Importance de l’azote pour le riz pluvial
Dans nos conditions du Moyen Ouest, notre première hypothèse, à savoir que l’azote a été un facteur limitant, a été confirmée par cette analyse de l’efficience de l’azote apporté sous forme d’engrais minéral à travers le concept de l’efficience de la réponse du rendement du riz à l’application de fertilisation azotée (NUSE). Cela confirme des études réalisées dans des conditions de plus haute altitude que le rendement du riz pluvial est fortement corrélé à l’offre en N du sol (Dusserre, J., et al., 2012). Les valeurs de ce rapport exprimé en kg grain par kg N apporté dans les expérimentations étudiées dans les Tableau 9, Tableau 10 et Tableau 11, sont en moyenne comprises entre 29 et 35 sauf pour STRADIV. Ces résultats suggèrent que des systèmes en AC avec une légumineuse annuelle n’apportent pas forcément d’amélioration sur la nutrition azotée par rapport à des systèmes conventionnels (Ranaivoson, L., et al., 2017). Plus généralement, cette absence d’amélioration est liée à de l’immobilisation de l’azote provoquée par des mulchs avec des C/N élevés (par exemple tige de maïs) ou à des pertes par lixiviation avec des mulchs à C/N faibles issus de légumineuses (Scopel, E., et al., 2013). Les études de bilan hydrique sur PROBE-w et de la modélisation avec DSSAT mettent en lumière l’importance du régime pluviométrique sur le rendement du riz pluvial en relation avec la dynamique de l’azote. Par exemple la pluviométrie plus élevée en 2014-2015 provoque des plus fortes pertes en N (mobilité de l’ion nitrate) qui expliquerait des rendements sur GSRUSE plus faibles en 2015 qu’en 2016 avec en moyenne 2,30 contre 3,58 t ha-1 . Cela confirme des études réalisées dans des conditions d’altitude similaires qui montraient de forte perte en NO3- dès le début du cycle en AC avec globalement plus de lixiviation sur le cycle de riz de par rapport au système conventionnel avec labour (Ranaivoson, L., et al., 2017).
Comparaison systèmes AC et Conventionnels par rapport à l’efficience de l’azote
Dans ces conditions du Moyen Ouest, la deuxième hypothèse est également confirmée, à savoir que l’efficience de cet apport N pouvait être différente selon le mode de gestions des sols et des cultures, avec par exemple en Tableau 111 la valeur 8 de NUSE pour AC L dans STRADIV très différente des autres valeurs de NUSE pour AC L pour GARP et GSRUSE. Egalement, les différents systèmes étudiés ont montré des dynamiques de l’azote contrasté suivant l’expérimentation (exemple : les dynamiques N minéral en début de cycle pour GSRUSE en Figure 6 et Figure 7). Cette étude a permis une comparaison entre des systèmes avec une gestion des sols et des cultures s’inspirant de systèmes conventionnels (labour et exportation de résidus), avec des systèmes en AC (sans travail du sol et conservation des résidus et l’intérêt possible de l’AC dans certaines conditions. En partant du postulat que l’AC permet de garantir une maîtrise totale de l’érosion, nos résultats montrent l’intérêt à court terme de légumineuses annuelles de type mucuna et sur le long terme de légumineuse pérenne de type stylosanthes. Ces résultats valident d’autres études réalisées dans des 35 conditions climatiques proches (Ranaivoson, L., et al., 2017) et sur le même site (Zemek, O., et al., 2018) avec le stylosanthes comme système en AC L avec des effets positifs sur le rendement. L’offre en N en AC M sans légumineuses est limitée du fait d’une immobilisation N plus forte liée aux résidus de culture à C/N élevé autour de 80 pour les pailles de maïs pour l’expérimentation GSRUSE. Des études réalisées antérieures sur l’effet négatif des mulchs avec un rapport C/N élevé (ANNEXE 4) concluaient aux même résultats (Ranaivoson, L., et al., 2017). En plus, une offre moins importante en AC par rapport au LAB serait liée à une absence de déstructuration lors du travail du sol. En effet, il est reconnu que cette déstructuration des agrégats du sol lors du labour offre de l’azote minéral très rapidement (Huang, K., et al., 2012). L’hypothèse d’une asynchronie entre l’offre et la demande sous AC L à base de légumineuse annuelle est apparue dans les expérimentations GSRUSE de la saison 2015 avec plus d’offre en N en début de cycle sous ce système par rapport au LAB mais sans effet sur le rendement par la suite (Figure 6). Cette asynchronie est liée à une forte disponibilité en N du sol alors que le système racinaire du riz n’est pas suffisamment développé pour capter d’azote minéral. Ce phénomène a déjà été mis en évidence lors d’études antérieures (Ranaivoson, L., et al., 2017). Dans le même sens, la modélisation avec DSSAT donne des valeurs supérieures d’azote disponible du sol avec AC L sans forcément d’effet significatif sur l’absorption N et le rendement (Figure 9). Par contre, sur l’essai STRADIV, cette forte disponibilité d’azote du sol a un impact important sur le rendement (Tableau 13). Cet effet pourrait être lié à une meilleure synchronie avec la plante de couverture stylosanthes cultivé in situ (STRADIV). Le stylosanthes pérenne aurait un potentiel de fourniture d’azote plus longue par rapport au mulch de mucuna ou de mulch à base de stylosanthes coupé (GSRUSE). Ces différences dans la relation « offre demande » seraient donc pilotées par le rapport C/N du mulch au moment du semis avec l’hypothèse d’une meilleure synchronie avec un mulch à C/N autour de 40, soit intermédiaire entre un mulch des légumineuses à C/N 15 et du maïs à C/N 80 (Rakotoarivelo, M., 2017). Ces résultats sur l’AC dans le Moyen Ouest, contrastent avec ceux obtenus sur les Hautes-Terres avec des systèmes en AC toujours inférieurs aux systèmes conventionnels ((Dusserre, J., et al., 2012) et (Dusserre, J., et al., 2017). Ces différences seraient premièrement liées avec un développement des cultures retardées en AC sur les hautes terres dès le début de cycle et non constaté sur le Moyen Ouest. Deux hypothèses ont été suggérées pour expliquer ces différences à savoir un plus rapide développement racinaire en relation avec le travail du sol créant de la porosité et des minéralisations de l’azote plus faibles en AC (Dusserre, J., et al., 2012). Les Tableau 14 et Tableau 15 synthétisent les résultats obtenus avec une analyse des Forces, Faiblesses, Opportunités et Menaces (FFOM) des deux différents systèmes de culture, le système conventionnel labour sans résidus et le système d’agriculture de conservation avec résidus. Les éléments présentés intègrent donc à la fois les résultats acquis dans cette étude, enrichis et des apports par d’autres expérimentations. 36 Pour le système conventionnel avec labour (Tableau 14), les forces sont principalement liées à l’apport d’azote minéral provenant de la déstructuration du sol (Huang, K., et al., 2012) et un meilleur potentiel de N absorbé par le riz en relation avec le système racinaire développé en surface sous l’effet du travail du sol (Dusserre, J., et al., 2012). Les faiblesses peuvent être liées à la réduction des activités biologiques du sol en l’absence d’apport organique récent (Kladivko, 2001; Liu, T., et al. 2016). Cette limitation d’apport organique peut engendrer une plus grande dépendance aux apports d’engrais azoté avec une plus grande sensibilité aux aléas climatiques (Wezel, A., et al., 2014). Les opportunités comme dit plus haut sont un enracinement plus rapide en surface en début de cycle (Dusserre, J., Chopart, J.-L., Douzet, J.-M., 2012) et avec comme menaces principales, une dégradation de sol engendrée par l’absence de couverture avec le déclenchement de ruissellement et d’érosion. A terme l’absence de restitution organique engendre une dégradation des propriétés physico-chimiques du sol avec les conséquences connues concernant la productivité des cultures (Scopel, E., et al., 2005). Pour le système AC (Tableau 15), les forces principales sont basées sur une offre en N sol augmentée par les apports permanents de matières organiques fraiches basées sur des légumineuses (Crews, T.E. et Peoples, M.B., 2005). En général, les meilleures efficiences d’absorption du riz sont obtenues avec des apports organiques à C/N intermédiaire (Zemek, O., 2016 ; Ranaivoson, L., et al., 2017 et Rakotoarivelo, M., 2017). Ces apports répétés en matière organique améliorent le stockage en N du sol et la résilience de ces systèmes de culture dans le temps. Les principales faiblesses sont liées à l’immobilisation en début de cycle provoquant une absorption réduite en N par le riz (Photo 9) (Dusserre, J., et al., 2017).
Sur le plan méthodologique
Le schéma quadripolaire de Van Noordwijk, M. and Van de Geijn, S.C. (1996) et Porter, J.R. and Christensen, S. (2013) adapté à la culture de riz pluvial, a montré son intérêt pour l’étude de l’efficience de l’azote apporté sous forme d’engrais minéral (NUSE) (figure 3 Figure 3), par l’étude séparée des trois étapes que sont respectivement NAPE, NUPE et NUTE. Le NAPE (N Application Efficiency) estime la relation entre l’azote apporté sous forme d’engrais et l’azote disponible dans le sol (0-80 cm) ; le NUPE (N Uptake Efficiency), la relation entre l’azote disponible dans le sol et l’azote absorbé par le riz, le NUTE (N utilization Efficiency), la relation entre l’azote absorbé par la culture et le rendement grain en t ha-1 du riz. Pour NAPE, les mesures de l’azote minéral in situ à quatre périodes clés sur le profil cultural de riz pour la calibration du modèle DSSAT sur STRADIV, ont permis d’estimer les pertes par lixiviation pour l’ensemble des autres essais (Dusserre, J., et al., 2018). Pour NUPE, l’intérêt de réaliser un diagnostic précoce avec l’outil SPAD à la montaison a été montré par une bonne corrélation entre cette mesure et le rendement final avec des équations différentes selon LAB et AC L (Figure 13). Il y a des questionnements sur les études racinaires selon la priorité accordée quant à leur stade de réalisation et à leur profondeur. L’intérêt de réaliser des diagnostics racinaires en début de cycle apparaît limité pour les mettre en relation avec l’azote absorbé à la récolte. Ainsi, une préférence serait à accorder à des études racinaires à la floraison (Figure 12). En effet, les profils racinaires réalisés à la floraison ont permis de bien séparer les différenciations en surface et en profondeur et d’émettre certaines hypothèses nouvelles. Les différenciations racinaires en surface à la floraison seraient plus explicatives en terme de productivité liée à l’efficience de l’azote en raison d’une meilleure proximité entre le système racinaire dense à la surface du sol et ressource azotée du sol principalement concentré à ce niveau. Une meilleure efficience de l’azote pourrait être liée à une disponibilité en phosphore (P) augmentée. En effet, les différenciations en disponibilité en P du sol s’exprimeraient mieux sur l’horizon de surface grâce à une homogénéité de répartition du P apporté par les engrais en LAB. En LAB, le P sous forme d’engrais est bien réparti chaque année par le travail du sol avec pour conséquence une meilleure proximité avec les racines (élément très peu mobile). Et inversement en AC, le P sous forme d’engrais est localisé chaque année au niveau des poquets avec donc moins bonne proximité entre la ressource en P et le système racinaire en cours de développement. Cette préférence de réaliser un diagnostic autour de la floraison à la surface a été également mis en évidence dans un autre contexte (Dusserre, J., et al., 2012 et Dusserre, J., et al., 2015).