Le dragage constitue une activité vitale pour l’exploitation des ports. En moyenne 50 millions de m³ de sédiments sont dragués tous les ans dans les ports français. Les volumes les plus importants de matériaux déplacés le sont par les quatre grands ports d’estuaires : Rouen, Nantes – St-Nazaire, Bordeaux, et les cinq grands ports maritimes : Dunkerque, Calais, Boulogne, le Havre et la Rochelle. A ceux ci s’ajoutent les dragages des multiples autres enclaves portuaires. Ce volume comprend l’entretien annuel (la hauteur de sédiments à enlever chaque année pour assurer le passage des navires), la résorption du passif et prend en compte les sédiments pollués, peu pollués et non pollués.
La principale réponse à la question du devenir des sédiments pollués dragués était le relargage en mer. Mais les mentalités ont changé et le respect de l’environnement prend une place de plus en plus importante dans les processus décisionnels. De nombreuses études se sont intéressées à la contamination des sédiments, révélant de fortes teneurs en polluants inorganiques (métaux lourds) et organiques (hydrocarbures, HAP, PCB…) dues aux activités actuelles d’exploitation des ports et au passif industriel. Les risques pour la faune et la flore marine mais également pour l’homme, par le biais de la bioaccumulation, que représentent les activités de dragage et d’immersion, ont également été mis en évidence. Ces activités sont désormais strictement réglementées, au niveau international, depuis la signature de la convention de Londres en 1972. Différentes réglementations nationales et parfois même régionales ont été mises en place dans les pays concernés. En France par exemple, l’arrêté Geode, en date du 14 juin 2000, définit les seuils réglementaires qui s’appliquent aux sédiments dragués et permet de décider du devenir de ces matériaux. La question du sort des sédiments trop pollués pour être ré-immergés ou épandus reste en suspend. De nombreux travaux se sont intéressés à la mise au point de procédés de traitement permettant une stabilisation des sédiments dans le respect de l’environnement et éventuellement une valorisation. Les applications concrètes de ces études restent rares. Rebutés par les coûts de mise en décharge, de traitement et les rares voies de valorisation, les gestionnaires décident bien souvent de laisser les sédiments en place ou de les répartir dans les bassins moins envasés en attendant une réelle solution au problème.
C’est dans ce contexte que la société SOLVAY a développé le procédé NOVOSOL® en s’appuyant sur l’expérience de son procédé de traitement des cendres volantes REVASOL®. Le procédé NOVOSOL® vise à traiter les sédiments pollués, marins comme fluviaux. Le traitement s’appuie sur l’aptitude d’un minéral naturel, l’hydroxyapatite, à fixer les métaux lourds. Le traitement se déroule en deux étapes : un traitement chimique avec ajout d’acide phosphorique permettant la création des phosphates de calcium fixant les métaux lourds, puis un traitement thermique afin d’éliminer la pollution organique et d’accroître la stabilité des complexes phosphate de calcium/métaux lourds.
L’entreprise SOLVAY s’est entourée de divers partenaires institutionnels, industriels et universitaires afin de mener à bien ce projet. L’ADEME (Agence de l’Environnement et de la maîtrise de l’Energie) s’assure de la qualité environnementale du procédé. La société Bertin Technologie garantie l’étude de faisabilité technique et économique et coordonne les différents partenaires. Le BRGM (Bureau de Recherche Géologique et Minière) apporte son expérience à la compréhension des processus de fixation d’un point de vue minéralogique. L’EMAC (Ecole des Mines d’Albi-Carmaux) travaille à l’optimisation des différentes étapes du procédé (phosphatation, séchage et calcination), l’ENTPE (Ecole Nationale des Travaux Publics de l’Etat) de Lyon étudie l’impact écotoxicologique des sédiments traités et l’INSA (Institut National des Sciences Appliquées) de Toulouse s’intéresse à la mise au point de tests environnementaux sur matériaux monolithiques et à la valorisation des produits traités en technique routière. Enfin, des partenaires industriels tels que l’entreprise Eurovia ou les Briqueteries Du Nord apportent savoir faire, expérience et moyens afin de permettre le passage de l’échelle laboratoire à l’échelle industrielle. L’Ecole Centrale de Lille a pour objectif la valorisation des produits traités dans le génie civil sous diverses formes : blocs compressés, béton, mortier, briques cuites ou encore matière première pour les couches de fondation de chaussées. Plusieurs études ont été menées dans ce sens, que ce soit par des doctorants ou des élèves ingénieurs de l’Ecole Centrale de Lille dans le cadre de projets intégrés à leur cursus.
La sédimentation est un phénomène en grande partie naturel. Les sédiments ont principalement deux origines. L’origine endogène de la sédimentation provient de la production autochtone du milieu. Cette production primaire engendre des débris de macrophytes (plantes aquatiques, cadavres de microphytes et d’animaux). L’origine exogène vient d’un apport de matières allochtones. Celles ci sont issues du ruissellement des fleuves, des effluents ou de l’atmosphère . Cet apport peut être d’origine naturelle (érosion des sols, décomposition de la matière végétale), ou anthropique (apports de matière en suspension, de matières organiques, de nutriments ou de micro-polluants en raison des rejets agricoles, industriels et domestiques) [SCHNEIDER 2001].
Le lieu où se déposent les particules et leur taille dépendent principalement de la force du courant et de l’environnement géologique. Ainsi, dans les ports où le courant est faible, la sédimentation sera favorisée. Mais les ports situés sur une côte rocheuse (Bretagne Nord, Provence-Côte d’Azur et Corse) sont soumis à une sédimentation faible. Ceux situés dans des baies à dominante vaseuse ou à proximité de l’embouchure d’estuaires comme en Nord – Pas – de – Calais, Picardie, Normandie, Loire – Vendée – Charente et dans les étangs littoraux du Languedoc – Roussillon subissent des sédimentations dont les taux varient entre 0,5 et 1m par an. [L’YAVANC 1999].
La composition minérale des sédiments diffère selon leur provenance. Les blocs, les cailloux, les graviers et les sables sont des sédiments terrigènes c’est-à-dire, issus de l’érosion des sols ; leur nature chimique dépend principalement des terrains érodés. Les sables sont essentiellement quartzeux (silice SiO2) ou silicatés (mica, feldspath), souvent accompagnés de minéraux lourds (amphiboles, grenats, disthène…) qui dépendent de la nature des sols érodés. On trouve aussi des sables calcaires (ex : les sables de la Seine). Enfin, les particules les plus fines, limons, boues et vases, sont composées de minéraux argileux d’origine terrigène, et aussi des squelettes d’organismes d’origine endogène [SCHNEIDER 2001].
Dès les années 1970 les sédiments ont été reconnus comme étant la destination finale des polluants.
D’après G. Schneider [SCHNEIDER 2001], ces dernières années, le phénomène d’envasement s’est amplifié en raison de l’accroissement des apports anthropiques et de l’érosion (dû notamment à des opérations de remembrement qui ont entraîné la destruction des haies et des talus). La contamination a commencé à la fin du siècle dernier. Cette pollution est principalement due aux rejets industriels et urbains. Les contaminants à l’origine de cette pollution sont généralement classés en trois grands groupes.
Les éléments nutritifs
Il s’agit notamment du phosphore et des composés azotés comme l’ammoniaque. Ils proviennent des rejets d’eaux usées urbaines et d’effluents agricoles et industriels. Ils sont à l’origine de l’eutrophisation des milieux.
Les métaux lourds
Ils se retrouvent souvent à l’état de traces, indispensables au métabolisme pour la plupart (sauf le plomb, le mercure et le cadmium), une fois dépassé un seuil de tolérance, les métaux sont considérés comme toxiques. Ils sont alors incompatibles avec les phénomènes vitaux et certains d’entre eux ont des propriétés cancérigènes et mutagènes. Les principaux métaux lourds sont le cadmium, le chrome, le cuivre, le plomb, le mercure, le nickel, le sélénium, l’arsenic (métalloïde) et d’autres éléments spécifiques au passé industriel (argent). Les métaux lourds peuvent être fixés sur les particules minérales et les matières organiques des sédiments. Un autre mode d’immobilisation peut être lié aux phénomènes de précipitation. Les métaux précipitent alors sous des formes plus ou moins insolubles d’oxydes, d’hydroxydes, de carbonates, de phosphates, ou de sulfures. Les métaux piégés dans le sédiment sont en général en équilibre avec l’eau interstitielle. Mais la moindre perturbation de l’environnement peut remobiliser les métaux. Différents mécanismes sont à l’origine de ce phénomène : réactions d’oxydo-réduction, activité biologique, présence de chélatants, ou les perturbations physicochimiques.
Les micro-polluants organiques
Ils représentent le troisième grand groupe de contaminants (les HAP: hydrocarbures polycycliques aromatiques, pesticides, solvants chlorés, PCB). Ces éléments sont souvent très toxiques, solubles ou adsorbés sur les matières en suspension. En définitive, la sédimentation (donc l’envasement) est un phénomène naturel qui voue le plan d’eau à disparaître naturellement par comblement. Les problèmes que pose cette sédimentation à l’heure actuelle, viennent de l’augmentation de la vitesse d’envasement ainsi que de la toxicité accrue des sédiments .
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