Étude des sources de variation de la mesure automatisée des images thermiques
Environnement
Température ambiante
La peau échange de la chaleur avec le milieu ambiant, et le sens et l’intensité de ces échanges dépendent de la température de l’environnement et du pouvoir d’isolation thermique de la peau.
La thermorégulation repose sur un équilibre constant entre les apports et les pertes de chaleur de notre organisme [60].
La température ambiante doit donc être la plus stable possible, afin de ne pas interférer sur la température cutanée. Selon les recommandations pour l’utilisation de la thermographie en clinique [Standards and Protocols in Clinical Thermographic Imaging, September 2002], les clichés doivent être pris dans une pièce à température maintenue entre 18 °C et 23 °C [67].
L’application de ces recommandations est retrouvée dans d’autres études de la littérature. En effet, dans les études utilisant également une caméra FLIR One, la température était stable, en moyenne à 23,4 °C [61] ou 22 °C [62].
Devant l’existence de recommandations antérieures, nous n’avons pas renouvelé dans notre étude les mesures pour déterminer la fourchette optimale de la température ambiante.
La caméra FLIR One possède un capteur qui s’adapte à la plage de température de la température ambiante, qui, selon le fabricant, modifie automatiquement la palette de couleurs thermiques.
Pour objectiver ce phénomène, devant l’absence de données dans la littérature, nous avons réalisé une image thermique avec la caméra FLIR one d’une plaque sortant du congélateur sur un bureau [qui lui était à température ambiante].
Nous avons ensuite renouvelé cette opération avec une plaque préalablement chauffée au four à 180°.
Nous avons alors observé que la caméra FLIR One modifiait effectivement automatiquement sa palette de couleurs en fonction de l’environnement [plaque surgelée ou la plaque chauffée].
Le bureau qui était présent sur les deux images thermiques était en jaune foncé sur l’image avec la plaque réfrigérée, alors qu’il était dans les tons bleus sur l’image avec la plaque chauffée.
Il en résultait donc qu’une couleur donnée pouvait correspondre à différentes températures en fonction de l’environnement ambiant.
Devant cette observation, il apparaît encore plus important que la température ambiante soit stable et entre 18 et 23°, afin de limiter ce phénomène.
Toutefois, courant 2018, le fabricant de la caméra a fait une mise à jour avec la possibilité de verrouiller la gamme de couleurs, et ainsi bloquer l’adaptation automatique en fonction de la température ambiante. Toutefois, cette manœuvre devait se répéter à chaque manipulation, car le verrouillage de la gamme de couleurs était suspendu à chaque extinction de la caméra FLIR One.
Nous avons renouvelé les expériences précédentes [prise de photo avec une plaque surgelée et chaude sur un bureau]. Nous avons alors observé qu’après verrouillage de la gamme de couleurs, il n’y avait pas de modification de la palette de couleurs en fonction de l’environnement. Le bureau conservait la même couleur sur les deux images, que ce soit avec la plaque réfrigérée ou chauffée.
Concernant la palette de couleurs, l’application FLIR One offrait un choix de plusieurs palettes avec des couleurs vairées. Nous avons choisi la palette de couleurs « Fer » qui était choisie par défaut par l’application.
Matériaux
* Conduction
La conductivité thermique est l’aptitude d’un matériau à transférer la chaleur. Elle dépend principalement de la nature d’un matériau, de la température ambiante, de l’humidité et la pression atmosphérique.
Dans les articles de physique, la conductivité thermique du fer est d’environ de 80 W.m-1.K-1, du bois de chêne de 0,16 W.m-1.K-1 et du contreplaqué de 0,11 à 0,15 W.m-1.K-1 [63,64].
Nous avons voulu tester l’impact de cette conductivité sur les images thermiques de la caméra FLIR One.
Nous avons testé différents matériaux : une plaque de métal en aluminium, du bois brut, du bois stratifié d’un bureau de travail et une plaque de plastique).
La main d’un sujet sain était posée pendant une minute sur chacun des matériaux, puis retirée. L’image thermique était alors réalisée juste après le retrait de la main, à une distance d’environ 20 cm.
Nous avons observé que l’image de la main était la plus nette sur la plaque de métal.
Au contraire, l’image de la main était moins nette sur les autres matériaux, bois brut, bois stratifié ou plastique, de façon comparable pour ces trois matériaux.
Ces résultats étant en adéquation avec les données de la littérature, cette expérimentation n’a pas été renouvelée.
Il en résulte donc le métal conduit davantage la chaleur que le bois ou le plastique.
* Rémanence
La rémanence est la persistance partielle d’un phénomène après disparition de sa cause.
Dans notre cas, il s’agit de la persistance de traces de chaleur alors que la source est enlevée.
À notre connaissance, il n’existe pas dans la littérature d’étude de la rémanence de chaque matériau.
Afin d’évaluer leur temps de rémanence, nous avons réalisé des images thermiques de différents matériaux (métal, bois brut et stratifié, plastique), après retrait des mains (source de chaleur). Les clichés étaient pris à une distance d’environ 20 cm, toutes les minutes, afin d’évaluer le temps nécessaire pour que les traces de chaleur disparaissent sur l’image thermique.
Il en résulte que le métal est très peu rémanent : les traces thermiques des mains disparaissaient après 1 min. Au contraire, après 1 min, on observe une persistance de ces traces thermiques sur le bois et le plastique. Cinq minutes étaient nécessaires pour que les traces thermiques disparaissent sur ces deux matériaux.
* Réflexion
La réflexion est le brusque changement de direction d’une onde à l’interface de 2 milieux.
En photométrie, le facteur de réflexion est la proportion de lumière réfléchie par la surface d’un matériau. Elle est définie comme le rapport entre le flux lumineux réfléchi et le flux lumineux incident. Dans les articles de physique, il est décrit que l’aluminium possède un facteur de réflexion de 0,6, le bois verni de 0,35 et le verre de 0,08 (65).
Ce paramètre explique donc l’influence des sources de chaleur avoisinantes, notamment sur l’arrière-plan de l’image thermique.
Afin d’estimer le facteur de réflexion des matériaux susceptibles d’être utilisés comme support dans notre étude (métal, bois brut et stratifié, plastique), nous avons réalisé une image thermique de chacun de ces matériaux, avec à proximité une lampe à ampoule halogène (source de chaleur), afin de reproduire le phénomène de réflexion.
L’image thermique d’un miroir a été réalisée avec la lampe à proximité. L’image thermique retrouvait un spot lumineux avec un jaune très clair, correspond à une des températures les plus chaudes. Nous avons pris le miroir comme référence, en considérant qu’il avait un facteur de réflexion de 100 %.
En comparant la couleur la plus chaude de l’image thermique de chaque matériau à la référence obtenue avec du miroir, nous avons calculé leur facteur de réflexion. Il en résulte que le facteur de réflexion du métal est à environ 99 %, du bois stratifié à 40 %, du plastique à 8 % et du bois brut à 1 %. Le métal possède donc un facteur de réflexion très élevé contrairement au plastique ou au bois brut.
Patient
La température cutanée est influencée par des facteurs exogènes et endogènes du patient.
Facteurs exogènes
La température cutanée met environ 10 minutes pour se stabiliser (71). Il existe des recommandations pour l’utilisation de la thermographie en clinique (Standards and Protocols in Clinical Thermographic Imaging, September 2002), conseillant qu’avant la prise de l’image thermique, le patient soit resté 15 minutes au repos et qu’il ait enlevé tous les bijoux et vêtements au niveau des zones d’intérêt (poignets et mains) (67). Elles préconisent aussi que le patient ne doive pas fumer dans les 30 min précédant la prise des images thermiques, qu’il ne doit pas avoir de coups de soleil, ni de brûlures cutanées (67).
Devant l’existence de ces recommandations, nous n’avons pas fait d’expérimentations supplémentaires afin de déterminer les précautions à prendre avant la prise des images thermiques.
Facteurs endogènes
L’augmentation de la température par des causes endogènes peut faire augmenter la température cutanée (60). Selon les recommandations suscitées (67), le patient doit donc être apyrétique pour bénéficier de la prise d’images thermiques. Nous n’avons pas comparé les images thermiques de patients apyrétiques ou présentant une fébricule (> 38 °C) ou une fièvre.
Calibrage de la caméra thermique, afin de minimiser l’erreur de mesure
Concernant le calibrage de la caméra thermique, il n’y a pas, à notre connaissance, de données dans la littérature. Les articles s’intéressant à une caméra thermique FLIR (FLIR T300 ou FLIR One) n’ont pas rapporté le détail du calibrage de la caméra.
Afin de déterminer au mieux les réglages les plus adéquates possible, nous avons réalisé des manipulations concernant la distance de prise des images, le mode d’émissivité et le calibrage automatique/non automatique.
FLIR One possédant une application smartphone, a permis l’acquisition de mises à jour, améliorant certains paramètres de la caméra au cours de notre étude.
Distance
Comme précédemment décrit, la caméra thermique FLIR One possède une caméra thermique LEPTON et une caméra VGA à lumière visible, et fusionne les images de ces 2 caméras pour créer des images thermiques.
Lors de notre recherche expérimentale, nous avons mis en évidence que lorsque la caméra FLIR One s’approchait trop près de sa cible, il existait un décalage ente l’image thermique et l’image standard. Après avoir contacté le fabricant de FLIR One, il nous a bien été mentionné que ce décalage pouvait fausser la mesure de la température cutanée d’une zone d’intérêt.
Nous n’avons pas retrouvé de données dans la littérature concernant ce phénomène.
Afin de confirmer ce point, nous avons réalisé l’image d’une main avec différentes distances entre le capteur et la surface cutanée : environ 20 cm, 40 cm et 60 cm. La caméra FLIR One n’a pas pu être fixée, mais la distance était mesurée avec un mètre ruban. Cette manipulation a été répétée sur trois sujets volontaires sains.
Il a été mis en évidence pour les 3 sujets, que le décalage des deux images (visuelles/thermiques) était plus marqué pour la distance de 20 cm. Pour les distances à 40 cm et 60 cm, le décalage entre les deux images était toujours présent, mais moins prononcé que pour la distance de 20 cm. Ce phénomène de décalage est donc constant, mais moins prononcé pour les distances de 40 et 60 cm.
Toutefois, dans le courant de l’année 2018, une mise à jour a été réalisée avec la possibilité de faire correspondre l’image thermique de l’image visible, manuellement, à l’aide d’une molette digitale. Nous n’avons donc plus été confrontés à ce problème pour la suite des expérimentations.
Mode d’émissivité
Dans la caméra FLIR One, il existe 4 modes d’émissivité, utilisés selon le type de surface : mat, semi-mat, semi-brillant ou brillant.
Nous avons choisi de comparer ces quatre modes entre eux afin de sélectionner le mode d’émissivité le plus adéquat, pour limiter le risque d’erreur de mesure.
Sur les images thermiques de la caméra FLIR One, il est possible d’afficher un curseur sur l’image thermique indiquant une température en degrés Celsius.
Nous avons donc relevé grâce au curseur de la caméra, pointé sur chaque articulation cible (poignets, MCP et IPP) d’une main, une température pour chaque mode d’émissivité, chez un sujet sain.
En comparaison, la même manipulation était réalisée avec un thermomètre cutané Physitemp BAT-12, au niveau des mêmes zones d’intérêt. La sonde du thermomètre cutané était collée au niveau des zones d’intérêt. Nous appellerons la température relevée par le thermomètre cutané « température de référence ».
Le diagramme 1 correspond à la mesure de la température en °C relevée par les appareils suivants : la caméra FLIR One (4 modes) et le thermomètre Physitemp BAT-12, pour chaque articulation (poignets, MCP 2 à 5 et IPP 2 à 5) du sujet sain. Les points bleu marine correspondent au mode Matte, ceux en rouges au mode semi-matte, ceux en gris au mode semi-glossy, ceux en verts au mode Glossy et ceux en bleus clairs à la température de référence.
Le diagramme 1 et le tableau 1 montrent que les mesures faites avec les modes semi-glossy le mode glossy sont très éloignées de la température cutanée de référence ; au contraire, le mode Matte est le plus proche de la température cutanée de référence.
Les modes Matte à Glossy sont utilisés dans le bâtiment pour s’adapter aux surfaces les plus mates aux plus brillantes. Le mode Matte est donc utilisé dans le bâtiment pour les surfaces les plus mates. Le mode Matte a un facteur de corrélation significatif (0,48) et de plus, la surface cutanée se rapproche le plus d’une surface mate.
Le mode Matte paraît donc le plus adapté dans le cadre de notre étude.
Calibration automatique ou sans calibration automatique
La caméra thermique laisse le choix de son calibrage : avec ou sans calibration automatique. Afin d’évaluer le calibrage le plus adapté à la réalisation de nos images thermiques, nous avons relevé grâce au curseur de la caméra, pointé sur chaque articulation cible (poignets, MCP et IPP), une température pour chaque mode d’émissivité, chez trois sujets sains (tableau 2).
En comparaison, la même manipulation était réalisée avec un thermomètre cutané « Physitemp BAT-12 », au niveau des mêmes zones d’intérêt. La sonde du thermomètre cutané était collée au niveau des zones d’intérêt (tableau 2).
Le diagramme 2 représente la mesure des températures relevée par les appareils : la caméra FLIR one et le thermomètre Physitemp BAT-12, pour chaque articulation (poignets, MCP 2 à 5 et IPP 2 à 5) de chaque sujet sain, d’une part avec la calibration automatique et d’autre part sans la calibration automatique.
Selon le diagramme 2, la fonction de la courbe met en évidence une meilleure corrélation sans calibrage automatique (y = 1,0876x – 0,1345) qu’avec calibrage automatique (y = 0,7514x + 9,8323).
Le tableau 3 montre un fort facteur de corrélation avec calibrage automatique (0,612) pour le sujet sain 1, alors que le facteur de corrélation était négatif pour le sujet sain 2.
Il semblerait que la caméra thermique soit sensible aux variations ambiantes sur le mode « avec calibrage automatique ».
Les facteurs de corrélation avec mode « sans calibrage automatique » étaient 0,461 pour le sujet sain 1, 0,465 pour le sujet sain 2 et 0,025 pour le sujet 3. Il n’y a pas de facteur de corrélation négatif. Le mode « sans calibrage automatique » semble donc plus adapté dans le cadre de notre étude.
En comparant les mesures de températures « avec calibrage automatique » et « sans calibrage automatique » aux mesures de référence, on a observé une différence moyenne de 2,51 1,6 °C avec le calibrage automatique, et de 2,76 1,22 °C sans calibrage automatique (tableau 4).