Pronostics à posteriori
Pronostic clinique a posteriori
Le pronostic clinique a posteriori repose, dans notre étude, sur les réponses obtenues par questionnaire: les conclusions du vétérinaire rapportées par le propriétaire lorsqu’il y a eu un suivi, et l’avis des propriétaires sur la locomotion de leur cheval suite au diagnostic de FTI.
Sur les vingt chevaux pour lesquels nous disposons de renseignements, un seul cheval sur les neuf réexaminés par un vétérinaire présentait une gêne persistant à l’examen dynamique. 87,5% des chevaux réexaminés par un vétérinaire ont donc un pronostic clinique a posteriori favorable.
Cependant, ces informations sont données par les propriétaires, ce qui implique un certain nombre de biais. Tout d’abord, vu l’étendue de la période d’étude, certains chevaux ont été examinés au CIRALE plus de dix ans auparavant : les souvenirs des propriétaires peuvent donc être imprécis. Ensuite, certains cas sont issus d’élevage dans lesquels de nombreux chevaux sont exploités, et pour lesquels les propriétaires n’ont pas forcément de souvenirs indubitables. Enfin, en fonction du degré de compréhension des informations par les propriétaires sur les conclusions du vétérinaire, l’information peut être plus ou moins erronée. Par conséquent, la fiabilité des résultats du suivi vétérinaire transmis de mémoire par les propriétaires est à remettre en question.
Sur les vingt chevaux (quinze chevaux qui présentaient une expression clinique aiguë liée à leur FTI) pour lesquels nous disposons de renseignements quant à l’appréciation du propriétaire sur persistance éventuelle d’une gêne: dans 65% des cas le cheval ne présente aucune gêne (53%), dans 30% des cas une gêne perceptible (40%) et dans 5% des cas une boiterie nette (7%).
Pour les chevaux de CSO, les propriétaires estiment que dans 60% des cas leur cheval ne présente aucune gêne (pronostic clinique a posteriori favorable), et dans 40% des cas une gêne perceptible (pronostic clinique a posteriori réservé).
Les pronostics cliniques a posteriori, s’appuyant sur l’estimation de la locomotion des chevaux par les propriétaires, semblent donc légèrement meilleurs pour les chevaux de CSO.
Cependant, en plus des biais évoqués ci-dessus, nous pouvons ajouter celui du plus ou moins grand amateurisme des propriétaires (notamment préjudiciable dans l’observation de leurs chevaux) conduisant à une remise en question des résultats.
Afin de permettre un suivi plus fiable, il faudrait recommander un examen de contrôle de la lésion par le vétérinaire traitant, et même proposer un examen clinique de suivi directement au CIRALE avec un tarif attrayant, afin d’objectiver au mieux l’évolution de la présentation clinique des chevaux, sur un nombre de chevaux le plus grand possible.
Pronostic lésionnel a posteriori
Le pronostic lésionnel a posteriori est établi à partir du contrôle échographique de la FTI des chevaux de l’étude. Parmi les huit chevaux réexaminés par un vétérinaire, seuls deux chevaux ont subi un examen échographique et un cheval a subi un examen radiographique. Ces examens ont révélé une cicatrisation satisfaisante de la FTI.
Cela étant, le nombre très faible de suivi par imagerie nous interdit de formuler une quelconque conclusion quant au pronostic lésionnel. Surtout si l’on considère les biais évoqués au paragraphe précédant concernant la véracité des informations transmises par les propriétaires par rapport aux conclusions du vétérinaire.
Nous pouvons avancer trois raisons expliquant le faible suivi vétérinaire des chevaux, et en particulier le faible suivi par imagerie. Tout d’abord, l’élément essentiel dans la cicatrisation de la fracture étant la mise au repos prolongée, certains chevaux sont laissés au pré, sans volonté de la part des propriétaires d’engager davantage de frais. Ensuite, vingt-et-un chevaux de l’étude présentaient des fractures d’aspect échographique ancien qui ne nécessitaient pas d’être l’objet de nouveaux examens d’imagerie. Enfin, l’imagerie de la TI n’étant pas une technique couramment utilisée, les vétérinaires traitants n’ont peut-être pas souhaité réaliser ce genre d’examen par manque d’expérience et absence d’image de référence.
Cependant, sur les vingt-et-un chevaux qui présentaient des fractures d’aspect échographique ancien, trois chevaux manifestaient des signes cliniques directement en rapport avec la FTI, et six présentaient des signes cliniques en rapport avec la FTI conjointement à d’autres affections. Soit neuf chevaux qui auraient mérité un examen clinique de contrôle par un vétérinaire.
De même que pour le pronostic clinique, proposer un examen de suivi d’imagerie au CIRALE aux propriétaires des chevaux de l’étude pourrait être un moyen efficace d’améliorer la fiabilité du pronostic lésionnel.
Pronostic sportif a posteriori
Le pronostic sportif a posteriori est le plus difficile à évaluer. L’avis du propriétaire concernant l’influence de la FTI sur le devenir sportif de leur cheval est une aide précieuse mais, comme nous venons de le voir, très subjective.
Nous avons cherché à objectiver le pronostic sportif a posteriori en nous basant sur quatre paramètres incontestables : le délai avant le retour en compétition, le nombre de parcours et les gains moyens par compétition avant et après le diagnostic, et la longévité de la carrière. Ces informations sont tirées des sites de résultats sportifs en ligne pour chaque discipline.
Malgré l’objectivité des paramètres cités, il est important de noter qu’ils ne prennent pas en compte les affections concomitantes de chaque individu.
Par ailleurs, le pronostic sportif étant à établir en fonction de la discipline, seul le sous-effectif de chevaux de CSO est en nombre suffisant pour conclure de façon statistiquement convenable.
Concernant les quinze chevaux de CSO pour lesquels nous avons des résultats disponibles sur internet, nous avons pris en compte : le délai de retour en compétition (délai considéré anormal après un an), le nombre de compétitions par mois après le retour en compétition (nombre considéré anormal si inférieur de plus de la moitié du nombre de compétitions par mois avant le diagnostic de FTI), le gain moyen par compétition après le retour en compétition (gain moyen considéré anormal si inférieur au gain moyen avant le diagnostic de FTI), et la durée de la carrière (considéré anormale si inférieure à un an suite au diagnostic de FTI). Le nombre d’anomalie (de zéro à quatre) détermine le pronostic sportif.
La figure 49 présente les nombres et pourcentages de chevaux présentant le pronostic sportif donné.
Figure 49 : Nombres et pourcentages de chevaux présentant le pronostic sportif a posteriori donné.
Source : Données issues de la base de données FFE-compet.
Pour les chevaux de CSO le pronostic sportif a posteriori est à 39% favorable, 20% plutôt favorable, 27% réservé, 7% plutôt défavorable, 7% défavorable.
Cependant, ces résultats sont à nuancer dans la mesure où les pronostics reposent sur des critères d’anormalité obligatoirement subjectifs. De plus, nous disposons dans ce groupe de chevaux très hétérogènes dans leur présentation clinique et dans l’ancienneté de leurs fractures, ce qui rend les résultats d’autant plus difficiles à interpréter.
Un nombre plus important de sujets, et un groupe plus homogène, nous permettrait d’affiner nos critères de normalité, et d’améliorer la fiabilité de nos pronostics sportifs a posteriori.
Différences et nouveautés des résultats de l’étude par rapport à la bibliographie
Prévalence des fractures de la tubérosité ischiatique
D’après Shephred [3] et Pilsworth [4], les FTI sont responsables de 0,5 à 4,4% des boiteries postérieures.
Dans notre étude, 36 chevaux examinés au CIRALE sur une période de huit ans présentaient une fracture de la tubérosité ischiatique diagnostiquée par échographie, soit 0,43 % des chevaux examinés au cours de cette période au CIRALE. Quinze chevaux (42%) présentaient des fractures d’aspect échographique récent, soit 0,18% des chevaux examinés au CIRALE, et dix-huit chevaux (50%) présentaient une expression clinique aiguë liée à leur FTI avec ou non l’implication d’autres affections.
Le nombre de boiteries postérieures sur la même période n’est pas un paramètre accessible dans la base de données CIRALEarchive, nous ne pouvons donc pas comparer scrupuleusement nos résultats à ceux de la littérature. Néanmoins, nos pourcentages semblent relativement faibles par rapport à ceux de la littérature. Nous pouvons expliquer cela par le fait que l’étude est basée dans un centre d’imagerie de référence, ce qui implique que certains cas de FTI simple (traumatisme connu, signes cliniques explicites) ne sont pas examinés au CIRALE, et de ce fait non pris en compte dans nos statistiques.
Epidémiologie des fractures de la tubérosité ischiatique
Un article paru en 2003 montre que les femelles de moins de quatre ans semblent prédisposées aux fractures de bassin [2].
Les chevaux de notre étude ne présentaient pas de prédisposition d’âge. Le fait d’être une jument semble être un facteur prédisposant aux FTI alors que l’appartenance à la race des trotteurs Français ou la pratique de CSO semble être un facteur protecteur. Les TI fracturées sont en même proportion la droite ou la gauche.
Nous trouvons dans la littérature scientifique l’hypothèse selon laquelle les femelles ont un bassin plus fragile que les mâles. Nous pouvons supposer par ailleurs que les trotteurs et les chevaux de CSO sont moins exposés d’une quelconque manière aux traumatismes que les autres.
Etiologie des fractures de la tubérosité ischiatique
D’après Dyson [8] et Hendrickson [10], les FTI résultent le plus souvent de traumatismes liés à l’utilisation du cheval (chute sur la pointe de la fesse, choc contre un mur lors de recul violent) qui sont ou non connues des propriétaires.
Nous notons dans notre étude des FTI dues à des chocs dans les boites de départ pour les chevaux de course de galop ; et des chutes lors de manipulations par l’homme (anesthésie sacro-iliaque, dentisterie, tapis roulant, accident de la route en camion). Par ailleurs, dans notre étude, le traumatisme à l’origine de la FTI est connu dans 44% des cas. Ce pourcentage peut sembler relativement faible, mais il concerne l’effectif total des 36 des de l’étude, quelle que soit l’ancienneté de la FTI découverte. En comparaison, dans le groupe des chevaux présentant une FTI récente, le traumatisme est connu dans 75% des cas.
Signes cliniques associés aux fractures de la tubérosité ischiatique
Comme nous l’avons vu dans notre étude bibliographie (Dyson [8], Hendrickson [10]), nous pouvons distinguer dans les manifestations cliniques des FTI, deux cas de figure : le cas des FTI récentes, et celui des FTI anciennes.
Les FTI récentes sont caractérisées par l’aspect douloureux et œdémateux de l’affection. Ainsi, nous notons à l’examen physique, en plus de l’aplatissement de la fesse, une position antalgique et une douleur à la mobilisation du membre dans 27% des cas. Les auteurs décrivent à l’examen physique un œdème modéré en regard de la tubérosité ischiatique qui passe fréquemment inaperçu, et des muscles semi-tendineux et semi-membraneux souvent douloureux. A l’examen dynamique, pour ces chevaux, le test de flexion est positif dans 81% des cas et le huit de chiffre est modifié dans 63% des cas.
Les fractures anciennes, quant à elles, sont caractérisées par une déformation de la pointe de la fesse et parfois une gêne mécanique persistante malgré la diminution de la douleur locale. Les auteurs décrivent une fibrose de l’attache proximale du muscle semi tendineux. Dans notre étude, nous notons une amyotrophie fessière dans 50% des cas et une douleur à la flexion passive dans 10% des cas. A l’examen dynamique, ce sont le test de flexion du postérieur ipsilatéral et le défaut locomoteur au galop (postérieurs non dissociés, défaut d’engagement) qui sont les plus révélateurs (45% des cas).