Problème de définition :
De façon générale, la définition de l’infection des C.V.C n’est toujours pas consensuelle, et il existe un problème de définition en particulier autour des critères diagnostiques. Ceci peut expliquer la disparité avec laquelle les incidences des ILC sont rapportées 44, 53, 54, 55, ce qui a conduit jusqu’à très récemment à méconnaître l’amplitude du risque et de l’impact des différentes mesures préventives 56. Les critères d’analyse principaux de nombreuses études basées sur la microbiologie, sont la colonisation de C.V.C et la bactériémie 56, 54, 57, 58. Partant de là, les définitions basées sur la microbiologie (bactériémie, colonisation), et celles de l’infection locale ou générale sont plus incertaines 29, 54. Or l’évènement le plus grave de cette infection de C.V.C bien que rare, est celui de la bactériémie qui représente l’évènement important en termes pronostiques 54, 57, 59, et correspond à une infection primaire du sang survenant dans le contexte du sepsis clinique 15, 60.
Les C.V.C sont rendus responsables de diverses formes cliniques d’infections. La part de la clinique est très importante dans le diagnostic des ILC, car au-delà de l’apport de la microbiologie comme outil incontournable du diagnostic 5, 49, 50, 55, 61, la pratique quotidienne impose souvent la réunion d’un faisceau d’arguments permettant de statuer sur des cas litigieux des cathéters colonisés des non colonisés, en s’appuyant essentiellement sur la symptomatologie clinique 62, 63. La responsabilité du cathéter dans la survenue de l’infection repose donc sur des critères, dont l’évaluation est rendue difficile faute de méthode diagnostique standard ou de référence17, 64, 65. Le doute clinique en l’absence de critères microbiologiques d’infection, pousse beaucoup de praticiens à recourir au retrait de l’accès vasculaire comme ultime solution pour éviter à leurs malades déjà graves une complication redoutable supplémentaire 61, 62, 66. Malheureusement, trois quart voire plus, des cathéters sont ainsi abusivement retirés 21.
Cet état de fait a poussé beaucoup d’auteurs à se poser la question de l’existence de critères cliniques fiables qui seraient prédictifs d’une colonisation d’un cathéter. Les résultats des études menées ne sont pas unanimes pour prédire une telle situation 65. Ceci concerne aussi bien l’inflammation locale du site d’insertion du cathéter, que le syndrome inflammatoire systémique à l’origine des bactériémies que les hémocultures soient positives ou non 64. L’exemple le plus éloquent est celui du problème de la suspicion d’ILC devant la positivité d’une seule hémoculture isolant le staphylococcus epidermidis en l’absence de signes de sepsis franc 54, 64. Dans beaucoup d’études, les signes cliniques généraux allant de la fièvre modérée à l’état de choc septique ne sont pris en considération que s’ils sont associés à une bactériémie 49, tandis que d’autres auteurs considèrent les infections non bactériémiques 62. Pour certains, l’inflammation locale du point d’insertion du cathéter regroupant, érythème, oedème, douleur et chaleur ou induration du trajet veineux sous cutanée du cathéter, est prise en compte, et peut être associée ou pas à une infection locale manifestée par un écoulement purulent confirmé ou non par les prélèvements bactériologiques. Pour d’autres, l’infection locale peut se limiter à la colonisation du cathéter dans son trajet intracutané et/ou au niveau de son pavillon 64. Aussi, les relier à la présence de micro-organismes sur le C.V.C requiert des analyses microbiologiques 47.
Rappelons que les études prennent habituellement comme définitions pour la septicémie nosocomiale, les critères du Center for Disease Control (CDC) 49. Les signes cliniques requis varient selon l’âge. Après l’âge de 12 mois, on exige au moins un des signes suivants : hyperthermie > 38°, hypothermie <36°, frissons et baisse de la tension artérielle. La difficulté réside aussi dans la distinction entre bactériémie sur cathéter ou infection de cathéter qui demeure souvent difficile à établir cliniquement chez un malade porteur de C.V.C, en raison des signes cliniques non spécifiques et du diagnostic microbiologique qui peut poser problème 13, 67. Le problème est encore plus difficile car la plupart des signes cliniques, en particulier la fièvre et l’érythème, ont une spécificité médiocre du diagnostic d’ILC 47. A l’exclusion du pus au point de ponction, aucun des signes cliniques ne peut affirmer l’infection sur C.V.C. 27, 43, 47, 68. Dans son étude de 1974, Ryan 47 définissait des critères cliniques d’infections superficielles et profondes liées aux C.V.C.
Pour les Infections superficielles, les signes d’inflammation locale au point d’insertion ne prédisent pas de l’infection du cathéter, sauf s’il existe un écoulement purulent et qui ne doit pas dispenser des examens bactériologiques 46. Les signes infectieux profonds associant des signes de tunnelite, voir de cellulite sont d’une grande valeur prédictive positive surtout chez l’aplasique en raison de l’absence de purulence. Une bactériémie à Staphylocoque à coagulase négative (SCN), S.aureus ou Candida sp en l’absence d’un autre foyer infectieux au même germe, possède une valeur d’orientation vers la responsabilité du cathéter 47. Une bactériémie peut être attribuée au cathéter lorsque le même microorganisme est isolé à la culture du segment distal du cathéter en présence d’une hémoculture positive, chez un patient présentant un sepsis clinique sans autre foyer apparent 15, 19, 44, 49. Elle est alors considérée comme associée au C.V.C en l’absence de culture de celui-ci, lorsque les hémocultures positives ne sont pas considérées comme secondaires à un autre foyer à distance. Par ailleurs, la défervescence thermique du malade après le retrait du cathéter suspect, et même en l’absence de culture de celui-ci, doit être considérée comme preuve de responsabilité du cathéter 15, 35, 44, 46.
HISTORIQUE :
La première description d’un cathétérisme veineux central remonte au XVIIIème siècle quand un physiologiste anglais, Stephen Hales, avait introduit un tube de verre dans la jugulaire gauche d’un animal 73. Près de cent ans plus tard, en 1844, Claude Bernard réalise les premiers cathétérismes cardiaques sur un cheval, notant la perforation du ventricule droit par le tube utilisé 74. La première expérimentation humaine décrite est allemande, en 1912, Bleichroider utilise le bras comme voie d’abord. Sept ans auparavant, l’auteur avait déjà pratiqué ce geste sans en publier les résultats qu’il pensait dénués de tout intérêt pratique 75. En 1929, Werner Forsmann désapprouvait les injections intra-cardiaques lors des manoeuvres de réanimation 24, craignant des lésions myocardiques, une tamponnade ou un épanchement pleural, pratiqua sur lui-même un cathétérisme veineux central en s’introduisant un cathéter de 65 cm à partir de la veine antécubital au pli du coude. Puis il est parti à pied jusqu’au service de radiologie afin de visualiser l’extrémité distale radio-opaque du cathéter dans l’oreillette droite76. En 1956 il partagera le prix Nobel de médecine avec Coulard et Richards qui avaient développé le cathétérisme cardiaque. La première série de cathétérisme de longue durée dans laquelle l’auteur note des réactions locales chez certains patients, date de 1949 77. La première utilisation thérapeutique intraveineuse remonte au XIXème siècle, mais l’abord des veines centrales n’a été possible qu’avec l’apparition de cathéters en plastique en 1945; et depuis, grâce à Meyers, le cathétérisme veineux central est une technique couramment utilisée dans le traitement et la surveillance des malades, en anesthésie comme en réanimation. La technique de cathétérisme veineux central s’est développée grâce à l’amélioration des connaissances des descriptions des voies d’abord, des accidents, du matériel utilisé et des techniques de soins 78.
Le cathétérisme de la veine sous-clavière par voie percutanée fut introduite par Aubaniac en 1952. Cette technique gagna sa popularité après eut été montré qu’il s’agissait de la voie d’accès la plus commode pour surveiller la pression veineuse centrale 79. La technique de pose s’est elle aussi améliorée avec l’apparition de la méthode de Seldinger en 1953, qui permet d’utiliser pour la ponction une aiguille de calibre inférieur aux trocarts habituels, dans laquelle est introduit un guide métallique qui servira de tuteur à l’introduction du cathéter 80. En 1961, Shaldon commença à pratiquer des cathétérismes par voie percutanée selon la méthode de Seldinger des vaisseaux fémoraux pour des séances répétées de dialyse, en utilisant des tubes en polytétrafuoroéthylène (Téflon) introduits dans l’artère et la veine fémorale 81. Shaldon améliora peu à peu sa méthode et, en 1964 il se servit de tubes en Téflon avec des extensions en silicone pour la cathétérisation veino-veineuse de la veine fémorale. Cette technique fut longtemps l’accès vasculaire presque exclusif dans ce contexte. L’utilisation de la veine sous-clavière pour hémodialyse a été écrite en premier en 1968 par Erben 82. En 1979, Uldall proposait la cannulation de la veine sous-clavière avec un cathéter double-lumière, qui permettait la mobilisation immédiate et le lever précoce du patient 83. Les premiers cathéters étaient en polyéthylène, résine synthétique flexible et chimiquement inerte. Devant les perforations veineuses qu’il occasionnait, il est remplacé par le polychlorure de vinyle (PVC). Ce dernier est cependant rigide et mal toléré.
Dans les années 80, le polyuréthane, du fait de son faible pouvoir thrombogène, ses excellentes propriétés mécaniques et sa meilleure résistance aux agréssions chimiques et physiques, devient le matériau de choix. Il a par ailleurs, l’avantage d’offrir un prix de revient plus intéressant. Depuis les années 80, la perfusion simultanée de médicaments incompatibles est possible garce à l’apparition des cathéters multi-lumières. Les premiers abords veineux se faisaient presque exclusivement par voie fémorale pour des raisons de facilité et de sécurité : veine de gros calibre dont le trajet est superficiel, ponction aisée et peu dangereuse. Dans les décennies suivantes, les autres voies d’abord sont décrites et développées : les années 50-60 pour la voie sous-clavière, les années 70 pour la voie jugulaire interne et les années 80 pour la voie axillaire. Après les premières expériences enthousiastes dans les années 50, les accidents de la technique sont décrits et de mieux en mieux connus. Actuellement, du fait de l’inacceptable risque septique et thrombotique rattaché à la voie fémorale, elle est réservée aux abords veineux réalisés en urgence, aux cathétérismes de courte durée et aux situations dans lesquelles les autres abords sont contre-indiqués ou en échec. Il est en effet conseillé de ne pas la prolonger au-delà de 48 heures ; pourtant ni l’expérience clinique récente ni l’utilisation de l’accès fémoral en hémodialyse ne permettent de confirmer cette notion. L’accès fémoral possède à priori certains avantages : facilité et rapidité de pose même pour des opérateurs inexpérimentés et absence d’incidents mécaniques graves.
I.-INTRODUCTION |