Métallurgie des aciers
Les aciers, au sens large, présentent une large variété de microstructures ayant notamment un effet sur les propriétés physiques, chimiques et mécaniques du matériau, pouvant donc être optimisées selon l’application visée. Cette diversité de structure provient en partie du polymorphisme du fer pur, élément de base des aciers. Cet élément peut se présenter sous la forme de trois phases cristallines différentes selon la température et la pression considérée ( Figure 1.1). Figure 1.1 Diagramme de phase du fer pur en fonction de la pression et de la température. Domaines tirés de Lacombe, Baroux et Beranger – 1990 A température ambiante et à pression atmosphérique, le fer pur se présente sous la forme d’une maille cubique centrée (CC) nommée fer-. Lorsque la température est supérieure à 910 °C à pression atmosphérique, la structure cristalline change et se transforme en fer- maille cubique à faces centrées (CFC), afin de minimiser l’énergie du système. Cette phase n’est pas stable à température ambiante. A plus haute température, la structure du fer change à nouveau pour redevenir CC, cette phase qui est dénommée fer- n’est autre qu’une variante du fer- plus stable à haute température. Le fer pur peut aussi se présenter sous la phase de maille hexagonale (HC pour Hexagonale Compacte) si la pression est très importante (> 13 GPa).
En associant aux bases ferreuses d’autres éléments en solution solide, il est possible de former des alliages ayant de nouvelles propriétés. A titre d’exemple, le molybdène améliore la tenue à la corrosion et la résistance mécanique à chaud, le niobium augmente la tenue au fluage et la corrosion intergranulaire, le manganèse facilite la formabilité à chaud ou encore le carbone et l’azote, présents en insertion, permettent un durcissement notable. Parmi la multitude d’éléments ayant chacun une influence sur le comportement des aciers, le chrome améliore considérablement la tenue à la corrosion du fer tandis que le nickel et le manganèse stabilisent l’austénite et améliorent la ductilité. Une catégorie particulière regroupe donc les aciers inoxydables de structure austénitique dont les caractéristiques sont présentées dans le paragraphe suivant.
Durcissement par mouvement des dislocations
Les dislocations sont des défauts linéaires présents au sein de la matrice cristalline et responsable du comportement plastique des métaux. Le déplacement d’une dislocation s’effectuant sur des distances interatomiques, ce mouvement demande de fournir une certaine énergie, appelée force de Pierls-Nabarro, pour « avancer d’un cran ». Cette force est notamment fonction de la distance à parcourir c’est pourquoi le glissement s’effectuera principalement sur les plans denses de la structure, là où les atomes sont empilés de manière compacte. Dans la structure CFC, les plans denses sont ceux de la famille {111} et les directions denses celles de la famille <110>. La Figure 1.3a propose une représentation d’un plan de la famille {111} contenu dans une structure CFC, les directions denses correspondent aux diagonales de chaque face. Le mouvement d’une dislocation est défini par un vecteur , appelé vecteur de Burgers, défini par une distance fonction du paramètre de maille « a » et d’une direction <u, v, w>. Pour les structures CFC, une dislocation parfaite sera définie par <110>. Lorsqu’une dislocation augmente en longueur, son énergie croit et elle peut alors se dissocier en changeant de direction pour atteindre un état énergétique inférieur et plus stable. La Figure 1.3b montre un exemple du tétraèdre de Thompson décrivant la dissociation de dislocations parfaites en deux dislocations partielles dites de Shockley. Cette décomposition permet à une dislocation parfaite de se dissocier en deux dislocations partielles de Shockley selon l’équation (1.3): (1.3) espace contenant un défaut dans la séquence d’empilement des plans atomiques. Le défaut créé suite à cette modification du réseau cristallin est appelé faute d’empilement.
On utilise le terme faute d’empilement lorsqu’une modification de la séquence d’empilement atomique est introduite dans le réseau cristallin (Figure 1.4). La dissociation des dislocations vue auparavant introduit une faute d’empilement dans l’espace les séparant. Deux mécanismes rentrent alors en compétition: i) les deux dislocations créées exerceront une force de répulsion entre elles. Cette force de répulsion, proportionnelle à l’inverse de la distance dshockley qui les sépare, aura alors tendance à maximiser dshockley pour réduire l’énergie du système, ii) la faute d’empilement créée entre ces dislocations exercera une énergie proportionnelle à d qui aura pour effet de vouloir minimiser cette distance. Cette interaction donnera lieu à un équilibre entre ces deux forces représentées par déq. Cette valeur dépendra donc de l’EFE du matériau considéré. Les matériaux ayant une faible EFE présenteront plus de dislocations partielles qui seront plus espacées permettant une restauration importante des structures de déformation générées. La Figure 1.1 présentée au début de ce chapitre exposait une variante hexagonale du fer pur sous très forte pression (> 13 GPa). Cette phase peut aussi être obtenue par déformation plastique. En effet, l’empilement des plans basaux {10.0} des structures hexagonales et celui des plans denses {111} des structures CFC présente la même compacité mais diffère au niveau de la séquence d’empilement. Si une faute d’empilement engendrée par la création de dislocations partielles est présente tous les deux plans de la famille {111} considérés, la structure CFC devient alors HC, cette phase est appelée (comme en Figure 1.1) et elle joue un rôle prépondérant dans la transformation de phase martensitique induite par déformation qui sera abordée plus en détail à la fin de cette section.
Cristallographie et relations d’orientations des phases martensitiques dans les aciers inoxydables Due au caractère displassif de la transformation, la phase héritée possède la même composition chimique que la phase mère. Dans le cas des aciers, la martensite ’ se retrouve par conséquent sursaturée en éléments d’alliage comparativement à la ferrite- stable à cette température. Ceci peut jouer un rôle important notamment dans le cas du carbone, dû au faible taux d’insertion de la phase CC héritée (C%masse < 0.02 % masse) La Figure 1.6 présente l’évolution du paramètre de maille de l’austénite a ainsi que ceux de la martensite ’ cubique a’ et quadratique a’ q et c’ q, en fonction du taux de carbone inséré dans la maille. Le carbone piégé en trop grande quantité aura pour effet de distordre la structure martensitique en lui donnant la forme d’une structure quadratique centrée. Lorsque le taux de carbone est proche de zéro, la martensite décrit alors une structure CC assimilable à celle de la ferrite . Dans certains cas particuliers, la phase hexagonale intermédiaire dénommée martensite peut apparaître sous l’effet d’une déformation. Le Tableau 1.1 résume les structures, les symétries cristallographiques et les paramètres de maille des phases pouvant être impliqués dans la transformation de phase martensitique. La transformation de phase martensitique est aussi accompagnée d’une augmentation de volume. Cette variation de volume dépend en partie du taux de carbone de l’alliage [Moyer et Ansell – 1975] et s’élève à 2,7 % avec les structures et paramètres de mailles des deux phases donnés dans le Tableau 1.1. Un aspect fondamental de la transformation de phase martensitique est le fait qu’elle lie la phase mère et la phase héritée par un plan frontière invariant appelé plan d’habitat. Bain et Dunkirk [Bain et Dunkirk – 1924] définissent la transformation de phase par une contraction et une rotation de la phase mère; cependant, les observations expérimentales ne respectent pas strictement cette relation d’orientation.
De nombreux travaux se sont donc attachés à décrire les relations d’orientation reliant les différentes phases concernées dans une large gamme d’acier; les relations les plus connues sont regroupées dans le Tableau 1.2. La relation d’orientation dépendra notamment de la teneur en élément d’insertion, notamment le carbone dans le cas des alliages base fer. Les aciers à faible teneur en carbone sont caractérisés par la relation de Kurdjumow et Sachs [Kurdjumow et Sachs – 1930] (K-S). Pour les aciers de moyenne et forte teneurs en carbone, les relations de Nishiyama [Nishiyama – 1934] (confirmées par Wassermann [Wassermann – 1935] d’où la dénomination Nishiyama-Wassermann (N-W)) et de Greninger et Troiano [Greninger et Troiano – 1949] (G-T) seront principalement observées. Les relations d’orientations observées dans les aciers inoxydables austénitiques respectent dans la majorité des cas les relations de K-S entre les phases / ’ et de Kelly [Kelly – 1965] lorsque la martensite prend part à la séquence de transformation / / ’. Le Tableau 1.2 introduit aussi la notion de variant martensitique qui dépend directement des familles de plans et des directions considérées dans la relation d’orientation. Pour la relation de K-S, les quatre plans de la famille {111} possèdent six directions <110> permettant la formation théorique de 24 variants de martensite ’. La transformation de phase martensitique suit donc des règles d’orientations cristallines et demande un réarrangement local des atomes au sein de la microstructure. Une énergie d’activation doit donc être compensée pour permettre à la transformation d’avoir lieu. L’énergie d’apport peut être d’origine thermique ou induite par un effort mécanique.
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