IMPORTANCE DE LA PHARMACOPEE TRADITIONNELLE AU SENEGAL ET EN AFRIQUE
Jusqu’au début 19ème siècle, la médecine constituait exclusivement en ce que nous considérons aujourd’hui comme la médecine traditionnelle. Cette dernière étant une expression assez vague désignant en générale, les pratiques anciennes des soins de santé liées à une culture.
En Afrique, l’évolution de la médecine et pharmacopée traditionnelles a suivit trois périodes :
– une situation précoloniale qui constitue la période faste, durant laquelle les tradipraticiens et les guérisseurs pratiquaient librement leurs connaissances et étaient les seuls garants de la santé des populations humaines comme animales ;
– la période coloniale marquée par l’introduction par le colonisateur de la technologie et de la médecine occidentale (ou moderne). Dans ce contexte, la médecine et pharmacopée traditionnelles bien que combattues restent toujours utilisées par la majorité de la population rurale qui sont éloignées des centres urbains;
– enfin la période post-coloniale marquée par un changement de la situation. En effet, avec les indépendances autour des années 60, l’homme africain ressent le besoin de retrouver ses sources, la médecine traditionnelle partie intégrante de cet héritage allait ainsi reprendre ses droits. On estime actuellement que plus des trois quart (3/4) (environ 80%) de la population africaine se tournent vers la médecine et pharmacopée traditionnelles pour se soigner (Nacoulma, 1998).
Dans le domaine particulier de la santé animale, des facteurs tels que les considérations économiques (prix élevés des médicaments, faible pouvoir d’achat des petits éleveurs), l’insuffisance des effectifs de professionnels de la santé animale surtout dans les zones rurales, les grandes distances à couvrir pour avoir les soins vétérinaires, la force des croyances traditionnelles, l’impossibilité de traiter certaines maladies, etc. contribuent à un recours important et toujours croissant à la pharmacopée traditionnelle par les éleveurs.
En 1976, l’OMS a décidé d’incorporer la médecine traditionnelle dans ses programmes, et a invité par sa résolution AFR/ RC28/R3 les états membres à prendre « les mesures appropriées pour l’utilisation des médicaments essentiels et des plantes médicinales de la pharmacopée traditionnelle pour satisfaire les besoins fondamentaux des collectivités et assurer le développement de l’industrie pharmaceutique africaine ».
Néanmoins, comme il existe des risques liés à l’usage «empirique » (inefficacité thérapeutique, toxicité, etc..), il a été souligné la nécessité d’assurer une validation scientifique de cette médecine et pharmacopée traditionnelles à travers des expérimentation rigoureuses tant pour la toxicité que pour l’efficacité thérapeutique.
LES METHODES D’ETUDE TOXICOLOGIQUE
Les études toxicologiques sont destinées à assurer l’innocuité du tradimédicament. En effet elles permettent de fixer, d’une part les limites de l’innocuité du produit, et d’autre part de mettre en évidence les fonctions où l’organe atteint lorsque la dose administrée quitte la zone thérapeutique pour entrer dans la zone toxique.
Les études de toxicologie de routine, exposant les animaux de laboratoire à des doses et pendant des durées d’exposition variées, permettent de révéler la gamme des effets du produit testé : ces données constituent la base fondamentale de l’évaluation toxicologique, et en indiquant l’organe, le système cible ou la nature de la toxicité, elles font ressortir les axes à privilégier pour des recherches approfondies ultérieures.
Les essais de toxicologie sont diviser généralement en deux catégories :
-Essais de toxicité aiguë
-Essais de toxicité par administration répétée.
Essais de toxicité aiguë
Ils sont réalisés avec une seule administration du produit. Ils sont programmés pour déterminer la dose létale 50 (DL50) du produit, définie comme « l’estimation statistique d’une dose unique du produit supposée tuer 50% des animaux » (Frank 1991).
CARACTERISTIQUES ETHNOBOTANIQUES DES PLANTES ETUDIEES
Solanum incanum L
Solanum incanum appartient à la famille des solanacées, largement répartie dans le monde mais qui ne semble pas avoir de représentant vraiment originaire du Sénégal ou l’on compte néanmoins sept genres : Capsicum, Nicotiana, Datura, Physalis, Schwenckia, Solanum.
Les solonacées sont des herbes ou des sous- abrissaux à feuilles alternes, simples, sans stipules, à fleurs hermaphrodites, régulières. Calice persistant à 4-6 lobes ; corolle gamopétales ; ovaires à 2 loges ; style terminal ; ovules nombreux. Les fruits sont des capsules ou des baies.
Répartition géographique et description botanique
Il se rencontre éparsément à travers le Sénégal dans les stations les plus diverses, souvent à proximité des villages ou des hameaux de cultures. Solanum incanum est un sous arbrisseau épineux, pouvant dépasser 1 m de hauteur, ligneux à la base et couvert d’une pubescente étoilée blanchâtre.
– Feuilles
Sont larges de 5 à 10 cm et longues de 8 à 15 cm, à bords généralement dentés ou lobés, à base cunéiformes ; épines sur les nervures médiane et latérales: limbe inférieur plus ou moins pubescente avec des poils étoilés ras.
– Fleurs :
Ont des calices épineux ou non, à 5 dents ; corolle de 3 cm de diamètre ; des étamines à anthères jaunes
– Fruits :
Sont des baies sphériques de 3 à 4 cm de diamètre, jaunes à maturité.
Utilisation en pharmacopée
Utilisation en médecine traditionnelle humaine
Diverses utilisations du Solanum incanum ont été rapportées en fonction des différentes parties de la plante.
– La plante
Dans la médecine indigène pakistanaise la plante entière est utilisée comme remède contre le mal de dent, la gorge endolorie, les maux de poitrine et autres (Watt 1962)
Les feuilles, tiges et racines
Le macéré de feuille de S. incanum e st utilisé dans les maladies oculaire parlavage (Kerharo 1974).
Selon le même auteur, le macéré de feuilles associé à celui de piliostigma reticulatum est utilisé ; dans le traitement des céphalées, des névralgies dentaires avec comme complément de traitement une incorporation de la poudre de tiges séchées de Solanum incanum au tabac.
Au Rwanda la poudre de feuille séchée est utilisée pour soigner l’abcès du sein chez la femme (Desouster 1991) En Afrique australe et tropicale, la feuille et la racine seraient utilisées comme un remède contre la toux, la colique, la gorge endolorie, la gonorrhée et la syphilis.
Les racines sont également utilisées contre les douleurs abdominales et du foie (Watt 1962).
Les fruits et graines
Les fruits et les graines servent surtout aux traitements externes, ainsi : les graines pilées ou la pâte de graines préalablement grillées sont utilisées contre les plaies et les manifestations inflammatoires.
Les baies avec les graines servent aux traitements des oreillons par massage.
La pâte de fruit sert aux traitements des céphalées par onctions sur le front et autour des yeux.
Utilisation en médecine vétérinaire traditionnelle (Ethnomédecine vétérinaire)
Quelques utilisations du Solanum incanum en médecine vétérinaire ont été rapportées.
C’est ainsi que des résultats satisfaisants dans les traitements suivant ont été obtenus (Watt 1962)
• Un épithélioma sur le dos d’un cheval de race avec applications locales.
• Un carcinome sur le jarret d’une mule par injection d’une solution aqueuse.
• Une demi douzaine de mélanomes chez un cheval traité de la même façon
Certains éleveurs burkinabés utilisent la poudre de tige feuillée contre certaines maladies de volaille (Yameogo et al 2005).
Utilisation en médecine moderne
En thérapeutique moderne aucune utilisation du solanum incanum n’est connue.
Cependant en France et en Australie, le mélange des glucosides de la solasodine est disponible en préparation pour l’usage externe et est utilisé pour le traitement des kératoses cutanées solaires et pour celui d’affections cancéreuses cutanées (Bruneton 1993).