Indépendance de la banque centrale

Le rôle de l’Etat dans la vie économique a toujours été un des grands thèmes de la théorie économique. Si les libéraux ont plaidé pour un Etat minimal (proposition Classique) et pour un Etat veillant au bon fonctionnement des marchés (conception Néoclassique), la nécessité d’une intervention de l’Etat dans la vie économique n’est mise en évidence qu’en 1936 par Keynes dans son célèbre ouvrage « Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie ». En effet, la théorie de Keynes, contrairement à celle des Classiques (Keynes ne fait aucune différence entre Classiques et Néoclassiques), que lors d’une crise, l’économie ne peut être relancée que par une intervention extérieure. Cette intervention est faite par l’Etat par le biais de ses instruments dans les principaux sont la politique budgétaire et la politique monétaire, cette dernière est celle qui est recommandée par Keynes (en effet, chez les keynésiens, la monnaie n’est pas neutre). Les politiques économiques keynésiennes sont conjoncturelles, appelées aussi politiques économiques discrétionnaires, c’est-à-dire que l’Etat utilise ses instruments en fonction de la situation économique qui prévaut et/ou en fonction des objectifs recherchés. A l’origine, les politiques économiques ont été utilisées pour permettre le plein-emploi (chez Keynes, l’économie est en équilibre de sous – emploi). Cependant, avec l’étude économétrique menée en 1958 par Phillips, complétée par Samuelson et Solow en 1960, il s’est avéré qu’il existe une relation décroissante entre taux de chômage et taux d’inflation (cette relation est connue sous le nom de Courbe de Phillips). Le problème central des keynésiens est alors passé de la recherche d’un plein emploi vers un arbitrage entre inflation et chômage, les politiques économiques sont toujours conjoncturelles et les instruments principaux sont toujours la politique monétaire et la politique budgétaire.

Les approches théoriques de l’indépendance 

Il existe cinq approches théoriques qui justifient l’indépendance de la banque centrale dont quatre sont en relation avec le célèbre article de Kydland et Prescott . Dans cet article, les auteurs exposent les méfaits d’un pouvoir discrétionnaire entre les mains du gouvernement. Le raisonnement de Kydland et Prescott a pour point de départ l’hypothèse d’un taux de chômage naturel et de l’inexistence d’un arbitrage à long terme évoqués par Friedman, cela devrait alors inciter le gouvernement à poursuivre uniquement un objectif de lutte contre l’inflation. Or d’après Kydland et Prescott, le gouvernement est toujours tenté de résorber ce chômage naturel. Le raisonnement est le suivant : sachant que le coût marginal d’une augmentation de l’inflation est peu élevé pour le gouvernement, celui-ci est alors incité à augmenter l’offre monétaire de manière à augmenter la production au delà du seuil naturel. Le gouvernement annonce alors un objectif d’inflation ?* mais comme les agents économiques savent que ce dernier dispose d’un pouvoir discrétionnaire (donc peut ne pas tenir ses engagements), ils anticipent un taux d’inflation supérieur à ?* et de ce fait, le taux d’inflation qui prévaut réellement est supérieur à ?* : il en résulte alors un biais inflationniste. Kydland et Prescott concluent donc ainsi : l’incohérence temporelle due à l’arbitrage que les autorités doivent faire entre le chômage et l’inflation entraîne un biais inflationniste. De cette conclusion, les économistes Néolibéraux ont proposé une politique de stabilité monétaire pour parer au dilemme inflation-chômage, de nombreux auteurs se sont donc penchés sur la question et chacun, selon leur point de vue, en a proposé une solution. Dans cette partie, nous allons aborder les solutions de Friedman, de Barro et Gordon, de Rogoff et de Walsh tout en essayant de dégager pourquoi l’indépendance de la banque centrale (ou autorité monétaire) serait souhaitable.

Il existe une cinquième théorie qui justifie l’indépendance de la banque centrale, celle de la théorie du cycle électorale. Cette dernière n’entre pas dans le cadre d’un débat sur le pouvoir discrétionnaire du gouvernement mais est apportée par une autre école : celle du Public Choice. Nous allons alors commencer par évoquer cette théorie qui, chronologiquement, a été évoquée les quatre autres.

La théorie du cycle électoral (Nordhaus, 1975) 

Nordhaus est un auteur qui appartient à l’école du « Public Choice ». C’est un courant de pensée apparu dans les année soixante sous l’impulsion de Buchanan et de Tullock. Avant de voir la théorie de Nordhaus , nous examinerons brièvement l’école de pensée à laquelle il appartient pour bien comprendre le contexte de sa théorie.

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L’Ecole du « Public Choice » (1960) 

Longtemps, nous avons cru que les politiciens prenaient leurs décisions afin de satisfaire pleinement leurs électeurs ou électeurs potentiels. D’ailleurs dans les universités, les leçons sur les politiciens décrivent comment est – ce – qu’ils devraient agir et non comment ils agissent réellement et c’est par rapport à ses leçons que les citoyens identifient leurs décideurs. De même, certaines théories économiques justifient l’idée d’un Etat bénévole comme dans l’Economie du bien être où l’Etat est considéré comme une entité bénévole permettant une allocation des ressources au sens de Pareto.

C’est ici qu’interviennent les théoriciens du Public Choice, selon eux, les politiciens, les fonctionnaires et les bureaucrates agissent exactement comme tous les autres agents économiques : ils cherchent à maximiser leur utilité, c’est l’hypothèse de base de la théorie du Public Choice. Cela implique que lorsqu’ils prennent une décision, ils pensent, totalement ou en partie, à leurs propres intérêts.

Les théoriciens du Public Choice tentent d’appliquer la théorie néoclassique aux comportements politiques des élus, mais aussi des électeurs, avec comme objectif d’expliquer ces comportements par la stricte recherche de l’intérêt personnel tout en proposant des règles institutionnelles grâce auxquelles ils s’épanouiront au maximum. Ils tentent de proposer une théorie du marché politique et une conception de la bureaucratie qui débouchent sur une critique de l’omniprésence de l’État.

Le principal problème à déterminer est de savoir la possibilité d’application d’un système proche du marché au processus politique. Comme nous l’avons déjà décrit plu haut, l’hypothèse de base de la théorie du Public Choice est que les gouvernements sont des collectivités qui cherchent à maximiser leur utilité—les officiels dans le gouvernement, les représentants élus, les agences de gouvernement et les groupes d’intérêt. Les théoriciens du Public Choice sont plus concernés par le cadre institutionnel dans lequel les budgets sont choisis que par les critères d’efficience du budget.

La théorie du cycle électoral 

a) La théorie
Dans son article Nordhaus (1975) s’est penché sur l’opportunisme des responsables politiques en matière de politique économique, c’est-à-dire quand leurs objectifs vont à l’encontre du bien- être des citoyens. Nordhaus redoutent que les hommes politiques utilisent les politiques macroéconomiques pour poursuivre des objectifs électoraux. Si les citoyens votent sur la base des conditions économiques qui prévalent au moment des élections, les hommes politiques sont tentés de mener des politiques susceptibles de générer des conditions économiques favorables à l’approche des élections. On pourrait, par exemple, imaginer qu’à la veille d’élections importantes, le gouvernement suscite une récession immédiatement après avoir pris sa charge pour réduire l’inflation et pouvoir ensuite stimuler l’économie à l’approche des élections : de cette manière, il pourrait alors présenter un bilan positif car les taux d’inflation et de chômage seraient tous les deux faibles. Mais les conséquences de ces actions seraient néfastes dans le long terme.

b) La justification de l’indépendance de la banque centrale
Ainsi, dans ce contexte, il devient alors nécessaire d’avoir une autorité monétaire indépendante car si une banque centrale dépend d’un gouvernement qui dépend lui-même des échéances électorales (conception d’économie publique, « public choice »), elle risque, pour des raisons de stratégies politiques, d’abandonner son premier objectif (la lutte contre l’inflation) et de perdre ainsi toute crédibilité.

Table des matières

Introduction
Partie I : Les approches théoriques de l’indépendance
Chapitre 1. La théorie du cycle électoral (Nordhaus, 1975)
Chapitre 2. La règle (Friedman, 1968)
Chapitre 2. La réputation (Barro et Gordon ,1983)
Chapitre 3. Le conservatisme (Rogoff, 1985)
Chapitre 4. Le contrat (Walsh, 1995)
Partie II : Le concept de l’indépendance de la banque centrale
Chapitre 1. La banque centrale : son histoire, son indépendance
Chapitre 2. Indépendance de la banque centrale : définition, conséquences et limites
Chapitre 3. Exemples d’indépendance
Partie III : L’indépendance de la banque centrale dans le cas malgache
Chapitre 1. Historique jusqu’à l’indépendance
Chapitre 2. L’indépendance est –elle justifiée ?
Chapitre 3. L’indépendance est-elle réelle ?
Conclusion
Bibliographie
Annexe

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