Influence des caractéristiques personnelles des directeurs d’établissement d’enseignement

Résistance au changement en éducation

Cette partie traite de la résistance au changement, et plus particulièrement, dans le contexte éducatif. Le changement fait partie intégrante de notre société ainsi que du milieu de l’éducation (Gather Thurler, 2000). À cet égard, Collerette (2008) souligne que les réformes en éducation sont souvent considérées comme des changements trop importants qui ont été peu expérimentés et qui créent des ruptures. Par exemple, dans le cas de la réforme Marois, celle-ci a fait face à une forte résistance, notamment par des enseignants qui refusaient d’appliquer les principes de cette dernière (Inchauspé, 2007 ; Radio-Canada, 2006 ; St-Germain, 2008). Des actions ont d’ailleurs été menées par certains syndicats pour interrompre la réforme et revenir en arrière (Fédération autonome de l’enseignement, 2006). En novembre 2006, cette résistance arrive à un point culminant avec la formation d’une coalition dénommée « Stoppons la réforme» qui a pour objectif de contrer les mesures ministérielles visant à modifier le système scolaire (Larouche et al., 2018). La résistance au changement peut être définie comme un « ensemble de forces contribuant au maintien de la stabilité d’un système, provenant soit des caractéristiques de la personnalité d’un individu, soit des normes sociales et culturelles de groupes» (Legendre, 2005, p. 1183).

D’après la recension des écrits, la résistance au changement peut se manifester sous diverses formes. Selon Lewis (1999), elle peut être individuelle ou collective et active (explicite) ou passive (implicite). Carton (1999) mentionne que la forme passive (ou implicite) peut prendre quatre formes principales: l’inertie, l’argumentation, la révolte ou le sabotage. Herscovitch (2003), quant à lui, répertorie plusieurs comportements qui peuvent être soit l’expression d’une action en particulier, comme la critique, le sabotage ou alors d’une inaction, comme garder le silence ou retenir de l’information. Aussi, la résistance au changement peut être appréciée de deux façons. Premièrement, elle peut être vue comme un levier et dégager des effets positifs (Bareil, 2013; Duclos, 2015; Raza et Standing, 2011). En effet, la résistance est vue par certains auteurs comme une force, voire comme un engagement (Ford et Ford, 2009; Kotter et Schlesinger, 2008). Dent et Goldberg (1999) et Piderit (2000) soulèvent que la résistance peut être motivée par des intentions positives et qu’elle peut être un outil utile pour les agents de changements. En ce sens, il s’agirait d’une forme de rétroaction qui permettrait de faciliter l’accomplissement des objectifs du changement (Schermerhom et al., 2014). Les commentaires des individus au coeur du changement seraient alors sollicités pour faciliter et réussir sa mise en oeuvre.

Deuxièmement, la résistance est souvent considérée comme une réaction négative à l’encontre d’un changement qui se manifeste sous forme d’attitude de refus de soutenir ou d’opérer le changement proposé (Bareil, 2008; Schermerhom et al., 2014). Elle serait observée comme un obstacle, un adversaire qu’il est nécessaire de surmonter, réduire ou éliminer (Coch et French, 1948) et qui est liée à certains comportements pouvant être destructeurs (rejet, opposition, refus) (Bareil, 2013). De surcroît, cette résistance aurait des effets négatifs tels que l’échec du changement, la peur, la diminution de la satisfaction au travail, la diminution de la productivité, du stress, le sabotage du changement et certains comportements agressifs (Bareil, 2008 ; Bareil, 2013). D’autres auteurs mentionnent que la résistance peut être liée à des causes individuelles, liée à la nature même du changement, liée à la stratégie de changement, liée à l’agent de changement et liée à des causes organisationnelles et à des causes de groupe (Schermerhorn et al., 2014). Elle formerait des émotions négatives comme du ressentiment, de l’anxiété (Armenakis et al., 2007; Schein, 2010), mais s’attaquerait également à l’aspect physiologique en créant de la fatigue (Armenakis et al., 2007).

Elle serait aussi liée à l’engagement affectif du subordonné, à sa performance (Armenakis et al., 2007) et à son engagement organisationnel (Oreg et al., 2011). Erwin et Garman (2010) mentionnent que ces réactions négatives (tant comportementales, affectives que cognitives) apparaissent en réaction au changement organisationnel et seraient une réponse psychologique inhérente à un événement externe, produit, par exemple, par des peurs illogiques ou des pertes associées au milieu de travail. Smollan (2011), quant à lui indique que les réponses comportementales négatives à l’égard du changement (ou résistances) créent des obstacles que de nombreuses organisations ne peuvent surmonter. En effet, la résistance reste une des préoccupations majeures des instigateurs de changement puisque selon divers auteurs (Bareil, 2010; Higgs et Rowland, 2005; Kotter, 1995; Miller, 2002), entre 70 et 80 % des changements organisationnels échoueraient ou n’atteindraient pas leurs objectifs, et ce, notamment, en raison de la résistance que les acteurs manifestent (Bareil, 2008; F oote, 2001; Kotter et Schlesinger, 1979; Yvon, Béguin et Bareil, 2019).

Rôles et responsabilités des directeurs d’établissement d’enseignement

Au Québec, les directeurs d’établissement d’enseignement ont la responsabilité de la gestion administrative et pédagogique des programmes et des ressources de l’établissement d’enseignement (Conseil supérieur de l’éducation, 1999), et ce, en conformité avec la Loi sur l’instruction publique (LIP) (Gouvernement du Québec, 2020). À cet égard, la LIP mentionne que « sous l’autorité du directeur général de la commission scolaire, le directeur de l’école s’assure de la qualité des services éducatifs dispensés à l’école» (Gouvernement du Québec, 2020, art. 96.12). Selon le Conseil supérieur de l’éducation (1999), les directeurs d’établissement d’enseignement font face à diverses responsabilités tant éducatives, politiques et communautaires qu’administratives. De plus, ces derniers doivent, entre autres, gérer les ressources à leur disposition et exercer les fonctions et pouvoirs que le Conseil des commissaires (désormais le conseil d’administration) leur délègue (Gouvernement du Québec, 2020, art. 96.21-26) Les directeurs d’établissement d’enseignement se retrouvent régulièrement dans une position de pivot (Bouchamma, 2007), puisqu’ils doivent à la fois répondre aux demandes des instances supérieures et des politiques, mais également introduire, gérer et appliquer les exigences du gouvernement dans leur établissement d’enseignement.

Il n’est d’ailleurs pas rare que les exigences légales et gouvernementales prennent le dessus sur la gestion de l’activité éducative, part pourtant importante du travail de directeurs d’établissement d’enseignement (Brassard et al., 2004; Cloutier, 2007; Thibodeau, 2006). De plus, St-Pierre (2007) ajoute que les directeurs d’établissement d’enseignement bénéficient d’une grande autonomie, malS qu’elle serait « contrebalancée» par une imputabilité aux Québécois, puisqu’ils doivent rendre des comptes à la population, notamment par le conseil d’établissement. Comme le mentionne le référentiel des compétences des gestionnaires d’établissement d’enseignement en formation (MELS, 2008), le rôle et les fonctions sont souvent entravés par des changements et les défis qui en découlent. D’ailleurs, le changement et la résistance au changement sont mentionnés dans les pages préambulaires au référentiel (MELS, 2008). Cependant, à la lecture des compétences, aucune ne s’attarde spécifiquement à la gestion de ces derniers. St-Pierre (2007) mentionne pourtant que les directeurs d’établissement d’enseignement sont en charges d’établissements qui auraient sans cesse vécu des changements, tant liés aux curriculums qu’aux processus de gestion qui sont prescrits par la loi.

Directeurs d’établissement d’enseignement, changement et résistance au changement Le référentiel des compétences des gestionnaires d’établissement d’enseignement en formation (MELS, 2008) met en exergue la décentralisation des pouvoirs dans les établissements d’enseignement et les changements considérés comme majeurs du système scolaire québécois auxquels les directeurs d’établissement d’enseignement doivent faire face. Ces derniers joueraient le rôle de médiateur entre les réformes et les enseignants (Thomburg et Mungai, 20 Il). Ainsi, dans la mise en oeuvre des changements, leur rôle est considéré comme essentiel (Conseil supérieur de l’éducation, 1999). Gorton et Alston (2012) mentionnent que les directeurs sont des éléments centraux de l’implantation d’un changement. En effet, ils peuvent être considérés comme des agents de changement (Lapointe et Brassard, 2018; Loi Zedda et al., 2017; Marzano, Waters et McNulty, 2005, 2016; Whitehead, 2017), car comme tout leader, ils en seraient le catalyseur (Schennerhorn et al., 2014) et l’efficacité de leur leadership aurait un impact sur la mise en place de ce changement (Bateh, Castameda et Farah, 2013). En raison des nombreuses modifications que le Gouvernement du Québec a imposées et impose toujours aux CS, les directeurs d’établissement d’enseignement se retrouvent au centre des changements et ont l’obligation de s’y adapter et de les faire respecter par leurs subordonnés (Loi Zedda et al., 2017).

D’ailleurs, Goksoy (2013) indique qu’en tant que leaders, les directeurs d’établissement d’enseignement doivent institutionnaliser l’amélioration et le changement au sein de leur établissement d’enseignement. Gravelle (2012) aborde le rôle clé des directeurs d’établissement d’enseignement dans les processus de changement en mentionnant que ces derniers ont un impact immédiat sur leur travail. En effet, selon cette chercheure, les directeurs sont chargés par le gouvernement de piloter ces changements. Dès lors, si les directeurs d’établissement d’enseignement peuvent être considérés comme des vecteurs du changement ou des agents de changement, ils en sont tout autant les porte-paroles que la cible et ils ont l’obligation de le mettre en place, quel que soit leur avis sur ce dernier (Cloutier, 2007). Les directeurs d’établissement d’enseignement tiennent donc un rôle de facilitateur (Hall et Hord, 1987; Yvon et al., 2019) entre les instances gouvernementales, la CS et le personnel de leur établissement (Cloutier, 2007). Ainsi, ils doivent faciliter le changement tout en étant souvent les destinataires (Boudreault, Demeuse et Yvon, 2016) et en faisant preuve de flexibilité (Bouchamma, 2007). Selon la posture que les directeurs souhaitent prendre, celle-ci leur permettrait ensuite de veiller au bien-être de l’équipe-école et faciliterait l’accompagnement du changement tout en mobilisant les individus pour la réussite de ce dernier (Fullan, 2003, 2007). D’ailleurs, une recherche pancanadienne indique que pour s’adapter aux changements, les directeurs d’établissements d’enseignement ont dû développer de nouvelles capacités (Cattonar et al., 2007).

Table des matières

REMERCIEMENTS
DÉDICACE
ÉPIGRAPHE
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES ABRÉVIATIONS, DES SIGLES ET DES ACRONYMES
LISTE DES SYMBOLES ET DES UNITÉS
RÉSUMÉ
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 Problématique
1.1 Changements en éducation
1.2 Résistance au changement en éducation
1.3 Directeurs d’établissement d’enseignement comme agents de changement
1.3.1 Rôles et responsabilités des directeurs d’établissement d’enseignement
1.3.2 Directeurs d’établissement d’enseignement, changement et résistance au changement
1.4 Causes de la résistance au changement
1.5 Influence des caractéristiques personnelles des directeurs d’établissement d’enseignement
1.5.1 Sentiment d’efficacité personnelle
1.5.2 Leadership
1.6 Problème et questions de recherche
CHAPITRE II Cadre de référence
2.1 Résistance au changement..
2.1.1 Résistance liée au contexte
2.1.2 Résistance liée à la personnalité
2.1.3 Choix de la théorie
2.1.4 Théorie de la résistance au changement d’Oreg
2.1.4.1 Antécédents
2.1.4.2 Résistance au changement
2.1.4.3 Conséquences
2.2 Sentiment d’ efficacité personnelle
2.2.1 Justification du choix de la théorie du sentiment d’ efficacité personnelle
2.2.2 Théorie sociocognitive du sentiment d’efficacité personnelle de Bandura
2.2.3 Sentiment d’efficacité personnelle lié au travail des directeurs d’établissement d’enseignement
2.3 Leadership
2.3.1 Choix de la théorie du leadership
2.3.2 Théorie du leadership transformatif de Bass
2.4 Recension des études antérieures
2.4.1 Sentiment d’efficacité personnelle lié au travail, leadership transformatif et résistance au changement
2.4.2 Sentiment d’efficacité personnelle lié au travail et résistance au changement
2.4.3 Sentiment d’efficacité personnelle lié au travail et leadership transformatif
2.4.4 Leadership transformatif et résistance au changement
2.5 Hypothèses de recherche
CHAPITRE III Méthodologie
3.1 Plan de l’expérience
3.2 Population et répondants
3.3 Instruments de mesure
3.3.1 Sentiment d’efficacité personnelle lié au travail des directeurs d’établissement d’enseignement
3.3.2 Leadership
3.3.3 Disposition à résister au changement
3.3.4 Renseignements généraux
3.4 Déroulement
3.5 Plan d’analyse des données
3.5 .1 Réduction des données
3.5.2 Analyses statistiques
CHAPITRE IV Résultats
4.1 Résultats des analyses descriptives
4.2 Résultats des analyses confirmatoires
CHAPITRE V Discussion
5.1 Discussion des résultats liés aux analyses descriptives
5.1.1 Sentiment d’efficacité personnelle lié au travail
5.1.2 Leadership transformatif
5.1.3 Disposition à résister au changement
5.2 Discussion des résultats liés aux analyses confirmatoires
5.2.1 Sentiment d’efficacité personnelle lié au travail et disposition à résister au changement
5.2.2 Sentiment d’efficacité personnelle lié au travail et leadership transformatif
5.2.3 Leadership transformatif et disposition à résister au changement
5.2.4 Rôle intermédiaire du leadership transformatif dans la relation entre le sentiment d’efficacité personnelle lié au travail et la disposition à résister au changement
CONCLUSION
ANNEXE A CERTIFICATS D’ÉTHIQUE
ANNEXE B COURRIEL D’INVITATION
ANNEXE C RELANCE DU COURRIEL D’INVITATION
ANNEXE D INFOLETTRE FQDE
RÉFÉRENCES

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *