservoir pour de toutes petites échelles (de l’ordre du centimètre). Les données statiques aux puits peuvent être obtenues à partir de mesures sur des échantillons de roches extraits lors du forage, à savoir sur les carottes ou les boues de forage. Elles peuvent également provenir de diagraphies, c’est-à-dire obtenues par des outils de mesures parcourant les puits. Elles fournissent les variations de différentes propriétés pétrophysiques le long des puits, et permettent de distinguer les différents faciès, les différentes séquences stratigraphiques, etc.
Construction du modèle géologique
Il est possible de concevoir un modèle géologique représentatif du réservoir et respectant l’ensemble de ces données statiques. La structure du modèle est donnée par l’interprétation des données sismiques calées sur les mesures aux puits. Cette interprétation doit également tenir compte de l’information géologique régionale. La structure du réservoir (différentes couches, failles) est ensuite discrétisée selon un maillage tridimensionnel complexe composé de blocs élémentaires : on parle de grille réservoir. Afin d’être la plus représentative possible des hétérogénéités observées sur le réservoir réel, cette grille est en général finement maillée. Elle peut ainsi être constituée de millions de blocs. Pour compléter le modèle géologique, il faut ensuite spécifier les valeurs des propriétés pétrophysiques pour chacun des blocs de la grille. L’analyse des diagraphies et carottes permet de les renseigner aux puits. On peut ensuite se servir de techniques géostatistiques pour attribuer des valeurs de propriétés aux mailles non échantillonnées en s’appuyant sur l’analyse des données. Les méthodes géostatistiques permettent de générer des réalisations de propriétés pétrophysiques qui respectent les données existantes, et qui sont cohérentes entre elles (e.g. avec des corrélations entre la porosité et la perméabilité). On obtient alors un modèle géologique possible puisqu’il respecte l’ensemble des données statiques.
De nombreuses incertitudes
Grâce aux données sismiques, la structure d’un réservoir est relativement bien connue. En revanche, il est en pratique impossible de connaître les propriétés pétrophysiques en chaque point du réservoir ou pour chacune des mailles du modèle. En effet, le nombre de puits est généralement très réduit en raison de leur coût, alors que les réservoirs sont souvent très étendus (de l’ordre du kilomètre). Le nombre de données disponibles est donc très faible en comparaison du grand nombre de paramètres qu’il faut renseigner pour définir le modèle. De plus, parmi les données disponibles, certaines sont mal réparties dans l’espace. Par exemple, les données de puits sont uniquement disponibles aux emplacements des puits. En conséquence, les réalisations géostatistiques basées sur ces données proposent des représentations qui, tout en restant plausibles, sont entachées d’incertitudes lorsque l’on considère des mailles se situant loin des puits. Une autre source d’incertitude est liée à l’échelle des différentes mesures. En effet, les données de puits sont généralement mesurées à des échelles bien plus petites que l’échelle des blocs de la grille du modèle. Des mises à l’échelle sont alors indispensables pour calculer des propriétés équivalentes. De telles mises à l’échelle sont cependant difficiles à réaliser car elles dépendent du réservoir et de ses hétérogénéités. De plus, il existe peu de manières de vérifier leur pertinence, surtout lorsque l’on s’éloigne des puits. Finalement, il existe de nombreuses autres sources d’incertitudes liées aux erreurs et approximations sur la mesure (e.g. incertitudes liées aux outils de mesure, à leur calibrage), le traitement des données (e.g. ré-échantillonnage des données sismiques), leur interprétation (e.g. conversion temps/profondeur) ou tout simplement la discrétisation du maillage [Vincent et al., 1999] [Corre et al., 2000] [SchulzeRiegert and Ghedan, 2007]. En résumé, les données disponibles sont très insuffisantes pour définir entièrement un modèle géologique. En conséquence, il existe une infinité de modèles géologiques pouvant respecter les données statiques. C’est pour cela que de nombreux paramètres du modèle peuvent être considérés comme incertains.
Simulation des écoulements
La construction de modèles géologiques permet d’estimer les volumes des ressources en place et donc de donner une première idée de la valeur économique d’un champ. Toutefois, apprécier les volumes en place ne suffit pas, il est fondamental d’en estimer la part techniquement récupérable. Le modèle géologique est donc fourni en entrée à un simulateur d’écoulement pour modéliser les déplacements de fluide au cours du temps. On simule alors la production suivant un schéma de production défini par
Modèle géologique et modèle réservoir
Le temps de simulation d’un modèle dépend directement du nombre de mailles actives, c’est-à-dire du nombre de mailles dans lesquelles on simule les écoulements. Les mailles inactives correspondent à des mailles peu ou pas poreuses, elles servent généralement à délimiter les contours du réservoir. La grande finesse de la grille du modèle géologique devient alors un inconvénient majeur pour la simulation d’écoulement. En effet, les simulations pour un modèle comportant des millions de mailles vont impliquer un temps de calcul très important. Typiquement, la durée d’une seule simulation peut s’étendre de quelques heures jusqu’à plusieurs jours. Or, de nombreuses simulations sont généralement nécessaires pour proposer un plan de développement optimisant l’exploitation du champ. Dans de telles conditions, le coût total en temps de calcul devient rapidement prohibitif. C’est pourquoi le modèle géologique n’est généralement pas utilisé directement pour la simulation d’écoulement. Une pratique courante consiste à construire un modèle plus grossier du réservoir, comportant un nombre réduit de mailles et sur lequel les simulations d’écoulement seront plus rapides. On parle alors de modèle réservoir, modèle dynamique ou encore modèle de simulation. Ce modèle est peuplé en propriétés pétrophysiques à partir du modèle géologique via une étape de mise à l’échelle. Un schéma représentant la mise à l’échelle d’une propriété pétrophysique de la grille d’un modèle fin vers la grille d’un modèle grossier est donné par la Figure 1.2. Le but est d’obtenir pour le modèle réservoir un comportement dynamique aussi proche que possible de celui du modèle géologique.