Industrialisation et développement dans l’histoire de la pensée économique

Le contexte de l’étude 

Un demi-siècle après l’indépendance des pays colonisés, ces pays restent confrontés au problème de développement. Les pays anciennement colonisés forment la majeure partie des pays en développement (PED). Les inégalités entre les PED et les pays développés (PD) persistent toujours. En 2007, l’indice de développement humain (IDH) dans les pays de l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) atteint 0,932 alors qu’il n’atteint que 0,514 en Afrique Subsaharienne (PNUD, 2007). L’espérance de vie à la naissance s’élève à 51,5 ans en moyenne dans les pays moins avancés (PMA) et à 79 ans dans les pays de l’OCDE (PNUD, 20007). Rostow (1962) explique le sous-développement comme un retard de développement des PED. Le développement serait un phénomène inéluctable. Cette idée sous-entend que le développement des pays pauvres doit passer par les étapes de développement suivies par les pays industrialisés.

Industries et amélioration de bien-être

Conception classique de l’entreprise : une unité productive à l’origine de la croissance économique industrielle 

L’entreprise est une unité productive. L’entreprise grâce à une combinaison de facteurs de production (capital et travail), transforme les matières premières pour produire des biens manufacturés. Smith dans son analyse de l’entreprise, se focalise essentiellement sur l’entrepreneur. L’entrepreneur a pour fonction principale l’accumulation du capital. Il cherche à maximiser son profit. Le profit désigne une source de revenu pour l’entrepreneur. Dans le cas où l’entrepreneur se différencie du capitaliste, le profit représente la part de revenu attribuée au capitaliste. Néanmoins, une partie du profit est accumulée pour former un nouveau capital et se joindre à l’ancien. L’accumulation du capital conditionne la division du travail (Smith, 1776). Le capital accumulé sert à mobiliser le travail. La division du travail entraîne une spécialisation au niveau des travailleurs. A force d’un travail spécifié et répété, chaque ouvrier devient de plus en plus habile. La division du travail incite aussi l’invention de machines permettant de faciliter et d’abréger le travail de l’ouvrier. Par conséquent, l’entreprise profite d’un gain de temps. Ce dernier permet d’accroitre la productivité des facteurs de production. Ainsi, la division du travail incite l’augmentation de la production. Selon Smith, la division du travail présente le plus d’avantage dans l’industrie. En effet, d’une part, l’industrie bénéficie plus des progrès technologiques.

D’autre part, les capitaux s’orientent, dans la majorité des cas, vers le secteur industriel. Smith considère que la main invisible oriente les capitaux vers les secteurs à forte valeur ajoutée. L’ouvrier grâce à sa force de travail ajoute de la valeur à la valeur des intrants. Les biens manufacturés présentent donc une valeur plus élevée par rapport aux biens non transformés. Par conséquent, l’entreprise industrielle participe à la création de richesse grâce à la division du travail et l’accumulation du capital. Marx partage la vision de Smith sur l’augmentation de la production grâce à l’accroissement de la productivité du travail. La recherche de la plusvalue par l’entrepreneur ou le capitaliste tend à augmenter le niveau d’investissement en machine au sein de l’entreprise. La plus-value indique la valeur créée par le travail de l’ouvrier salarié en sus de la valeur de sa force de travail et appropriée gratuitement par le capitaliste (VOLKOV et al. ,1981). La force de travail des ouvriers et l’investissement en machine permettent ainsi d’augmenter la productivité de l’entreprise. Cependant, Marx se détourne de la vision de Smith sur le mode de production capitaliste à long terme. Marx prédit l’apparition de crises de surproduction. La recherche de plus-value amène à une surexploitation des ouvriers, d’une part et à une concentration croissante des entreprises industrielles d’autre part. Le salaire des ouvriers n’augmente pas pour autant du fait de l’accroissement du taux de chômage. En effet, les petites entreprises ne pouvant concurrencé les grandes entreprises ou les entreprises en fusion se trouvent obligées de fermer leurs portes. Un grand nombre de travailleurs en chômage intensifie l’armée industrielle de réserve. L’armée industrielle de réserve désigne un excédent de main-d’œuvre c’est-à-dire une partie de la population active se trouvant en situation de chômage. L’intensité de l’armée industrielle de réserve permet de maintenir les salaires au niveau le plus bas. Malgré la hausse de la production, la demande ne suit pas l’offre. Les ouvriers souffrent d’une sous consommation à cause de l’insuffisance de salaire d’où la surproduction. Say (1803) s’oppose largement à cette idée de surproduction. La loi des débouchés avancée par Say suppose l’impossibilité d’une surproduction. La production offre des débouchés aux produits en s’échangeant contre d’autres produits (Say, 1803). Le revenu des agents économiques sert uniquement à acquérir des biens. La monnaie ne constitue qu’un moyen d’échange. Il n’existe donc pas de thésaurisation car l’épargne est destinée à financer l’investissement. L’existence d’un plus grand nombre de producteurs et donc de production facilite les débouchés. Par conséquent, l’offre globale ne peut pas excéder la demande globale. L’existence d’une surproduction globale paraît alors impossible. Say partage l’idée de Smith sur le rôle de l’industrie. La production s’avère nécessaire d’après la loi des débouchés. L’industrie crée de la valeur grâce à la valeur additionnelle provenant de la transformation des matières premières.

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Ainsi, l’industrie favorise l’accroissement de richesse. L’entreprise industrielle est d’autant plus performante avec l’application des innovations et du progrès technique dans le système de production.

Progrès techniques, économies d’échelle et croissance économique

Afin d’assurer un taux de croissance élevé, l’apparition de nouvelles entreprises ne suffit pas. Les entreprises doivent être performantes. Pour cela, elles doivent innover et acquérir de nouvelles technologies.

Sur le plan microéconomique, la nécessité pour une entreprise d’innover peut s’expliquer à partir de deux grandes raisons. La première est qu’elles sont soumises à une rivalité concurrentielle (Porter, 1980). Le phénomène de destruction créatrice désigne le second motif de l’innovation des entreprises (Schumpeter, 1912).La rivalité ou intensité concurrentielle représente l’une des 5 (+1) forces de Porter . Cette rivalité peut se présenter sous forme de concurrence de prix, de nouveaux produits, de services à la clientèle, de garanties…La rivalité est d’autant plus intense que le nombre de concurrents est élevé. La rivalité s’intensifie avec le coût de sortie d’une industrie. Plus les barrières de sortie s’avèrent élevées, plus les entreprises concurrentes montrent une plus grande rivalité. La rivalité s’affaiblit lorsque le coût de remplacement d’un produit est élevé et/ou le degré de différenciation du produit est faible. Il appartient désormais à l’entreprise de devenir plus compétitive en adoptant des choix stratégiques comme l’innovation. Schumpeter (1912) définit cinq (5) types d’innovations :

● création d’un nouveau produit
● nouvelle méthode de fabrication
● innovation dans l’organisation
● conquête d’une nouvelle source d’approvisionnement
● innovation de marchés c’est-à-dire l’ouverture d’un nouveau débouché.

L’innovation désigne la mise en application d’une invention dans l’économie (Schumpeter, 1912). Elle permet au progrès technique d’intégrer le processus de production .Dans un premier temps, l’innovation réussit à l’entreprise bénéficiaire. Cette réussite suscite des imitateurs. Puis il y a diffusion progressive de l’innovation.

Les entreprises bénéficiaires des innovations tendent à faire baisser leurs prix en vue d’être plus compétitives. Cette décision pose des difficultés pour les autres entreprises moins performantes. Les entreprises moins compétitives sont amenées à disparaitre. Des travailleurs se trouvent alors en situation de chômage. Par contre, la performance des entreprises fondées sur des innovations favorise l’apparition de nouvelles activités, de nouveaux secteurs porteurs. Ainsi de nouveaux emplois sont créés. Schumpeter (1912) désigne cette substitution des entreprises vieillies par de nouvelles entreprises fondées par des innovations, par «le processus de destruction créatrice ».

Sur le plan macroéconomique, utilisant le progrès technique dans le système de production, les entreprises favorisent l’augmentation du taux de croissance économique. L’amélioration des techniques de production permet d’augmenter la rentabilité du capital investi. Au lieu d’un rendement décroissant, le capital connait un rendement croissant grâce au progrès technique. L’efficacité productive du capital entraîne l’accroissement de la production.

Le progrès technique explique une grande partie de la croissance. Solow (1956) désigne cette partie comme la part de croissance non expliquée ni par le capital ni par le travail, appelée aussi résidu de Solow. Il considère le progrès technique comme facteur exogène à la croissance économique. Par la suite, Romer (1990) avance l’idée d’endogénéisation du progrès technique. L’investissement en capital humain permet d’endogénéiser une partie du progrès technique. Le progrès technique améliore la productivité du travailleur en rendant un travail non qualifié en travail qualifié. Les gains de productivité des facteurs permettent ainsi aux entreprises de faire des économies d’échelle. Le coût de production unitaire diminue au fur et à mesure que le niveau d’inputs augmente. Le progrès technique, grâce aux gains de productivité favorise alors l’accroissement des richesses. Toutefois, « il ne suffit pas d’introduire de nouvelles technologies pour obtenir des gains de productivité. La capacité d’une économie à capter les gains de l’innovation dépend de la dynamique des industries » (Gaffard, 2006, pp. 245-246). Cette dynamique industrielle dépend des spécificités des technologies acquises par les industries et de leurs conditions d’apprentissage.

Table des matières

Introduction
Chapitre I : Industrialisation et développement dans l’histoire de la pensée économique
Section 1 : Industries et amélioration de bien-être
Section 2 : Vérifications empiriques du lien entre industrialisation et développement : le cas malgache
Section 3 : L’industrialisation des pays du Sud : au détriment de la population
Chapitre II : Echanges internationaux et nouvelle division internationale du travail
Section 1 : Spécialisation et économies d’échelle comme fondements des échanges internationaux
Section 2 : La nouvelle division internationale du travail et le développement des NPI
Chapitre III : Le libre-échange : moteur ou obstacle au développement des pays du Sud ?
Section1 : Principes fondateurs des politiques commerciales des pays en développement
Section 2 : Les enjeux du libre-échange
Conclusion
Bibliographie

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