Structure du récepteur mGluRs
Le récepteur mGluRs fait partie des récepteurs couplés aux protéines G (RCPG). Il est transcrit à partir du gène GRM5 situé sur le chromosome Il chez l ‘humain. Ce récepteur comporte 3 régions importantes. La première est un grand domaine extracellulaire (N-terminale) dans lequel se trouve le site orthostérique où se fixe le glutamate endogène (Muto, Tsuchiya et al. 2007). La seconde est un domaine à 7 passages transmembranaires (7TM) qui contient un site allostérique où certaines molécules de synthèse peuvent venir affecter l’activité normale du récepteur (Molck, Harpsoe et al. 2014). La troisième est un petit domaine intracellulaire (C-terminale) qui interagit avec la protéine Gq (Rondard and Pin 2015). Une fois synthétisé, ce récepteur s’assemble en dimère afin d’être fonctionnel (figure 1.8). En absence de glutamate, le récepteur est dans une conformation de repos, c’està- dire que la protéine G est liée à la guanosine diphosphate (GDP) et ne transmet pas de signal vers l’intérieur de la cellule. À l’inverse, lorsque le glutamate se fixe sur le récepteur, celui-ci adoptera une conformation active qui diminuera son affinité avec la GDP. À ce moment, la GDP va se dissocier ce qui laissera la place à la guanosine triphosphate (GTP) pour se lier à la protéine G. Cette liaison permettra de transmettre l’information à l’intérieur de la cellule par diverses protéines de signalisation.
La GTP finira par être hydrolysée par une protéines régulatrice des protéines G (RGS) pour reformer la GDP et ainsi ramener le récepteur à sa conformation inactive (Figure 1.9) (Stewart, Huang et al. 2012). Cette inactivation permet un équilibre entre les conformations actives et inactives et est importante pour garder une activité normale du récepteur. Grâce aux avancées technologiques dans le domaine de la pharmacologie, il est maintenant possible de favoriser ou de défavoriser la conformation active du récepteur. En effet, à l’aide de modulateurs allostériques synthétiques, il est aujourd’hui possible d’augmenter ou de diminuer l’affinité du récepteur (mGluRs) avec son ligand endogène (glutamate). Les modulateurs allostériques négatifs (NAM) se lient à mGluRs et diminuent l’affinité du récepteur avec le glutamate, alors que les modulateurs allostériques positifs (P AM), à l’inverse, vont augmenter l’affinité (Molek, Harpsoe et al. 2014). Pour la réalisation de mes expériences, j’ai utilisé le 3-((2-Methyl-4- thiazolyl)ethynyl)pyridine (MTEP) comme NAM et le 3-Cyano-N-(1,3-diphenyl-lHpyrazol- 5-yl)benzamide (CDPPB) comme PAM. Le MTEP est un NAM de seconde génération qui a succédé le 2-méthyl-6- (phényléthynyl) pyridine (MPEP) (Gasparini, Lingenhohl et al. 1999). Son avantage est qu’ il offre une sélectivité beaucoup plus élevée envers le récepteur mGluRs (Cosford, Tehrani et al. 2003). Pour le CDPPB, il est le premier PAM à passer la BHE, ce qui permet de faciliter les études chez des modèles animaux en permettant des modes d’administration périphériques tels que les injections sous-cutanées ou intrapéritonéales (Lindsley, Wisnoski et al. 2004).
Fonctions du récepteur mGluRs
Le glutamate est un neurotransmetteur, dit « excitateur », car il est capable de générer un potentiel d’action grâce à la liaison de ses récepteurs ionotropiques. Lorsque ceux-ci sont activés, ils mènent à la dépolarisation de la membrane et permettent de transmettre les influx nerveux à travers le SNC. Par ailleurs, les récepteurs métabotropiques sont en mesure de moduler l’activité des neurones à plus long terme. Plutôt que de permettre le passage d’ions, l’activation du récepteur mGluRs va engendrer des changements dans la morphologie neuronale et dans le nombre de récepteurs disponibles pour lier le glutamate et ainsi changer l’efficacité de la transmission nerveuse (Kandel, 2001; Malinow et MaJenka, 2002; Kandel, 2012). Ces changements sont à la base d’un mécanisme cellulaire nommé: plasticité synaptique. La plasticité synaptique module l’efficacité de la transmission neuronale entre deux régions cérébrales en renforçant ou en atténuant les connexions synaptiques entre ces régions. Le renforcement des connexions se fait par la plasticité nommée potential isation à long terme (L IP, pour «long-term potentiation»), alors que l’atténuation se fait par la plasticité nommée dépression à long terme (LID, pour« long-term depression »). L’équilibre entre ces deux mécanismes opposés permet à notre cerveau de bien se développer et de bien fonctionner avec son environnement. La plasticité synaptique permet, entre autres, d’enregistrer de nouvelles séquences motrices et de les améliorer, de mémoriser de nouvelles informations ou encore d’associer une émotion avec un environnement ou une situation donnée. C’est par ce mécanisme que les informations seront enregistrées à long terme dans le cerveau et permettront d’apprendre et de s’adapter. Depuis les 20 à 30 dernières années, de plus en plus d’études démontrent une relation claire entre l’activité du récepteur mGluRs et les mécanismes cellulaires responsables de la plasticité synaptique (Bhattacharyya 2016). Dans la prochaine section, la signalisation intracellulaire et la base des mécanismes de plasticité synaptique médiés par le récepteur mGluRs seront brièvement décrits.
MGluRs et le système Iimbique
Le système limbique se compose de différentes structures situées sur la face médiale des hémisphères cérébraux ainsi que dans le diencéphale et permet notamment la régulation émotionnelle et la mémorisation. Les principales régions limbiques inclues entre autre le corps amygdaloïde, le noyau accumbens (striatum ventral), l’hippocampe et le thalamus (Terbeck, Akkus et al. 2015). En plus d’être inter-reliées entre-elles, ces structures communiquent également avec d’autres régions du SNC. Une de ces régions est l’hypothalamus. L’hypothalamus, en plus d’assurer plusieurs fonctions viscérales, joue le rôle de relais entre les influx nerveux provenant du système limbique et l’expression des comportements émotionnels. De plus, ces régions communiquent avec différentes régions corticales, permettant ainsi de réagir émotionnellement aux évènements dont nous sommes conscient (cortex pré frontal) et d’associer certaines émotions à ce qui nous entoure (lobes temporal, occipital et pariétal) (Marieb and Hoehn 2010). Plusieurs autres régions (gyrus du cingulum, septum pellucidum, bulbe olfactif, etc.) font partie intégrale du système limbique. L’ensemble des structures ci-haut énumérées qui participent au fonctionnement du système limbique, agissent de concert afin de permettre l’expression des émotions telles que la peur, le stress, l’agressivité ou le plaisir. Il est connu que le glutamate est important dans la régulation de ces émotions; mais il est d’autant plus intéressant de noter que les structures responsables de ces comportements expriment fortement le récepteur mGluRs (Shigemoto, Nomura et al. 1993). Cette relation entre le récepteur mGluRs et le système limbique a mené à plusieurs études précliniques chez différents modèles animaux. Celles-ci ont révélées le rôle important du récepteur mGluRs dans l’apparition de symptômes reliés à différentes affections du SNC, dont notamment les troubles anxleux.
mGluRs et l’anxiété
L’anxiété se traduit par une émotion désagréable qui se caractérise par des symptômes physiques (sueurs, tremblements, augmentation de la fréquence cardiaque, etc.) et des pensées anxieuses (inquiétudes, stress, etc.). Elle peut survenir dans divers troubles psychologiques comme les troubles anxieux généralisés, les troubles de paniques, la dépression ou le trouble obsessionnel-compulsif (TOC). Ces troubles psychiatriques entraînent une altération importante du fonctionnement social et professionnel, entraînant des coûts de santé et des souffrances pour les patients (McLaughlin, Behar et al. 2008). Les traitements actuels les plus utilisés (benzodiazépines) causent des effets secondaires importants et handicapants pour les patients (étourdissement, somnolence, dépendance etc.)(Uzun, Kozumplik et al. 2010). Il est donc primordial de développer de nouveaux traitements mieux adaptés au corps humain. Depuis les 30 dernières années, les chercheurs démontrent de plus en plus d’évidences que le récepteur mGluRs serait important dans la pathogénèse de l’anxiété et pourrait donc être une cible thérapeutique intéressante. Swanson, Bures et al. (2005) ainsi que Riaza Bermudo-Soriano et al. (2012) ont passé en revue les différentes études ayant été faites chez les animaux et portant sur les comportements analogues à l’anxiété. Par exemple, son inhibition par des NAMs a causé chez les rongeurs une diminution de la peur conditionnée par un stimulus, une plus grande tolérance aux stimuli douloureux et une augmentation des interactions sociales (Riaza Bermudo-Soriano, Perez-Rodriguez et al. 2012).
De plus, lors du «Elevated Plus Maze », un des tests les plus utilisés dans l’évaluation des comportements anxieux lors d’études précliniques chez les rongeurs, une dose unique de NAM a prolongé le temps passé par les rongeurs dans les bras ouverts du labyrinthe expérimental, démontrant clairement une diminution des symptômes de l’anxiété (Tatarczynska, Klodzinska et al. 2001 , Klodzinska, Tatarczynska et al. 2004, Pietraszek, Sukhanov et al. 2005, Ticha, Mikulecka et al. 2011, Kumar, Hapidin et al. 2013). La revue de littérature exécutée par Swanson et Riaza a permis de conclure que l’inhibition du récepteur mGluRs par modulateurs allostériques négatifs cause dans plus de 85% des cas un effet anxiolytique chez les modèles animaux (Swan son, Bures et al. 2005, Krystal, Mathew et al. 2010, Riaza Bermudo-Soriano, Perez-Rodriguez et al. 2012). En plus de cette littérature bien établie, durant les 5 dernières années, certains chercheurs ont développé sur le sujet. Certains chercheurs ont étudiés des mécanismes physiologiques, tels que l’inflammation ou la relâche d’endocanabinoïde, susceptibles d’affecter le fonctionnement normal du récepteur mGluRs et ainsi causer des troubles anxieux (Arsenault, Zhu et al. 2014, Almeida-Santos, Moreira et al. 2017). D’autres part, des chercheurs ont développés de nouvelles molécules dans l’optique de faire des études cliniques et évaluer les effets de la modulation de mGluRs chez l’humain (Bates, Rodriguez et al. 2014, Nickols, Yuh et al. 2016). Dans la plupart de ces études, le dérèglement de l’activité normale du récepteur mGluRs affectait les comportements anxieux. Il reste beaucoup de travail avant de comprendre complètement les mécanismes qui permettent à ce récepteur de réguler les comportements anxieux. Chose certaine, les traitements actuels causent un trop grand nombre d’effets secondaires ce qui oblige le développement de nouvelles approches thérapeutiques. Ce besoin clinique non comblé pousse les chercheurs à développer de nouvelles molécules viables chez l ‘humain et de procéder à des essais cliniques. Certains analogues du MTEP sont présentement en études cliniques. Ces études seront décrites un peu plus loin.
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