Influence des variations de température sur les matériaux granulaires

Influence des variations de température sur les
matériaux granulaires

Eet des variations de température

En 2010, T. Divoux a rappelé les principales connaissances concernant l’inuence des variations de température sur les milieux granulaires dans la référence [25]. Cette introduction sera largement inspirée de cet article. Cette revue brève et partielle des connaissances nous permettra de dégager quelques questions auxquelles nous essayerons de répondre au cours de cette thèse. Les premières observations expérimentales mettant en évidence la fragilité d’un matériau granulaire soumis à une perturbation thermique ont été faites dans des systèmes dédiés à l’étude d’autres propriétés. Deux d’entre elles sont présentées dans le paragraphe qui suit. 

Expériences « historiques » Propagation des ondes sonores

La propagation du son dans un milieu est portée par le matériau. On s’attend donc, dans un empilement de grains, à ce que le réseau de contacts joue un rôle important sur ce phénomène. Comme des changements de température altèrent les chaînes de force, Liu étudie l’inuence d’un échauement local des grains sur la propagation du son dans un tel matériau [50]. Son disFigure 1.9  Amplitude de vibration mesurée sur le détecteur D lorsqu’un pulse de température est appliqué au niveau de la résistance chauante H [50] positif expérimental consiste à placer une résistance thermique au sein d’un  empilement granulaire entre un émetteur et un récepteur d’onde sonore et à voir l’eet de l’injection d’un courant dans cette résistance sur l’amplitude de l’onde recue par le récepteur (Fig. 1.9). Pour une source sonore émettant une sinusoïde d’amplitude constante As = 0.14g et de fréquence f = 6.4kHz, un changement local de 0.8K, qui en terme de variation de longueur conduit pourtant seulement à une dilatation globale de l’ordre du micron, peut engendrer une variation relative de l’amplitude de l’onde sonore recue de 20%. De plus, la position de la résistance dans le milieu granulaire inuence signicativement la forme de l’onde reçue. L’amplitude du signal peut aussi bien ressembler à un pulse relaxant exponentiellement, qu’à un pulse suivi d’une relaxation plus douce. Cette diérence provient de l’inhomogénéité des chaînes de forces dans le matériau granulaire. Dans le cas de la relaxation exponentielle, la résistance est supposée être placée sur une chaîne de force principale. L’échauement instantané de cette dernière induit un changement brutal de l’amplitude du signal sonore puis la relaxation exponentielle correspond au retour progressif de la température de ce composant à la température ambiante. Dans l’autre cas de gure, la résistance est supposée au contraire ne pas être sur une chaîne forte du réseau de forces. Ainsi la perturbation thermique a d’abord une inuence plus faible sur le signal sonore (le pulse est plus petit) puis lors de la relaxation vers l’équilibre, les grains voisins chaués par diusion, se trouvant sur une chaîne de force forte, ont une inuence importante sur l’allure du signal. La relaxation du signal sonore mesurée combinant ces deux eets est alors initialement plus douce. Au-delà de la mise en lumière de l’inuence cruciale de l’hétérogénéité du réseau de force et les répercussions de cette propriété sur la réponse d’un matériau granulaire à une vibration acoustique, cette expérience montre donc qu’un changement de température altère les propriétés de propagation sonore d’un matériau granulaire. Masse apparente d’une colonne de grains Clément et al [20], dans une expérience dédiée à l’étude de l’eet Janssen, ont observé la grande sensibilité du système aux variations de température. En voulant mesurer l’inuence de la compacité et de la préparation d’une colonne de grains sur la masse de grains s’appuyant eectivement sur le fond du récipient, ils remarquent que la masse apparente d’une colonne laissée au repos change au cours du temps (Fig. 1.10). Les enregistrements simultanés de cette force et de la température de

Compaction d’une colonne granulaire soumise à des cycles de température 

Figure 1.10  A gauche, le croquis du dispositif expérimental mis en place pour mesurer la masse apparente d’une colonne de grains. A droite, en haut est représentée la mesure de cette masse,en bas, la mesure de la température de la pièce. Les changements de masse correspondent à des changements de pente de variations de température [20]. la pièce montrent une forte corrélation temporelle entre les variations de ces deux grandeurs. Ainsi une uctuation de température ambiante inférieure à 1 degré peut changer la masse mesurée de quelques pourcents, synonyme d’une réorganisation globale de la structure de l’empilement. Dans cette expérience, les variations de température inuencent le matériau granulaire de 2 manières distinctes : • La dilatation des grains peut conduire à des réarrangements internes. • Les changements du volume disponible résultant de la dilatation du récipient peuvent eux aussi être responsables de la compaction du matériau. Ce dispositif expérimental ne permet pas d’isoler l’eet propre de chacune de ces contributions. Par contre quel que soit le mécanisme de déstabilisation de l’empilement, la température devient, au même titre que le cisaillement ou les vibrations mécaniques, une manière d’injecter de l’énergie dans le milieu granulaire.

Compaction d’une colonne granulaire soumise à des cycles de température

La dynamique de compaction d’une colonne de grains est un système ayant fait l’objet, ces vingt dernières années, de nombreuses études aussi  bien sur le plan expérimental que sur le plan théorique [70]. C’est donc naturellement que la compaction d’un milieu granulaire soumis à des variations répétées de température a été considérée dans cette géométrie. La première étude expérimentale consiste à placer périodiquement une colonne de grains dans un four chaud, puis à l’en sortir [17]. A chaque période, la hauteur de la surface libre est mesurée permettant de connaître la compacité moyenne de l’empilement. La dynamique de compaction observée possède deux caractéristiques intéressantes : • L’amplitude des cycles de température contrôle l’ecacité de la compaction. • La compaction est de plus en plus lente à mesure que le nombre de cycles augmente. Les courbes expérimentales sont interpolées par une loi d’évolution composée de 2 exponentielles dont les temps caractéristiques sont identiés respectivement comme correspondant à une échelle temporelle typique de réarrangement individuel de grains et de réarrangements collectifs [57]. An d’identier l’importance de la dilatation relative du contenant et du contenu, des grains et des récipients de matériaux diérents sont utilisés [18]. Cependant aucune corrélation n’est observée entre l’ecacité de la compaction et le coecient de dilatation relatif du milieu granulaire et du récipient. C’est au cours d’une étude menée par Divoux et al [26, 27] que deux paramètres supplémentaires importants dans le processus de compaction ont pu être mis en évidence. Dans cette expérience, un câble chauant placé sur les parois d’une colonne en verre remplie d’un milieu granulaire constitué de billes en verre également est alimenté de manière cyclique. Un prol de température oscillant est ainsi établi dans le matériau granulaire. Une sonde platine placée au centre de la colonne, au contact des grains, permet de mesurer l’amplitude des sollicitations thermiques tandis qu’une caméra enregistre la surface libre des grains. Ce dispositif permet de résoudre la dynamique temporelle du processus de compaction (20 mesures pendant un cycle thermique, Fig. 1.11). Le résultat marquant de ce travail est l’existence d’une température critique ∆Tc séparant 2 régimes de compaction : • Au dessus de cette valeur, la compaction a lieu à chaque cycle. Elle est continue. • En dessous de cette valeur, certains cycles de température compactent le système alors que d’autres non. La compaction est intermittente.

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Compaction d’une colonne granulaire soumise à des cycles de température

Figure 1.11  Evolution de la hauteur d’une colonne de grains en fonction du nombre n de cycles de température. Pour une amplitude des cycles de température ∆T = 10.8 oC la dynamique de compaction est continue (à gauche) alors que pour une amplitude ∆T = 2.8 oC elle est intermittente (à droite). Comme les auteurs ont pris soin de choisir des billes et un tube en verre pour minimiser les eets de la dilatation relative des deux matériaux, ils attribuent la cause de la compaction du système à la dilatation du matériau granulaire uniquement. Plus précisement, dans cette expérience, la source de chaleur se situant sur les parois du récipient, un prol de température se propage radialement vers le centre de la colonne. La température y est donc inhomogène. Ce gradient de température provoque un gradient de dilatation qui, à l’échelle des grains, induit un déplacement comparable à la taille d’une rugosité des grains. La température de transition est alors interprétée comme étant l’amplitude de température engendrant un déplacement relatif de l’ordre de la taille typique d’une rugosité des grains. Cette expérience met donc en lumière deux paramètres importants dans le processus de compaction : le cisaillement engendré par les cycles thermiques et la rugosité des grains [10]. Parallèlement à ces expériences, Vargas et McCarthy [76] ont mis au point une expérience numérique permettant de résoudre simultanément la propagation de la chaleur à travers un empilement de grains et les réarrangements que peuvent occasionner ces variations de température. La compaction d’un milieu granulaire soumis à des cycles de température est donc étudiée. Plusieurs résultats permettent de corroborer les observations expérimentales précédentes :  • La compaction du matériau granulaire est observée alors qu’il se dilate seul, les parois du récipient étant xes. Les respirations de volume du récipient induites expérimentalement lors de l’application des cycles de température ne sont donc pas indispensables à la déstabilisation de l’empilement. • Une dizaine de cycle de température est susante pour atteindre un état de compacité stationnaire. La loi de compaction suit une exponentielle étirée. Rappelons que dans une conguration expérimentale similaire  (la dilatation relative absolue est importante) une compaction suivant une loi composée de deux exponentielles est observée, le temps caractéristique le plus court étant de l’ordre d’une centaine de cycles pour une amplitude de température de 50 degrés. La diérence de comportement entre ces deux systèmes peut être attribuée à la rugosité des grains mis en jeu. En eet, dans cette simulation numérique les grains sont lisses alors qu’expérimentalement ce paramètre est supposé avoir un rôle crucial sur la dynamique de compaction du système. Citons enn l’unique travail théorique à notre connaissance sur le problème : De Gennes s’intéresse à l’inuence des cycles de température sur le prol de déplacement et de pression à l’intérieur d’un silo de grains [24]. Compte tenu des faibles vitesses engendrées lors de ces perturbations, l’inertie du système est négligée et sa dynamique est supposée contrôlée par une force visqueuse. Avant une perturbation thermique, le prol de pression au sein du milieu granulaire traité comme un milieu continu élastique frottant sur les parois du récipient obéit à la loi de Janssen. Les forces de friction sont supposées être initialement mobilisées contre la gravité (les grains s’étant écoulés vers le bas lors de la préparation de l’empilement). Lors d’une dilatation thermique, le champ de déplacement résultant est dirigé contre la gravité. Les eorts élastiques générés par l’accroissement de température doivent inverser la mobilisation de la force de friction. C’est seulement sur une profondeur de l’ordre de la largeur du récipient R à partir de la surface libre H que le seuil de friction est eectivement atteint. Dans ce modèle la dilatation de la colonne est donc proportionnelle à la largeur du récipient contrairement à ce qu’observe expérimentalement Divoux [27]. C’est également dans cette partie de la colonne qu’un refroidissement abrupt du système peut engendrer sa décohésion.

Table des matières

1 Introduction
1.1 Quelques propriétés des matériaux granulaires
1.2 Effet des variations de température
1.2.1 Expériences « historiques »
1.2.2 Compaction d’une colonne granulaire soumise à des
cycles de température
1.3 L’objectif de cette thèse
1.4 Le plan de cette thèse
2 Etude expérimentale de la compaction d’une colonne de grains soumise à des cycles de température
2.1 Présentation du dispositif
2.1.1 Méthode de sollicitations thermiques
2.1.2 Mesure de déplacement des grains à la paroi
2.1.3 Les protocoles et l’acquisition
2.2 Expériences préliminaires
2.2.1 Compaction par sauts
2.2.2 Texturation
2.2.3 Perturbation mécanique
2.2.4 Sans perturbation mécanique
2.2.5 Bilan
2.3 Réponses
2.3.1 Réponse à un changement d’amplitude
2.3.2 Réponse à un changement de fréquence
2.3.3 Dynamique à différentes hauteurs
2.4 Discussions et perspectives
2.4.1 Discussion des résultats
2.4.2 Perspectives
3 Un système modèle pour étudier l’influence des variations
de température sur une assemblée de grains frictionnels
3.1 De l’expérience au modèle
3.2 Détails du modèle
3.2.1 Modélisation des effets de la dilatation thermique
3.2.2 Réaction frictionnelle du support
3.2.3 Equations mécaniques régissant la dynamique d’un réarrangement interne
3.2.4 Adimensionnement des équations differentielles régissant le mouvement et procédure numérique
3.3 Le système constitué de 2 blocs
3.3.1 Système déterministe
3.3.2 Introduction du bruit
3.4 Augmentation de la taille du système
3.4.1 Etude du cas à 3 blocs
3.4.2 Généralisation de l’étude : le système constitué de N
blocs
3.5 Discussion
3.5.1 Reptation d’un solide frictionnel
3.5.2 Quel est l’intérêt de notre modèle ?
3.6 Remarques .
3.6.1 Sur la modélisation des effets de la température
3.6.2 Sur le choix de la loi de friction .
4 Dynamique intermittente d’un système frictionnel modèle
lien avec les matériaux granulaires
4.1 Introduction et rappel du chapitre précédent
4.2 Dynamique intermittente
4.2.1 Sensibilité aux conditions initiales
4.2.2 Description statistique
4.2.3 Dynamique interne
4.2.4 Vieillissement
4.3 Discussion
4.3.1 Rôle du coefficient de friction statique
4.3.2 Rôle du nombre de blocs
4.3.3 Conclusion
5 Conclusion

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