Influence de la fertilisation sur la croissance des arbustes décidus

La température de l’air

Au cours des dernières décennies, la durée de la saison de croissance dans les hautes latitudes (> 600N) a augmenté (Zeng et al. 2011, Xu et al. 2013). Zeng et al. (2011) ont noté que l’augmentation de la saison de croissance était principalement due à un début plus rapide au printemps (environ 4,7 jours/décennie) et à une fin légèrement plus tardive à l’automne (1,6 jours par décennie) depuis 1982. Des résultats similaires ont été obtenus par Xu et al. (2013) montrant une augmentation (> 3 jours/décennie) dans la majorité de l’Arctique depuis les années 80. Selon Linderholm (2006), la saIson de crOIssance a augmenté de 12 jours en Amérique du Nord entre les latitudes 400N et 700N de 1981 à 1999. D’autre part, Myers-Smith et al. (2019) ont récemment noté, après un suivit à long terme de 18 ans à l’île Herschel (Canada), que la phénologie printanière était devancée de 9 jours/décennie mais que la longueur de la saison de croissance réelle n’avait augmenté que de 2 jours/décennie puisque la sénescence se produisait plus tôt à l’automne.

La distribution des arbustes à l’échelle globale est généralement associée au gradient de température. Selon la carte de végétation circumpolaire Arctique de Walker et al. (2005), les arbustes érigés sont limités à la zone D (avec une température moyenne en juillet de 7-9 OC) et les arbustes de grande taille (~ 1.5 m) sont limités à la zone E (avec une température moyenne en juillet de 9-12 OC). Ainsi, si la tendance se maintient, ces températures plus chaudes pourraient faciliter la progression des espèces arbustives érigées dans l’Arctique. Des expériences de réchauffement dans différentes régions de l’Arctique ont évalué l’effet à court (1-3 ans) et à plus long termes (6-22 ans) de l’augmentation de la température de l’air sur la végétation (Wookey et al. 1993, Chapin et al. 1995). Les résultats de ces expériences varient considérablement selon la durée et l’emplacement des études. Chapin et Shaver (1985) ont utilisé des serres fermées pour simuler une augmentation moyenne de 5 oC de la température de l’ air par rapport aux sites témoins en toundra arctique herbacée en Alaska. Après deux ans de réchauffement, une augmentation significative de la croissance des arbustes à feuilles déci dues et persistantes a été observée.

Une méta-analyse sur les expériences de réchauffement à travers le biome de la toundra a montré que sous l’effet d’un réchauffement modéré (1-3 OC) d’une durée variant de trois à six saisons de croissance, les plantes vasculaires ont augmenté en taille et en recouvrement principalement chez les arbustes à feuilles décidues et les graminoïdes comparativement à celui des cryptogames qui a diminué (Walker et al. 2006). Des résultats similaires ont été observés dans la région de Daring Lake (T.N.-O.) après six ans de réchauffement à l’aide de serres. Ils ont noté chez l’ arbuste déci du Betula glandulosa une augmentation de la croissance apicale moyenne 2,5 fois plus élevée que dans les sites témoins (Zamin and Grogan 2012). Sur une plus grande échelle de temps, 22 années de réchauffement en toundra arbustive à éricacées (milieu subarctique, Abisko en Suède) ont mené à l’augmentation du couvert arbustif principalement chez trois espèces (Betula nana, Empetrum hermaphroditum et Cassiope tetragona). Cependant, une augmentation significative de l’élongation des branches n’a été observée que chez les deux espèces à feuilles sempervirentes E. hermaphroditum et C. tetragona (Campioli et al. 2012). La plus faible réponse de Betula nana à l’augmentation de la température comparativement aux espèces à feuilles persistantes dans cette étude suggère que ces derniers peuvent être de bons compétiteurs pour la ressource dans cet écosystème.

L’humidité de sol

L’eau est une composante essentielle pour les plantes. Elle est nécessaire à plusieurs processus physiologiques comme par exemple: la photosynthèse, le transport de la sève ou la turgescence des cellules. Indirectement, dans le sol l’eau facilite le transport des nutriments jusqu’à la plante. Et avec sa polarité, l’eau peut transporter des charges positives et négatives (Jones 2012). À ce jour, l’impact de l’humidité du sol sur la croissance arbustive a été très peu étudié dans les écosystèmes nordiques. Les composantes des sols arctiques comme les sols des autres régions du monde varient grandement d’un endroit à un autre que ce soit par la présence ou absence de pergélisol, la variabilité de la texture de la matrice du sol (argileux, limoneux, sablonneux), les composantes organiques du sol ou la composition végétale, etc.) (Love land 2011). De ce fait, la réponse de la végétation face à une modification du régime hydrique ne sera pas la même d’un endroit à l’autre (à petite ou à grande échelle). Une étude menée au Groenland par Gamm et al. (2018) a montré qu’une augmentation de la sécheresse du sol affectait négativement la croissance de B. nana. alors que dans d’autres régions une plus grande humidité du sol combinée avec des températures plus chaudes favorisaient la croissance des arbustes érigés (Ropars et al. 2017, Bjorkman etaI. 2018). Chapin et ses collaborateurs (1988) ont comparé la productivité de la végétation dans des zones où il y avait de l’écoulement d’eau et en périphérie.

La productivité était 2,4 fois plus élevée dans les zones où il y avait de l’écoulement d’eau puisqu’il y avait un recyclage plus rapide de l’azote et du phosphore (Chapin et al. 1988). Ces résultats suggèrent que dépendamment des conditions, un sol saturé en eau peut limiter ou augmenter la disponibilité en nutriments dans l’environnement. L’eau est aussi importante pour les organismes qui vivent dans le sol. Généralement, les sols saturés en eau ou très secs ont une influence négative sur la décomposition de la matière organique. En toundra arctique humide (Alaska), une augmentation de l’humidité du sol (bien drainé à saturé en eau) a réduit la respiration du sol de 50 à 75 % (Shaver et al. 2006). Cependant, même si la saturation du sol ralentie la décomposition de la matière organique, l’écoulement de l’eau permet la mobilité des éléments nutritifs dans le sol et facilite ainsi leur assimilation par les plantes (Rastetter et al. 2004). Les modèles climatiques prévoient que les précipitations dans les écosystèmes nordiques devraient augmenter avec les changements climatiques (Bintanja 2018). Robinson et ses collaborateurs (1995) ont évalué l’impact d’une augmentation de 50 % des précipitations en période estivale en toundra arbustive à éricacées en milieu subarctique. Ils n’ont observé aucun effet sur l ‘humidité du sol comparativement aux sites témoins mais ils ont noté une augmentation de la décomposition dans les sites qui ont subi l’arrosage. De ce fait, ces résultats suggèrent que l’augmentation des précipitations estivales n’aura peut-être pas une grande influence sur l’humidité du sol directement mais pourrait faciliter la décomposition de la matière organique.

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Éléments nutritifs

L’azote (N) et le phosphore (P) sont des macronutriments essentiels au fonctionnement des plantes. L’azote provient en grande partie de l’atmosphère sous forme gazeuse et doit être transformé en nitrate et en ammoniaque par les microorganismes dans le sol avant de devenir assimilable par les plantes (Jones 2012). Le phosphore provient de la matrice minérale du sol et la majorité du P assimilé par les plantes est relocalisé dans la plante lors de la sénescence limitant ainsi la quantité de phosphore dans la litière. De ce fait, un sol minéral sera généralement initialement limité en azote et avec le temps, le phosphore deviendra limitant (Walker and Syers 1976, Vitousek 2004). Les sols de l’Arctique sont généralement très pauvres en éléments nutritifs et les plantes de ces écosystèmes sont bien adaptées à une faible disponibilité en nutriments (Shaver and Chapin 1980). La disponibilité en nutriments est principalement contrôlée par les conditions locales du milieu (ex: température du sol (Robinson 2002), qualité de la litière (Singh and Gupta 1977), humidité du sol (Shaver et al. 2006)) qui peuvent avoir une influence directe sur la croissance arbustive (Hollesen et al. 2015) mais aussi indirecte en favorisant l’activité des microorganismes présents dans le sol (Holding et al. 1973, Sundqvist et al. 20 Il).

Il est important de comprendre que ces conditions de sol peuvent varier grandement dans une région donnée (Loveland 20 Il). Cette disponibilité en éléments nutritifs devrait augmenter sous des conditions climatiques plus chaudes à la suite de l’augmentation de l’activité microbienne (Nadelhoffer et al. 1991, Hobbie 1996). Il a été montré que des températures plus stables et plus chaudes en période hivernale augmentent la respiration microbienne résultant en une plus grande dégradation de la matière organique (Schimel et al. 2004, Nobrega and Grogan 2007, Buckeridge and Grogan 2010). Sous un couvert nival plus épais et dans des parcelles témoins, Buckeridge and Grogan (2010) ont observé un plus grand relâchement des éléments nutritifs pendant la fin de la période hivernale et un déclin rapide des nutriments et des microorganismes juste après la période de fonte de la neige. Même si le relargage des nutriments était légèrement plus élevé sous le couvert de neige le plus épais, il y avait tout de même un relargage de nutriments significatif dans les parcelles de toundra non manipulées. La principale différence se traduisait par le moment du relargage des nutriments qui avait lieu un mois plus tard (lié au moment de la fonte) lorsque le couvert nival était plus épais. Les dates de ce relargage de nutriments ont une influence sur la disponibilité en nutriment pour l’assimilation par les plantes pendant la fin du printemps. Larsen et ses collaborateurs (2012) ont évalué à quel moment les différents groupes fonctionnels de plantes étaient capables de commencer à assimiler de l’azote après l ‘hiver. Les arbustes à feuilles persistantes étaient les premiers à assimiler l’azote dix jours après la fonte de la neige entre le début d’avril et le mois de mai tandis que les arbustes à feuilles décidues ont commencé à assimiler l’azote seulement au début du mois de mai. Ces résultats suggèrent que les arbustes à feuilles persistantes pourraient être en mesure de tirer avantage du relargage des nutriments au printemps contrairement aux arbustes décidus qui dépendent plus de l’activité microbienne après la fonte de la neige pour l’ assimilation de l’azote.

Table des matières

REMERCIEMENTS
AVANT-PROPOS
RESU’ME
LISTE DES FIGURES ET TABLEAU
LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES
CHAPITRE 1 INTRODUCTION
1.1 Contexte de l’étude
1.2 Revue de la littérature : facteurs influençant la croissance arbustive dans l’Arctique.
1.2.1 La température de l’ air
1.2.2 Température du sol
1.2.3 L’humidité de sol
1.2.4 Éléments nutritifs
1.2.5 La décomposition
1.2.6 Influence de la fertilisation sur la croissance des arbustes décidus
1.2.7 Le pergélisol
1.2.8 Espèce à l’étude
1.2.9 Objectifs
CHAPITRE II LANDSCAPE-SCALE GROWTH HETEROGENEITY OF BETULA GLANDULOSA IN SUBARCTIC AREA
Abstract
Introduction
Materials and methods
Study are a
Site selection and characterisation
Soil analyses
Leafnutrient content
Growthmeasurements
Data analysis
Results
Birchgrowth
Birchgrowth drivers
Discussion
Shrub-height-growth relation
Soiltemperature (SGDD)
Nutrients and soilmoisture
Conclusion
Acknowledgements
References
CHAPITRE III CONCLUSION
RÉFÉRENCES .BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXE A
DESCRIPTION DES SITES ÉTUDIÉS EN 2013 DANS LA RÉGION D’UMIUJAQ (NUNA VIK)

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