Importance de la liaison « granulat-matrice cimentaire » vis-à-vis du comportement mécanique du béton
Description minéralogique classique de la zone d’interphase
Depuis les premiers travaux de Farran (Farran 1956) de nombreux chercheurs se sont intéressés à la formation de la zone d’interphase et à l’évolution de ses propriétés chimiques, mécaniques et de transfert. De nombreux auteurs ont montré que les propriétés de la zone d’interphase « granulats-matrice cimentaire » sont différentes de celles du cœur de la pâte. Certains ont proposé des modèles permettant de décrire la minéralogie de cette zone (par exemple, Barnes et al. 1978; Langton & Roy 1980; Zimbelman 1985; Monteiro et al. 1985; Monteiro & Mehta 1985a; Mehta 1986; Monteiro 1986). Tous les auteurs sont d’accord sur le fait que la zone d’interphase n’est pas une zone homogène et qu’elle est constituée de plusieurs couches. La plupart d’entre eux a décomposé cette zone en deux couches. La première couche est en contact avec la surface des granulats. Selon Barnes et al. (1978), cette couche est caractérisée par un film de cristaux orientés de portlandite d’environ 0,5 µm d’épaisseur, au-delà duquel se trouve un film de C-S-H ayant à peu près la même épaisseur. L’ensemble de ces deux films est connu sous le nom de film duplex (Figure I.2). Selon Zimbelman (1985), la première couche se compose essentiellement de portlandite et est recouverte par un réseau de cristaux d’ettringite. C’est une couche très dense dont l’épaisseur est d’environ 2 à 3 µm. Elle est appelée couche de contact (Figure I.3). En accord avec Zimbelman, Monteiro (1986) et Bentur et al. (1989) ont trouvé que la portlandite et l’ettringite se forment directement sur la surface des granulats. D’après eux, les gros cristaux de portlandite se forment sans restriction et s’orientent préférentiellement dans la direction normale à la surface des granulats (Figure I.4-Figure I.5). Figure I.2. Modèle de Barnes et al. (1978) Figure I.3. Modèle de Zimbelmann (1985) Chapitre I. Étude bibliographique 14 Figure I.4. Modèle de Monteiro (1986) Figure I.5. Modèle de Bentur et al. (1989) La deuxième couche se forme directement sur la première couche. Selon Barnes et al. (1978), cette couche est constituée de produits hydratés du ciment avec de gros cristaux de portlandite, une grande quantité de grains de Hadley et des C-S-H. L’épaisseur de la deuxième couche est d’environ 50 µm. Zimbelman (1985) a trouvé que cette couche se compose de cristaux d’ettringite en forme d’aiguilles et de grandes plaquettes de cristaux hexagonaux de portlandite et de C-S-H. Son épaisseur est d’environ 20 µm. En accord avec les modèles de Barnes et al. (1978) et de Zimbelman (1985), Monteiro (1986) a trouvé que la deuxième couche contient de gros cristaux de portlandite. Il a également trouvé des cristaux d’ettringite et des grains d’anhydres. Malgré plusieurs études qui ont abordé la microstructure de la zone d’interphase, les auteurs ne sont pas tout à fait d’accord sur la composition minéralogique et sur l’épaisseur des couches constitutives de cette zone. Cela peut être expliqué par le fait que les auteurs ont utilisé des granulats, des pâtes de ciment et des méthodes d’analyses différentes.
Mécanisme de formation de la zone d’interphase
Dans la partie précédente, on a constaté que les propriétés de la zone d’interphase « granulat-matrice cimentaire » sont différentes de celles du cœur de la pâte de ciment. Cette partie expliquera le mécanisme de formation de cette zone. L’existence de la zone d’interphase est souvent attribuée à deux phénomènes principaux existant lors du contact granulat-pâte de ciment. D’une part, l’effet de paroi des granulats vis-à-vis des grains de ciment et, d’autre part, l’accumulation locale d’eau sous les granulats lors de la mise en place du béton (micro-ressuage). Ces phénomènes affectent l’arrangement initial des grains de ciment et le rapport E/C local au voisinage des granulats. A côté de ces phénomènes principaux, la formation de la zone d’interphase est également favorisée par l’effet de « croissance unilatérale » et par le transport de portlandite pendant le processus de l’hydratation.
Effet de paroi
La raison principale qui peut expliquer la présence de la zone d’interphase est que, lors du contact granulat-pâte de ciment, les espaces adjacents à la surface des granulats ne peuvent pas être remplis par les grains de ciment. Ce phénomène, à une échelle plus petite, est similaire à l’effet de paroi existant entre la surface du béton et la paroi des coffrages. L’arrangement spatial des grains de ciment anhydres est plus lâche à l’approche de la surface des granulats. Ceci conduit à un rapport E/C plus élevé par rapport au cœur de la pâte. Il en résulte que moins de grains de ciment peuvent s’hydrater et remplir les vides originaux (Neville, 2000). Plusieurs auteurs ont étudié l’effet de paroi sur l’empilement des particules. Caquot (1937) a étudié l’effet de paroi du récipient dans le cas simple où les grains sont de même taille. La voie la plus simple pour calculer l’augmentation du volume des vides engendrée au contact de la surface plane du récipient, est d’admettre qu’elle est proportionnelle à la surface du plan et à la taille des grains. Cette approche ne tient cependant pas compte d’une éventuelle courbure de la surface. Ben-Aim (1970) a amélioré cette approche en tenant compte de la courbure de la surface. Il utilise le volume perturbé Vp (dans l’unité de volume total du mélange) situé entre la paroi Chapitre I. Étude bibliographique 16 et la distance d/2 (Figure I.6). Dans ce volume, la compacité moyenne est kwα, avec kw <1, alors que α reste inchangée au centre du récipient.