Influence des caractéristiques intrinsèques d’un mortier sur son encrassement biologique
Les salissures de façade
Avec le temps, les façades des bâtiments ont tendance à s’encrasser. Les causes de ces salissures sont nombreuses : efflorescence, corrosion, fissuration, dépôt de poussières, colonisation biologique, etc… et posent les problèmes suivants : Dégradation esthétique : ces traces anormales nuisent essentiellement à l’homogénéité de la façade ; Dégradations physique et chimique : ces salissures contribuent éventuellement à modifier les caractéristiques physiques et chimiques du substrat. Le problème esthétique des façades peut s’inscrire dans la notion de « développement durable », qui est aujourd’hui une préoccupation majeure. L’entretien des façades est bien un problème de qualité environnementale et la mise en œuvre des protections sur les façades participe au coût global d’un bâtiment.
Types de salissures
Quatre types de salissures sont à l’origine de l’encrassement progressif des bâtiments et vont être détaillés à présent.
Salissures d’origine anthropiques ou animales
Ce sont les salissures involontaires d’origine anthropiques, comme les tâches d’huile, de peinture, de bitume, etc…, survenant lors de la construction ou volontaires comme les graffitis. Ce type de salissures peut être évité moyennant une prise de conscience individuelle. Figure 1.1 Graffitis sur une façade (Isère janvier 2009) Les salissures dues à des fientes de pigeons ou des animaux de compagnie sont également souvent rencontrées. Figure 1.2 Salissures dues aux pigeons
Salissures d’origine interne
Parmi les salissures d’origine interne, on retrouve les efflorescences et les tâches de corrosion. Les efflorescences désignent un dépôt de sel, observé à la surface de divers matériaux de construction (ciment, béton, brique…) (Ritchie 1961). Apparaissant comme des dépôts blanchâtres en couche mince ou même en croûte épaisse, les efflorescences causent des hétérogénéités de teinte d’autant plus perceptibles que la surface du matériau est sombre. Les Chapitre 1 : Salissures de façade 7 sels, constituant ce dépôt, présentent des compositions chimiques variées, comme des sulfates ou carbonates de sodium, de potassium et de calcium et plus rarement des sulfates de magnésium ou d’autres sels dont le dépôt est généralement dû à des conditions particulières liées à l’exposition (nitrates) (Ritchie 1961, Brocken et Nijland 2004). La formation d’efflorescence dépend de l’environnement (température, humidité relative) et des paramètres physico-chimiques des matériaux (Brocken et Nijland 2004). Figure 1.3 Efflorescences sur un mur antibruit en bétons de bois Les tâches de corrosion sont reconnaissables par leur couleur « rouille » caractéristique. Elles sont dues soit à l’oxydation de la pyrite (ou d’autre composé métallique) présente dans les granulats, soit à la corrosion des armatures du béton armé. Le processus de corrosion dépend de la teneur en eau, en chlorure, de la température, de la carbonatation du béton et de l’épaisseur de la couche de béton recouvrant l’armature.
Salissures résultant de la pollution atmosphérique
Les activités domestiques et industrielles fournissent des quantités importantes de particules en suspension dans l’air (usines, cheminées de chauffage, trafic routier, etc…) (Perrin 1995). A proximité d’une façade, ces particules sont soumises à différentes forces d’attraction (forces de gravité, de capillarité ou d’attraction électrostatique) et se déposent sur la surface (Verhoef 1986). Ce dépôt peut être facilité par le vent ou l’humidité. Chapitre 1 : Salissures de façade 8 Dans un second temps, lors des périodes pluvieuses, les particules déposées sont entraînées par l’eau. Les gouttes qui ruissellent sur la façade se chargent de particules, « lavant » ainsi la façade, jusqu’à ce qu’elles n’aient plus la capacité de se charger. Elles peuvent alors redéposer les poussières. Isère janvier 2009 Paris 13e juillet 2006 Figure 1.4 Salissures résultant de la pollution atmosphérique Les traces dues au dépôt de poussières minérales sont en général noirâtres, et sont plus concentrées dans les zones les plus polluées, c’est à dire les zones urbaines et industrielles.
Salissures d’origine biologique
Contrairement aux salissures résultant de la pollution atmosphérique, les salissures d’origine biologique se retrouvent sur n’importe quel bâtiment, qu’il soit situé en zone polluée ou non. De nombreux micro-organismes sont transportés dans l’air et viennent coloniser l’enveloppe des bâtiments. Les micro-organismes mis en cause sont des bactéries, des algues et des moisissures (champignons) (Deruelle 1991). A plus long terme, des lichens et des mousses peuvent venir supplanter ces premiers colonisateurs. Leur développement conduit à l’apparition de salissures dites « biologiques », aux couleurs variées (noires, vertes, rouges).
Méthodologie de diagnostic et de maintenance
Flores-Colen et al. (2008) proposent une méthode de diagnostic et de maintenance en 5 étapes : observation visuelle, diagnostic, choix de stratégie d’intervention, intervention et rapport.
Observation visuelle
L’observation visuelle des façades permet l’identification du type de salissures et l’évaluation des causes probables. Ce type d’analyse permet également l’évaluation de la nécessité de réaliser des tests complémentaires. Cette étape est généralement subjective, et dépend beaucoup de la formation et de l’expérience de l’inspecteur. De plus, elle est limitée à des zones accessibles de la façade.
Techniques d’intervention
L’intervention inclut le nettoyage, la réparation, le remplacement et le traitement préventif. Le nettoyage peut se faire avec de l’eau pure, avec des produits chimiques, en utilisant des méthodes abrasives ou par laser. Le phénomène est parfois si intense que le nettoyage seul, avec de l’eau pure, conduit à une réapparition des micro-organismes. Il est ainsi, parfois, nécessaire de réaliser un nettoyage chimique ou abrasif. En Ecosse, une méthode de nettoyage chimique souvent appliquée sur des façades en grès, comprend un prétraitement alcalin (NaOH) suivi par un lavage à l’acide (HF et H3PO4) (MacDonald 1993). L’agent alcalin est appliqué en solution ou sous forme de cataplasme à l’argile. Le nettoyage abrasif des façades consiste à pulvériser du sable sous pression. La granulométrie du sable, la nature du sable, la pression sont des paramètres à définir. L’injection peut se faire à sec ou avec de l’eau. Il est possible également de réaliser un nettoyage par laser. Le principe est basée sur la réaction photomécanique induite par l’interaction entre le faisceau lumineux (à impulsions très courtes, 10 à 30 ns, et de fortes puissances instantanées) et la couche superficielle de pollution (graisses, oxydes, peintures…). La forte énergie absorbée par la couche superficielle crée un plasma (système gazeux ionisé et électriquement neutre), qui, lors de sa détente, Chapitre 1 : Salissures de façade 11 engendre une onde de choc. Cela permet de fragmenter la couche de polluants sous forme de fines particules sans altérer la surface du substrat. Figure 1.6 Principe du nettoyage laser (Wéry 2002) En général, le nettoyage par laser affecte l’état du substrat : érosion de la surface, dissolution du matériau, augmentation de la porosité, résidus de produits chimiques.
Micro-organismes colonisant les façades
Les salissures d’origine biologique constituent le thème de cette étude. Dans cette partie, les différents micro-organismes recouvrant les façades, ainsi que les facteurs qui contribuent à leur apparition et leur prolifération seront présentés. La colonisation des matériaux de façade par une communauté de micro-organismes présente un aspect dynamique. Généralement, les bactéries colonisent rapidement les façades, puis sont suivies par les algues et les cyanobactéries. Ce biofilm primaire permet ensuite la colonisation successive par les champignons, les lichens et les mousses, allant jusqu’au développement de végétaux supérieurs si rien n’est fait pour stopper la colonisation de la façade (Deruelle 1991).
Bactéries
Ce sont des micro-organismes unicellulaires procaryotes (cellules sans noyau véritable) de taille variant de 0,5 à 1,5 µm. Elles peuvent être autotrophes ou hétérotrophes. Une bactérie autotrophe est capable d’utiliser le carbone d’origine minérale pour synthétiser ces constituants cellulaires. En revanche, une bactérie hétérotrophe ne peut qu’utiliser des molécules organiques comme source de carbone. D’une façon générale, dès la construction d’un mur ou dès la pose d’une toiture, s’installe une population bactérienne indifférenciée assurant la colonisation du support. Cette population est dans un second temps l’objet d’une sélection liée à l’inadaptation de certaines espèces et à la compétition entre les différentes bactéries. Le support est, dès le début, envahi par des bactéries ammonifiantes, ensuite des bactéries nitreuses et enfin des bactéries nitriques. En quelques mois se succèdent donc sur tous les supports vierges, quelle que soit leur nature, trois populations de bactéries se nourrissant les unes à partir des autres. Parallèlement au cycle de l’azote, en présence de composés soufrés, s’amorce le cycle du soufre caractérisé par la succession de bactéries sulfo-oxydantes et sulfato-réductrices (Deruelle 1991). Figure 1.7 Tuyau d’égout détérioré suite à l’activité bactérienne Les bactéries produisent, de part leur métabolisme, des acides intervenant dans la dégradation des matériaux. Elles peuvent ainsi entraîner une perte de cohésion du matériau par dissolution d’éléments calcaires, par apparition de fissures suite à la transformation de composés cimentaires, par corrosion des armatures présentes dans le béton et par alvéolisation des pierres (Perrichet 1991, Loutz & Dinne 2000). Par ailleurs, si les colonies bactériennes sont invisibles à l’œil nu, ces microorganismes favorisent, de part leur développement et la création de biofilms, la bioréceptivité des revêtements de façade et favorisent ainsi l’établissement d’autres organismes.
Algues vertes
Les algues microscopiques désignent une série d’espèces variées de végétaux unicellulaires ou pluricellulaires, de taille généralement comprise entre 0,5 μm et 1 mm. Elles colonisent toutes les surfaces soumises à une humidité abondante, se développant ainsi en milieu marin ou dulçaquicole, mais également sur divers substrats terrestres, tels que des plantes, des roches, des sols et des bâtiments. Les pigments photosynthétiques contenus dans les chloroplastes sont verts, rouges, oranges ou jaunes. D’autres pigments ne sont pas essentiels à la photosynthèse, mais ont pour rôle de transférer l’énergie à la chlorophylle et peuvent protéger les cellules de dommages photochimiques. Certaines algues ont des inclusions cellulaires, qui contiennent des huiles pigmentées ou d’autres composés de stockage pouvant changer la couleur de ce microorganisme. Les algues peuvent subir des modifications de couleur lors de changements environnementaux ou de cycles de vie de la cellule. Par exemple, l’algue verte filamenteuse Trentepohlia odorata développe une coloration orange-rouge due à l’accumulation de pigments caroténoïdes à l’intérieur des cellules sous certaines conditions nutritives et de luminosité. Les algues vertes unicellulaires, telles que Chlorococcum et Haematococcus, acquièrent une coloration plus sombre par l’accumulation d’un pigment carotenoidien : l’astaxanthine, par l’épaississement de la paroi cellulaire avec l’âge et à faible humidité (Bold et Wynne 1985, Pietrini et al. 1985). Bien qu’il existe quelques exemples d’algues hétérotrophes facultatives, la plupart des algues sont phototrophes. Elles sont capables, au cours des périodes d’obscurité prolongée, de tirer leur énergie de l’oxydation de complexes carbonés, tels que le glucose et l’acétate. Cependant, cette forme de métabolisme hétérotrophe ne peut favoriser une communauté d’algues mise en concurrence avec des hétérotrophes obligatoires comme les champignons et certaines bactéries (Alexander 1977). Figure 1.8 Mur verdi suite à sa colonisation par des algues (Seine-et-Marne juin 2003) Les algues ont besoin également d’autres éléments, comme des vitamines et d’autres facteurs de croissance qu’elles doivent puiser dans leur environnement. Il s’agit d’azote, de soufre, de phosphore, de potassium, de magnésium et de fer. Certains ont également besoin de calcium, de sodium, de silicium, ou d’autres oligo-éléments. En l’absence d’une capacité à fixer l’azote atmosphérique, les organismes utilisent l’azote provenant de l’ammoniac, des nitrates, des acides aminés, des nucléotides, de l’acide urique ou de l’urée (Lynch et Hobbie 1988). Le soufre provient des sulfates, du sulfure d’hydrogène ou du soufre contenu dans les acides aminés. Il est généralement présent en quantités suffisantes et n’est donc pas un facteur limitant la croissance des algues (Round 1973). Les phosphates organiques et inorganiques solubles sont disponibles pour les organismes. Le manque de phosphate peut être un facteur limitant la croissance des algues. Le potassium, le magnésium, le fer et les autres éléments essentiels sont généralement présents en quantités suffisantes dans les substrats et ne constituent pas un facteur limitant la croissance des algues. Les vitamines B12 (cyanocobalamine), B1 (thiamine) et la biotine sont nécessaires au développement de certaines algues.
ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE |