INCIDENCE DE LA DEMENCE POST-ACCIDENT VASCULAIRE CEREBRAL
HISTORIQUE ET DÉFINITION DE LA DEMENCE
HISTORIQUE
Au XVIIIe siècle, la plus grande partie des démences liées à l’âge était considérée comme d’origine vasculaire [21]. Le démembrement des différentes causes de démence semble débuter à la fin du XIXe siècle. Pour les démences vasculaires(DV), les termes de « folie artériosclérotique » ou « psychose artérioscléreuse » avaient été retenus par Kraepelin dans son Traité de psychiatrie de 1910. Malgré la description par Alzheimer de la maladie qui porte son nom, et la publication du cas d’Augusta D. en 1907 qui ne comportait aucune lésion vasculaire, l’idée que les atteintes vasculaires cérébrales étaient responsables de la plupart des démences du sujet âge a perduré : l’atrophie corticale du sujet âgé était réputée due à une hypoxie progressive liée au déclin de la perfusion cérébrale. La maladie d’Alzheimer (MA) était quant à elle classée par Kraepelin dans les démences préséniles . Ces concepts sont restés prévalents jusqu’aux années 1970 où Hachinski décrivit la démence par infarctus multiples
DEFINITIONS
Démence
La démence (du latin demens) est une réduction acquise des capacités cognitives suffisamment importante pour retentir sur la vie de la personne et entraîner une perte d’autonomie. Les fonctions cérébrales particulièrement atteintes peuvent être la mémoire, l’attention, et langage. Dans les stades évolués de la démence, les personnes atteintes peuvent être désorientées dans le temps (ignorant le jour, la semaine, le mois ou l’année), et dans l’espace (ignorant où ils se trouvent), ne plus reconnaître des personnes familières, ou encore avoir des difficultés pour communiquer. Certains patients présentent aussi des troubles du comportement.Le terme de démence en médecine est un terme technique qui ne doit pas être confondu avec la signification commune de ce terme dans le langage courant (folie furieuse). Elle est classiquement définie comme un affaiblissement psychique profond, global et progressif qui altère les fonctions intellectuelles basales et désintègre les conduites sociales. Elle atteint la personnalité dans sa structure d’être raisonnable », c’est-à-dire dans le système de ses valeurs logiques, de connaissances, de jugement et d’adaptation au milieu social .La démence a d’abord été définie par son caractère de déchéance progressive, incurable. Les progrès thérapeutiques depuis le début du 20ème siècle (par exemple avec traitement de la paralysie générale) ont permis de relativiser cette image. Il n’en reste pas moins que « spontanément » la démence évolue vers une aggravation progressive et la déchéance psychique terminale. Selon l’OMS la démence est : « Altération progressive de la mémoire et de l’idéation, suffisamment marquée pour handicaper les activités de la vie quotidienne, apparue depuis au moins six mois et associée à un trouble d’au moins une des fonctions suivantes : langage, jugement, calcul, altération de la pensée abstraite, praxie, gnosie ou modification de la personnalité »
Démences vasculaires
Dans les années 1990, des critères diagnostiques s’inspirant de ceux développés pour la maladie d’Alzheimer furent proposés pour la démence vasculaire : NINDS-AIREN, ADDCT, DSM-IV, ICD (CIM)-10 [27]. Au cours de la dernière décennie, le concept de déficit cognitif vasculaire fut proposé par V. Hachinski . Ce concept est largement accepté et reflète beaucoup mieux ce syndrome hétérogène aux étiologies et aux mécanismes vasculaires multiples. Il englobe les lésions cérébrales ischémiques, hémorragiques, anoxiques, hypoxémiques, hypotensives et hypertensives [28]. Le terme de démence post-AVC regroupe toutes les démences diagnostiquées après un AVC, quels que soient le mécanisme sous-jacent et le délai. Les 8 démences post-AVC sont fréquentes :si 10% des patients avaient une démence antérieure à l’AVC, 10% développent une démence au décours rapide d’un premier AVC et plus d’un tiers des patients sera dément après une récidive d’AVC. La démence a un retentissement fonctionnel et une influence péjorative sur le pronostic. Le risque de démence post-AVC dépend des caractéristiques du patient, de l’AVC et celles radiologiques. Différents facteurs de risque de démence post-AVC ont été identifiés : cependant, à ce jour, aucun score prédictif n’a été élaboré et validé. Par ailleurs, si la démence s’installe le plus souvent rapidement au décours de l’AVC, le risque de démence s’installant à distance reste non négligeable, rendant nécessaire le suivi prolongé des patients ayant présenté un AVC. Différents outils sont disponibles pour la détection et le diagnostic des démences post-AVC . L’intérêt des différents tests ou batterie de tests disponibles dépend du but recherché, du fait de sensibilité et de spécificité variables, et de temps de passation des épreuves très différents .La conceptualisation récente de la démence vasculaire implique une détérioration des fonctions cognitives liée à une occlusion des artères cérébrales ainsi qu’à une perte de tissu cérébral, relevant d’un ensemble hétérogène de mécanismes comme les infarctus multiples, l’infarctus unique de grande taille dans un territoire cérébral spécifique, l’état « lacunaire » et l’encéphalopathie sous-corticale de Binswanger, les syndromes d’hypoperfusion cérébrale et l’hémorragie cérébrale [37]. C’est bien pour rendre compte de la grande variété des mécanismes physiopathologiques à l’origine des lésions vasculaires que le terme de démence vasculaire est de plus en plus largement accepté dans le courant des années 1980 [21]. Plus récemment, l’emploi du terme de démence vasculaire s’impose comme étant le plus approprié pour décrire les syndromes cliniques comprenant un dysfonctionnement intellectuel acquis, dont le début peut être directement corrélé avec l’apparition de lésions vasculaires cérébrales à la neuroimagerie, qu’elles soient de nature ischémiques ou hémorragiques
ÉPIDÉMIOLOGIE
PREVALENCE
La prévalence des démences, trois mois après un infarctus cérébral, chez des patients de plus de 60 ans est neuf fois supérieure à ce qu’elle est chez des témoins [3,13]. Même après exclusion des patients qui ont déjà les critères de démence trois mois après un infarctus cérébral, le risque relatif de survenue d’une démence dans les quatre ans est de 5,5 [15]. Toutefois, la présence de lésions vasculaires dans le cerveau d’un patient présentant une démence n’indique pas obligatoirement que la pathologie vasculaire est la seule cause de démence [3]. Le diagnostic clinique et neuropathologique de démence vasculaire reste difficile malgré les critères du NINDS-AIREN qui exigent la mise en évidence d’un état démentiel, d’une pathologie cérébro-vasculaire et d’une relation de cause à effet entre les deux
INCIDENCE ET DÉLAI DE SURVENUE
Les AVC constituent une des causes majeures de démence dans le monde. L’incidence de la démence post-AVC est très variable selon le mode de recrutement des patients. En population générale elle est de 7% à 1 an, 15% à 15 ans, 48% à 25an. En milieu hospitalier elle est de 16% à 1an, 28% à 3 ans et 32% après 5 ans) [28]. Après un AVC, un sujet a deux fois plus de risque d’avoir une démence qu’avant l’AVC. Ainsi à Madrid en 2000 déjà, on a observé 30% de cas de démences dans les 3 mois qui ont suivi un AVC, dans une cohorte de 65 patients [5]. En France 20,4% des patients victimes d’un AVC présentent une démence dans le mois suivant l’évènement dans une étude prospective Dijonnaise réalisée chez 3948 cas d’AVC de 1985 à 2008
FACTEURS PREDICTIFS DE LA DEMENCE POST-AVC
Les facteurs prédictifs de démence post-accident vasculaire cérébral sont l’âge, la sévérité des anomalies de la substance blanche, l’atrophie cérébrale, une localisation hémisphérique gauche des infarctus et le volume total d’infarctus 10 cérébral . La pathologie vasculaire ne peut être considérée comme cause directe de la démence que dans la moitié des cas. Les facteurs de risque vasculaires ne favorisent pas seulement la survenue de la démence vasculaire, mais aussi celui de la maladie d’Alzheimer. C’est le cas notamment de l’artériosclérose, de la sténose carotidienne, de la fibrillation auriculaire, de l’hypertension artérielle, du diabète sucré, de l’hypercholestérolémie…
PHYSIOPATHOLOGIE
L’accent mis sur l’identification des anomalies cérébrales structurelles consécutives à la souffrance ischémique représente indéniablement un tenant important qui influence tant la recherche d’outils diagnostique que la recherche de validations des corrélations clinicopathologiques. En effet, une multitude de lésions vasculaires (notamment de type microvasculaire et lacunaire) sont observées dans les cerveaux vieillissants. Le lien causal de ces lésions avec une détérioration cognitive est loin de faire l’unanimité. Le débat sur le type de lésions vasculaires capables de causer une démence n’est pas que théorique, mais comporte un important enjeu thérapeutique et de prévention .Les patients qui ont présenté un accident vasculaire cérébral ont un risque accru de développer une démence. Trois raisons théoriques peuvent expliquer la survenue d’une démence après un accident vasculaire cérébral : 1) elle peut être la conséquence directe des lésions cérébrales d’origine vasculaire ; 2) elle peut être due à l’association de lésions dégénératives orientant vers une démence à un stade préclinique : certains états démentiels post-accident vasculaire cérébral sont progressifs ; l’âge et le génotype APOE e4 sont associés à un risque accru de la maladie comme l’ischémie cérébrale, et une vasculopathie est souvent associée à la maladie 3) les anomalies de la substance blanche peuvent aussi contribuer au déclin cognitif car elles sont associées à un risque accru de récidives vasculaires et peuvent induire des perturbations neuropsychologiques .. Finalement, la sommation de lésions vasculaires, d’anomalies de la substance blanche et de certaines lésions d’atrophie en rapport avec la mort neuronale peut contribuer à la survenue de la démence. Le terme de « démence post-accident vasculaire cérébral », qui ne préjuge pas de la nature des lésions, est donc probablement plus approprié que celui de démence vasculaire.
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