INFLUENCE DE L’HEURE D’ACCOUCHEMENT
SUR L’ISSUE PERINATALE
Importance de la mortalité périnatale dans le monde
Les dernières estimations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), qui datent de 2004, indiquent que cette année-là, environ 3,7 millions d’enfants sont décédés pendant les 28 premiers jours de leur vie [6]. Cependant, le risque de mortalité́ connaît d’énormes variations au cours de la période néonatale. C’est le premier jour après la naissance qui est le plus risqué, avec 25 à 45 % des morts néonatales. Environ trois quarts des décès de nouveau-nés (2,8 millions en 2004) surviennent pendant les sept premiers jours de vie, le début de la période néonatale. Tout comme les décès maternels, presque tous les décès néonatals surviennent dans les pays à revenu faible et intermédiaire (98 % en 2004). Le nombre total de décès périnatals, qui regroupent les enfants mort-nés et les enfants qui meurent en début de la période néonatale, puisque les causes obstétricales sont les mêmes, se montait à 5,9 millions en 2004. Sur ce total, le nombre d’enfants mort-nés s’élevait à environ 3 millions cette année-là .Jusqu’à la fin des années 1990, les chiffres de mortalité́ néonatale provenaient de données historiques brutes. En effet, le nombre de décès d’enfants de moins de 5 ans a fléchi dans le monde passant d’environ 13 millions en 1990 à 9,2 millions en 2007 [1]. Mais, avec les enquêtes sur les ménages, dont les données sont plus fiables, on s’est aperçu que les estimations antérieures tenaient trop peu compte de l’incidence de la mortinatalité. Le taux mondial de mortalité́ néonatale a diminué d’un quart de 1980 à 2000, mais le taux de régression a été́ beaucoup plus lent que celui du taux de mortalité́ des moins de 5 ans qui a chuté d’un tiers. Les décès néonatals représentent donc une proportion beaucoup plus élevée des décès d’enfants de moins de 5 ans aujourd’hui qu’au cours des années précédentes. Ainsi, les décès au cours des sept premiers jours de vie sont passés de 23 % des décès des moins de 5 ans en 1980 à 28% en 2000 [7]. Les nouveau-nés continuent de payer un lourd tribut aux différentes affections qui revêtent une gravité particulière dans cette tranche d’âge. Toute souffrance devient une urgence néonatale avec un risque de décès ou de handicap parfois irréversible [8]. Le taux de mortalité périnatale est l’indicateur le plus utilisé à l’échelon international pour apprécier la qualité de soins obstétricaux [5]. L’étude de l’évolution de la mortalité périnatale cherche à mettre en évidence les facteurs qui conditionnent cette mortalité, et les moyens de réduire leur taux. Les schémas régionaux de mortalité néonatale sont à mettre en étroite corrélation avec ceux de la mortalité́ maternelle. On ne s’étonnera pas de trouver les taux les plus bas dans les pays industrialisés, où le taux de mortalité néonatale était d’à peine 3 pour 1 000 naissances vivantes en 2004. On trouve les taux les plus élevés cette année-là en Asie du Sud (41 pour 1 000 naissances vivantes) et en Afrique de l’Ouest et centrale (45 pour 1 000 naissances vivantes). Le nombre de naissances y étant plus élevé, l’Asie du Sud a le plus grand nombre de décès néonatals de toutes les régions du monde [9]. 5 Figure 2 : Taux régionaux de mortalité néonatale [10] 3. Principales causes de mortalité périnatale
Causes directes
L’analyse de la cause des décès est souvent plus difficile. Une revue de la littérature révèle que de façon habituelle, les causes de décès de la période périnatale sont classées selon deux principaux axes : les causes obstétricales ou maternelles ; les causes fœtales ou néonatales.
Causes obstétricales ou maternelles
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), les causes de la mortalité maternelle se distinguent en causes obstétricales directes et indirectes [11, 12]. Les causes obstétricales directes représentent environ 80% des causes [13, 14]. Complications obstétricales directes Ce sont des complications qui surviennent pendant la grossesse, l’accouchement ou les suites de couches. L’une des caractéristiques est leur survenue brutale et soudaine, très souvent, sans aucun signal d’avertissement. Lorsqu’elles ne sont 45 36 41 25 18 13 16 3 28 41 31 40 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 Afrique de l’Ouest/Centrale Afrique de l’Est/Australie Asie du Sud Moyen-Orient/Afrique du Nord Asie de l’Est/Pacifique Amérique Latine/Caraïbes ECO/CEI Pays industrialisés Monde Afrique Susharienne Pays en développement Pays les moins avancés Décès néonatals (0-28 jours) pour 1000 naissances vivantes, 2004 6 pas d’emblée efficacement traitées, elles deviennent de graves urgences avec des risques élevés de décès maternel et fœtal [11]. Selon l’OMS, les sept principales complications obstétricales directes qui causent 85% des décès maternels sont [11] : le travail prolongé ou dystocie ; la pré-éclampsie sévère (PES) et l’éclampsie ; l’hémorragie antepartum (HAP) et l’hémorragie du post-partum (HPP) ; la rupture utérine (RU) ; l’infection puerpérale ; les complications de l’avortement (les complications hémorragiques, infectieuses et toxiques) ; la grossesse extra-utérine (GEU). Travail prolongé ou dystocie Selon « l’école » française, la définition de la dystocie se fait par défaut : tout accouchement qui n’est pas eutocique est dystocique. L’accouchement est eutocique quand il s’accomplit suivant un déroulement physiologique normal. De ce fait, on appelle dystocie l’ensemble des anomalies qui peuvent entraver la marche normale de l’accouchement. Celles-ci peuvent concerner la mère (bassin, dynamique utérine), le fœtus (position, présentation, volume) ou ses annexes. La progression du travail peut être entravée, soit parce qu’il existe des anomalies de la contraction utérine et de la dilatation du col : on parle alors de dystocie dynamique ; soit parce qu’il existe une mauvaise adaptation du fœtus au bassin maternel : on parle alors de dystocie mécanique [15] . Cela correspond à l’une des anomalies du travail suivant : prolongation de la première phase active du travail (> 12 heures) ; prolongation de la deuxième phase du travail (> 1 heure) ; disproportion céphalo-pelvienne, y compris utérus cicatriciel ; présentation dystocique : transverse, du front ou de la face. Pré-éclampsie sévère et éclampsie [16] : La pré-éclampsie est une complication de la grossesse humaine, survenant volontiers au 3ème trimestre. Son diagnostic est fondé sur l’association : d’une hypertension artérielle (HTA) gravidique (pression artérielle systolique (PAS) ≥ 140 mm Hg et/ou pression artérielle diastolique 7 (PAD) ≥ 90 mm Hg) survenant après 20 SA et disparaissant dans les 6 semaines après la délivrance ; d’une protéinurie (> 0,3 g/24 h). La pré-éclampsie est dite sévère lorsqu’elle est associée à au moins un des critères suivants : une HTA grave (PAS ≥ 160 mm Hg et/ ou PAD ≥ 110 mm Hg) ; une éclampsie ; un œdème aigu pulmonaire ; des douleurs épigastriques, des nausées, des vomissements ; des céphalées persistantes, une hyper réflectivité ostéo-tendineuse, des troubles visuels, une obnubilation, des acouphènes ; une protéinurie > 5g/24h ; une créatininémie > 100 μmol/L ; une oligurie avec diurèse < 20 mL/h (ou < 500 mL/24 h) ; une hémolyse (présence de schizocytes), ou des lactates déshydrogénases (LDH) > 600 U/L des transaminases sériques élevées avec un taux d’aspartateaminotransférases (ASAT) supérieure à trois fois la norme ; une thrombopénie < 100 000/mm3 . Cette PES peut elle-même se compliquer de : HELLP (Hemolysis Elevated Liver enzymes Low Platelet count) syndrome, qui associe une hémolyse, une cytolyse hépatique et une thrombopénie ; 8 hématome rétro-placentaire ; éclampsie qui se définit comme la survenue, chez une patiente présentant des signes de pré-éclampsie, de convulsions et/ou de troubles de la conscience ne pouvant être rapportés à une autre cause neurologique. Hémorragies Deux entités sont individualisées : les hémorragies antepartum (HAP) et les hémorragies du post-partum (HPP). L’HAP correspond à une hémorragie profuse avant et pendant le travail : placenta prævia (PP), ou hématome rétro-placentaire (HRP) qui est le décollement prématuré d’un placenta normalement inséré. L’HPP se caractérise par la survenue de l’un des cas suivants : hémorragie nécessitant un traitement (pose d’une perfusion, administration d’utérotoniques ou transfusion sanguine) ; rétention placentaire ; hémorragie profuse due à des déchirures vaginales ou cervicales ; saignement vaginal de plus de 500 ml après l’accouchement ; plus d’une protection hygiénique souillée en 5 minutes (min). Seule l’hémorragie ante partum peut être responsable d’une issue périnatale défavorable. Rupture utérine La rupture utérine (RU) se définit comme une solution de continuité non chirurgicale de la paroi utérine survenant pendant la grossesse ou le travail. Elle correspond à deux entités de pronostic différent [17] : la RU complète (vraie) intéresse l’ensemble des couches tissulaires de la paroi utérine y compris la séreuse péritonéale (péritoine, myomètre et endomètre). La poche des eaux peut être rompue, ce qui est le cas le plus fréquent, ou rester intacte. Elle peut s’accompagner d’une issue du fœtus et/ou du placenta dans la cavité abdominale. Elle est le plus souvent symptomatique et nécessite une réparation chirurgicale urgente ; 9 la RU incomplète (ou sous-séreuse), souvent qualifiée de déhiscence, n’intéresse que l’endomètre et le myomètre et respecte le péritoine viscéral. Elle est le plus souvent asymptomatique, de diagnostic fortuit (au cours d’une césarienne itérative) et de meilleur pronostic materno-fœtal que la rupture complète. Complications obstétricales indirectes Ce sont les complications qui résultent d’une maladie préexistante ou d’une affection apparue au cours de la grossesse sans qu’elle soit due à des causes obstétricales directes, mais qui a été aggravée par les effets physiologiques de la grossesse.
Complications du travail et de l’accouchement
Les complications du travail et de l’accouchement sont : les dystocies dynamiques ; les dystocies mécaniques : o maternelles : osseuses, parties molles ; o fœtales : présentations dystociques, gros fœtus ; o mixtes : disproportion fœto-pelvienne ; o diverses : procidence du cordon, diaphragme vaginal, obstacle praevia. les complications traumatiques de l’accouchement que sont la rupture utérine et les déchirures des partie molles.
Causes fœtales ou néonatales
Elles correspondent aux pathologies et aux anomalies du fœtus et de l’enfant qui peuvent être à l’origine du décès (hypoxie, prématurité, l’hypotrophie, malformation, infection, hémorragie). 10 Cette classification, bien que très utile, ne reflète parfois que partiellement la réalité ; un décès pouvant relever à la fois d’une cause obstétricale ou maternelle que d’une cause fœtale ou néonatale. En France, les principales causes de décès néonatal, telles qu’elles sont regroupées dans la classification internationale des maladies (CIM) sont les malformations congénitales (27% de décès) ; les affections d’origine périnatale notamment les hypoxies et les asphyxies (10,4%) ; le syndrome de détresse respiratoire (8,3%) ; les autres affections respiratoires (5,9%) ; les hémorragies fœtales et néonatales (6,4%). Les infections ne représentent que 0,8% des causes de décès néonatal. Dans les pays en développement, selon l’OMS [18], les causes les plus fréquentes de décès néonatal sont : les infections (42%), les asphyxies à la naissance (25%), la prématurité (10%) et les anomalies congénitales environ (3,25%). D’après une étude qui a été menée au Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Lomé au Togo [19], on retrouve les mêmes causes de décès néonatal précoce que dans la plupart des pays en développement à savoir : la prématurité et le faible poids de naissance (23,8%), les détresses respiratoires (21,8%), les infections materno-fœtales et néonatales (19,1%), la souffrance neurologique (10,7%) et les malformations congénitales (3,8%). Au Sénégal, peu d’études ont été faites sur la MPN ; les recherches ne concernant, le plus souvent, que les périodes post-néonatale et infantile. Selon Bampoki, les principales causes de MPN au centre hospitalier Abass Ndao étaient constituées par les dystocies (26,56%) et la prématurité (22,52%) [20]. Une étude réalisée à la Maternité du CHU de Dakar [21] a montré que les principaux acteurs étiologiques de la mortalité néonatale précoce retrouvés sont la prématurité, l’infection et la souffrance fœtale aiguë. Ces facteurs étaient le plus souvent intriqués. Pourtant, pour certains auteurs des pays en développement, ce sont les infections périnatales qui constituent la plus grande cause de mortinatalité et de mortalité néonatale précoce. La recherche documentaire pour apprécier l’ampleur du problème des infections périnatales dans les pays en développement s’est heurtée à un certain nombre de difficultés : rareté et défaut de fiabilité des données statistiques sanitaires nationales des pays ; lorsque ces données sont disponibles, elles concernent le plus souvent des statistiques hospitalières (maternités et services de pédiatrie) sans rapport avec le nombre de naissances, sans rapport à une population de référence ; le diagnostic d’infection périnatale est le plus souvent porté sur des arguments cliniques et anamnestiques.
Causes indirectes
Elles sont constituées par des facteurs favorisant la survenue de décès pendant la période périnatale. Ces facteurs pouvant être liés à la mère et parfois à la qualité des services de soins.
Facteurs liés au fœtus
Dans les pays développés, les facteurs de risque principaux de la mortalité périnatale (MPN) sont : les grossesses multiples : le risque de mortalité est particulièrement élevé parmi les enfants issus de grossesse multiple (36‰ pour les jumeaux et 60‰ pour les triplets en Angleterre en 1995) [22]. La majorité des rapports s’accordent sur le fait que le taux de mortalité est plus élevé pour les seconds jumeaux que pour les premiers [23] ; le rang de naissance : le risque croît avec le rang de l’enfant dans la fratrie.
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