INDICATIONS ET RESULTATS DES ENDOSCOPIES DIGESTIVES HAUTES
Les endoscopies pathologiques
Les œsophagites peptiques
Elles représentent actuellement l’une des lésions les plus fréquentes à l’EOGD aussi bien dans les pays Nordiques que dans ceux du Sud. Elles sont présentes chez 7,11 % de nos patients ; les formes modérées (classes I et II de SavaryMiller) représentent 85,90 % des cas et les formes sévères (classes III et IV), 14,10 % des cas avec un âge moyen des patients de 48 ans. Nos résultats sont peu différents de ceux rapportés à l’hôpital Aristide Le Dantec de Dakar (prévalence de 7,02 % avec 71,6 % de formes modérées et 28,4 % de formes sévères ; un âge moyen des patients de 46 ans et un sex-ratio de 1,2) [16]. Des prévalences plus basses sont trouvées dans plusieurs autres pays africains comme la Zambie (2,3 %) [48], le Nigéria (4,9 %) [71] ou l’Ethiopie (5,8 %) [90]. En Occident, la prévalence des œsophagites peptiques y est beaucoup plus élevée (11 % au Portugal [9 ], 12,4 % en Italie [100]) en rapport avec l’âge plus élevé de la population générale mais aussi l’obésité qui constitue un facteur majeur de risque de survenue du reflux gastro-œsophagien et probablement d’autres facteurs génétiques non encore complètement élucidés dans la population d’origine caucasienne *95]. 61 Les varices œsophagiennes Elles sont visualisées chez 2,7 % de nos patients. Leur âge moyen est de 42 ans et le sex-ratio de 2,25. Cette jeunesse des patients avec des varices œsophagiennes et leur prédominance masculine ont déjà été rapportées à Dakar [15]. Des fréquences de 1,2 % sont notées au Ghana [38] et 4,9 % au Nigéria [71]. Dans notre série comme dans plusieurs autres séries en Afrique [27,69, 44], ces varices œsophagiennes, de par leur complication à type de rupture, constituent la première cause d’hémorragie digestive haute. Elles compliquent une hypertension portale le plus souvent secondaire à une cirrhose virale B et/ou C mais aussi la bilharziose hépatosplénique dans certains pays en Afrique [21]. Les hémorragies par rupture de varices œsophagiennes posent un problème majeur dans beaucoup de pays africains et justifient ainsi le début du développement de l’endoscopie thérapeutique avec la ligature des varices œsophagiennes qui commence à faire son apparition dans certains centres d’endoscopie digestive en Afrique subsaharienne *15,27]. En Occident, la première cause d’hypertension portale est la cirrhose d’origine alcoolique suivie de la cirrhose virale C.
Les tumeurs œsophagiennes d’allure maligne
Nos patients ayant des tumeurs œsophagiennes d’allure maligne atteignent 1,94 % de l’effectif ; leur âge moyen est de 48 ans et leur sex-ratio de 1,34. Ces tumeurs sont révélées par une dysphagie dans 78,12 % des cas et elles siègent au tiers moyen de l’œsophage dans 53,85 % des cas. Une étude de Dia et al [24+ à l’hôpital Aristide Le Dantec de Dakar trouvait une prévalence de 0,97 % des cancers de l’œsophage confirmés histologiquement avec un âge moyen des patients de 49 ans, un sex-ratio de 1,9 et un siège de la tumeur au niveau de l’œsophage moyen dans 50 % des cas. A l’hôpital Principal de Dakar, Ndiaye et al [66] rapportaient une double population avec un âge moyen de 63,9 ans et un sex-ratio de 4,2 dans la première population composée de patients ayant souvent une intoxication tabagique et/ou éthylique et un âge moyen de 36 ans avec un sex-ratio de 0,8 dans la deuxième population composée de patients sans intoxication tabagique et/ou alcoolique. En milieu chirurgical à l’HOGGY de Dakar aussi, Diop et al [28] trouvaient un âge moyen des patients de 48 ans. Dans les autres pays africains, la prévalence des cancers de l’œsophage en milieu endoscopique est très hétérogène : 0,9 % au Togo [31], 2,3 % en Zambie [48], 2,8 % en Ethiopie [90], 19 % en Ouganda [69] et 27 % au Malawi [93]. Au Sénégal, comme dans les autres pays africains, les patients atteints de cancer de l’œsophage sont des adultes jeunes contrastant avec l’âge moyen des patients dans les pays asiatiques et surtout dans les pays occidentaux où il dépasse souvent 60 ans [81]. Les 25 résultats histologiques qui nous sont parvenus concluent tous à un carcinome épidermoïde. Dia et al à l’hôpital Aristide Le Dantec de Dakar [24] trouvaient 92,1 % de carcinome épidermoïde et dans les autres séries en Afrique aussi il y a une très forte prédominance de ce dernier type de cancer œsophagien dépassant toujours 90 % des cas [75,69]. En Occident par contre, les adénocarcinomes de l’œsophage prédominent largement dépassant parfois 63 même 80 % des cas dans certaines séries [81]. Ces différences dans la répartition des types histologiques sont probablement en rapport avec les facteurs de risque du cancer de l’œsophage qui sont dominés dans les pays occidentaux par le tabagisme, l’alcoolisme et l’obésité avec l’œsophage de Barrett compliquant le reflux gastro-œsophagien, alors que dans les pays du Sud des facteurs nutritionnels et infectieux sont les plus incriminés [41].
Les gastrites
Définies à l’endoscopie par la présence d’une anomalie muqueuse superficielle à type d’œdème, d’érythème, de fragilité, d’érosion, d’exsudat, d’hyperplasie des plis, de nodules, de pseudo-nodules, de visibilité des vaisseaux ou de point purpurique ou hémorragique [25], les gastrites représentent les lésions endoscopiques les plus fréquentes dans notre série avec 12,6 % des cas. Les patients ayant une gastrite ont un âge moyen de 42 ans et leur prédominance est féminine avec un sex-ratio de 0,82. Les indications ayant permis leur mise en évidence sont dominées par les épigastralgies (51,32 %) et leurs aspects les plus fréquents sont représentés par des érosions (40,82 % des cas) et des pétéchies (17,73 % des cas). Les gastrites constituent aussi les premières lésions dans plusieurs séries [2, 48,100] et elles peuvent même atteindre des fréquences de 60 % [45]. Les autres données de la littérature sur les gastrites corroborent nos résultats en ce qui concerne le sex-ratio (prédominance féminine) et les indications de l’endoscopie représentées en grande partie par des épigastralgies *33,55]. A l’histologie, sur les 105 résultats de gastrite qui nous sont parvenus, il s’agissait de gastrite chronique dans 96,43 % des cas et elles étaient liées à Helicobacter pylori dans 72 % des cas. Cette prévalence de l’infection à Helicobacter pylori dans les cas de gastrite est conforme à celles rapportées dans les autres pays africains comme le Nigéria où Jemilohun et al [45] trouvaient 63,5 %.
Les ulcères gastroduodénaux
Les ulcères gastroduodénaux sont trouvés chez 340 de nos patients (prévalence de 10,32 %) avec un siège duodénal dans 59,11 % des cas. A l’hôpital Aristide Le Dantec de Dakar *29], la prévalence était de 12,4 % en 2010; l’âge moyen des ulcéreux duodénaux était de 39 ans et celui des ulcéreux gastriques de 49 ans. A l’hôpital Principal de Dakar, la prévalence était de 10,9 % entre 2007 et 2009 [77]. Nos résultats ont tendance à rejoindre ceux de Diouf et al [29] et ces derniers avaient montré que la prévalence des ulcères avait diminué de moitié dans leur hôpital entre le début des années 1990 et 2010. Au Togo [55], la prévalence était de 15,5 % avec 56,22 % de localisation duodénale et les patients avaient une moyenne d’âge globale de 43,56 ans. La prévalence était de 11,5 % au Nigéria en 2012 [71] et de 14,7 % au Malawi en 2012 [93]. En Occident, des prévalences plus basses entre 3 et 6 % sont actuellement rapportées [37, 49, 100]. Des changements très notables sont apparus dernièrement sur l’épidémiologie des ulcères gastroduodénaux avec en Occident un âge plus élevé des patients ulcéreux, une proportion accrue des ulcères gastriques aux dépend des ulcères duodénaux même si jusqu’à présent ces derniers prédominent, et une prédominance féminine concernant les ulcères gastriques. Ces mêmes constatations ont tendance à être notées dans les pays du Sud comme le nôtre concernant surtout la baisse de la prévalence des ulcères gastroduodénaux et l’augmentation de la proportion des femmes ayant un ulcère gastrique [25]. Globalement, la prévalence de la maladie ulcéreuse gastroduodénale a fortement diminué à travers le monde et cette diminution serait en majeure 65 partie favorisée par l’apparition et la diffusion des traitements éradicateurs de Helicobacter pylori mais aussi très probablement à l’amélioration des conditions de vie des populations.
Les tumeurs gastriques d’allure maligne
Chez nos patients, des tumeurs gastriques d’allure maligne sont trouvées dans 1,15 % des cas ; ils ont un âge moyen de 58 ans et leur sex-ratio est de 1,44. Les manifestations révélatrices sont dominées par les épigastralgies (34,37 %), les hémorragies digestives hautes sous forme d’hématémèse (21,87 %) et le syndrome de sténose pyloro-duodénale (18,75 %). Les formes ulcérobourgeonnantes prédominent et les adénocarcinomes représentent 92,1 % des cas. Au Maroc aussi [61] les patients ayant des tumeurs gastriques malignes ont un âge moyen de 58 ans avec une nette prédominance masculine (72 %) et une localisation préférentielle antro-pylorique avec un aspect ulcéro-bourgeonnant. Les prévalences dans les autres pays africains sont très variables (2,1 % au Ghana [38], 5,3 % en Zambie [48] et 6,6 % au Nigéria [71]). Comme chez nos patients, à l’histologie, les adénocarcinomes constituent la grande majorité des tumeurs gastriques malignes [61]. L’incidence des cancers gastriques semble croitre en Afrique plus particulièrement au sud du Sahara [10] même si l’Afrique est considérée jusqu’à présent comme une région à faible risque de cancer gastrique contrairement à l’Europe Occidentale et à l’Amérique du Nord où le risque est moyen. Les incidences de cancer gastrique les plus élevées sont trouvées au Japon, en Chine, en Amérique du Sud et en Europe du Sud et de l’Est *8]. Les facteurs incriminés dans la survenue de ces cancers gastriques en Afrique ne sont pas complètement élucidés mais ils incluent en grande partie l’infection à Helicobacter pylori (avec les gènes de virulence Cag A et Vag A), l’infection à Epstein-Barr virus et des facteurs alimentaires (nitrosamines, salaison, déficit en vitamine A, en manganèse, en fruits et végétaux) [62]. 66 CONCLUSIO
INTRODUCTION |