Importance écologique des champignons et mode de vie

Importance écologique des champignons et mode de vie

Notion de niche écologique

Les niches écologiques se définissent en fonction du rôle d’une espèce ou d’une population d’espèces au sein d’un habitat ou d’un écosystème (Després, 2012). Selon Dajoz (1971), la niche écologique désigne l’ensemble des conditions environnementales (biotiques et abiotiques) telles qu’une espèce donnée peut former une population viable (Sandon, 2009). La propagation d’une espèce fongique s’avère alors tributaire, de ses adaptations spécifiques, des caractéristiques floristiques, édaphiques et topographiques du site, ainsi que de la distribution géographique et, selon le cas, de l’état de santé des hôtes (partenaires ou organismes parasités). Comme l’ensemble de ces facteurs varie au fil du temps, les espèces se succèdent au fur et à mesure du vieillissement des forêts, du réchauffement climatique, de l’apparition de prédateurs, de plantes ou d’insectes introduits (Després, 2012). 

Modes de vie

Les champignons sont des organismes absorbotrophes et hétérotrophes avec une grande diversité de modes de nutrition. Ils peuvent vivre soit en saprotrophes se nourrissant de déchets d’organismes morts (en provenance de plantes et d’animaux, y compris de champignons) ou de produits de leurs activités soit être parasites de plantes ou d’animaux vivants, soit vivre en symbiose avec d’autres organismes : plantes autotrophes ou avec des termites (Kane, 2014). Certains champignons se nourrissent de matière organique vivante (mutualistes et même certains prédateurs…), d’autres peuvent vivre en endophytes et peuvent ne pas être perceptibles sauf en cas de fructification. Cette étude se limite aux champignons dont la nutrition est liée aux plantes et aux termites (c’est-à-dire excluant les mutualistes, les commensaux et les pathogènes d’animaux).

Les saprophytes

Ils sont des champignons qui se nourrissent de substances organiques inertes. Les champignons lignivores attaquent le bois sur pied, ils fragilisent les arbres âgés ce qui facilite parfois leur chute sous l’action de certains facteurs du milieu : vent, pluies torrentielles. Avec d’autres organismes décomposeurs (saproxyliques), ils permettent d’éviter un étouffement de l’écosystème par accumulation de déchets ligneux en recyclant les matières ligneuses, cellulosiques (Balezi Zihalirwa, 2013). En effet le bois est un polymère complexe (lignine + cellulose + hémicellulose). Ainsi, le type de pourriture diffère selon les composés dégradés, il existe une pourriture blanche et une pourriture brune. La pourriture blanche (fibreuse) concerne la majorité des décomposeurs de bois, en particulier sur feuillus. Dans ce cas les trois composantes sont dégradées, souvent en proportions comparables. La pourriture brune (ou cubique) est provoquée par environ 10% des décomposeurs de bois, dont 80% viennent sur les conifères. Ils dégradent seulement la cellulose et l’hémicellulose. Les résidus donnent alors un humus riche en lignine qui est favorable à l’entretien des forêts de conifères et à la formation de mycorhizes (Kane, 2014).

Les champignons parasites

Rinaldi (1989) et Calvez (2009) estiment qu’environ 20% des espèces de champignons connues sont capables de vivre en parasites obligatoires ou facultatifs (Sidybé, 2014). Une interaction au bénéfice d’un partenaire et délétère pour l’autre (+/-), inclut le parasitisme. Les champignons parasites provoquent des maladies plus ou moins graves et peuvent entraîner la mort de leur hôte. Ainsi, ils utilisent plusieurs mécanismes : selon Campbell (1995), ils possèdent en général des hyphes modifiés appelés suçoirs ou haustoria. Ces suçoirs absorbent les éléments nutritifs en pénétrant dans les tissus de leur hôte cité par Kane (2014). Dans le cas où la relation est bénéfique pour la plante comme Monotropa uniflora qui est une plante myco-hétérotrophe obligatoire, le parasitisme affecte des champignons de la famille des Russulaceae (Taudière, 2018).

Les champignons symbiotiques

La symbiose mycorhizienne Un grand nombre de champignons vivent en symbiose avec les végétaux et cette biodiversité issue de cette relation mycorhizienne favorise la protection des végétaux contre les polluants (métaux lourds), la croissance des forêts naturelles et des plantations commerciales dans les zones tempérées et tropicales. Certains métaux lourds comme le plomb, le nickel, le cadmium etc, sont toxiques pour la plante. Ces métaux s’accumulent dans la biosphère et sont non décomposables constituant ainsi un danger pour le vivant. Le passage en grande quantité de ces métaux dans l’arbre est bloqué par le manteau fongique créé autour de la radicelle par le mycélium du champignon jouant ainsi le rôle de filtre (Eyi Ndong, 2009). Les mycorhizes à arbuscules résistent à leur toxicité même à forte concentration. Par exemple, Chen et al (2007) stipulent que la croissance de différentes plantes sur des résidus miniers contaminés en cuivre est améliorée lorsqu’elles sont colonisées par Glomus mosseae cité par (Redon, 2009). Cependant, la fixation de ces métaux sur le mycélium peut provoquer leur accumulation dans les sporophores les rendant ainsi impropres à la consommation. Ces champignons sont des témoins efficaces de leurs biotopes sur base de la mycocénologie, de la répartition géographique des espèces (chorologie) et de la réponse des espèces aux différents stress environnementaux (anthropiques, chimiques…). Par conséquent, ce phénomène leur confère le rôle de bio-indicateur sur le site considéré. Cette biodiversité possède une valeur intrinsèque en permettant 10 la vie de se maintenir et de s’épanouir. D’après Egli & Brunner (2002), certains champignons synthétisent des antibiotiques qui augmentent le pouvoir défensif des plantes contre les bactéries pathogènes du sol. Ils forment également des phytohormones comme l’auxine, la gibbérelline, la cytokinine et l’éthylène qui favorisent la croissance des plantes (Eyi Ndong, 2009). Les champignons mycorhiziens vivent en symbiose avec leurs arbres hôtes. Pour leur développement, ils puisent les substances hydrocarbonées (sucres complexes) dans les tissus racinaires de leurs hôtes. En contrepartie, ils leurs fournissent le précieux azote qu’ils captent dans l’atmosphère du sol, le phosphate qu’ils extraient aussi du sol. Ils apportent à l’arbre des oligo-éléments indispensables puisés dans le milieu (cuivre, zinc…) ; en plus de cela, ils offrent par leurs filaments mycéliens un spectre plus large au système racinaire de l’hôte mobilisant ainsi l’eau captée au profil de l’hôte (Bâ et al., 2011). La relation champignon – termites Les champignons du genre Termitomyces constituent un groupe monophylétique des champignons lamellés. Le nombre de Termitomyces décrites est de 30 espèces seulement (Osiemo et al., 2010) et elles sont répertoriées dans la 10e édition du dictionnaire des Champignons (Karun & Sridhar, 2013). Les Termitomyces vivent en symbiose avec des termites (Isoptera) de la sous-famille des Macrotermitinae (Karun & Sridhar, 2013). Ce type de symbiose semble être le résultat d’un processus de coévolution depuis le début du tertiaire avec une origine forestière unique sous la pluie africaine (Okhuoya et al., 2010). Suivant les propos de Rouland-Lefevre et al. (2002) ; Nobre & Aanen (2012), les cycles de vie et les subtilités de la coévolution entre les termites et les Termitomyces (phases asexuée et sexuée) sont controversés (Karun & Sridhar, 2013). Martin & Martin (1978) ; Rouland-Lefevre (2000) ; Hyodo et al. (2003) soutiennent que les champignons aident à la digestion de macromolécules complexes (cellulose, l’hémicellulose et la lignine) (Osiemo et al., 2010). Cette théorie est confirmée par (Rouland-Lefèvre et al., 2006). En effet, les peignes de champignons sont logés dans des chambres spécialement construites, soit à l’intérieur d’un monticule, soit dispersées dans le sol. Ils contiennent des spores viables de plus de 20 espèces de champignons digérant le bois. Cependant, seules les spores de Termitomyces germent et donnent une couche dense constituée d’hyphes1 . Les termites travailleurs qui se nourrissent de matériel végétal sec produisent des granulés fécaux (matières fécales primaires) (Karun & Sridhar, 2013) qui sont ajoutés en permanence au sommet du peigne et un mycélium fongique se développe rapidement dans le substrat nouvellement ajouté. Après quelques semaines, le champignon commence à produire des structures végétatives, des nodules (qui sont des champignons non mûrs modifiés) (Aanen et al., 2007) ainsi ils deviennent riches en azotes. Ces peignes de mycéliums  fongiques, en sénescence, servent de source de nourriture supplémentaire pour les termites (RoulandLefèvre et al., 2006) ; (Karun & Sridhar, 2013). Par conséquent les termites absorbent des enzymes lignocellulolytiques d’origine fongique et bactérienne (Karun & Sridhar, 2013) en plus de cela, le rapport C / N diminue. En outre, Nobre & Aanen (2012) estiment que ce processus est similaire à celui d’une panse d’un ruminant et le qualifient de rumen externe. Ils ont aussi soutenu que les termites collectent des spores asexuées de champignons (Karun & Sridhar, 2013).

Les champignons endophytes

Les endophytes sont des organismes qui vivent au moins pour une partie de leur cycle de vie à l’intérieur des tissus végétaux sans créer de maladie apparente. Ils se distinguent selon les organes qu’ils habitent (par exemple : feuilles (phyllosphère), fruits, racines (rhizosphère) en passant par les tiges, les fleurs et l’écorce) et selon le groupe fonctionnel (Rodriguez et al., 2009). Une multitude de micro-organismes, selon Hardoim et coll (2015) principalement les Dothideomycètes (Ascomycètes), les Sordariomycètes (Ascomycètes), les Agaricomycètes (Basidiomycètes) et les Gloméromycètes vivent à l’intérieur des tissus végétaux (Taudière, 2018). Leur écologie et leur évolution sont encore très mal comprises. Malgré cela, il est connu que les communautés de champignons endophytes foliaires sont structurées par l’environnement local (pluviométrie, température moyenne, feu, teneur en carbone foliaire, espèces végétale, peuplement végétal, âge des individus), en particulier via la plante hôte et par leur capacité de dispersion (Taudière, 2018). D’après Redin & Carris (1996) ; Raven et al. (2007), ils procurent à la plante une longévité accrue, une meilleure activité photosynthétique, des alcaloïdes toxiques et d’autres molécules qui jouent un rôle contre la prédation et une meilleure résistance à la sécheresse (Kane, 2014).

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