La douleur et les soins invasifs Selon l’International
Association for the Study of Pain (2004, cité dans Kuttner, 2011, p. 2), le soulagement de la douleur est un droit fondamental qu’il est nécessaire de respecter pour chacun des patients. En effet, ceci fait partie des droits de l’Homme et n’est plus simplement pris en compte comme un symptôme engendré par un problème de santé. La douleur nécessite d’être traitée et les soignants doivent y portent de l’attention étant donné qu’elle est tout aussi importante que la maladie. De plus, la douleur a également un impact émotionnel et mérite donc d’être évaluée régulièrement afin d’être gérée de manière adéquate. Quand il s’agit de douleur chez des enfants ou des adolescents, il ne faut jamais négliger ce qu’ils verbalisent à propos de celle-ci étant donné qu’ils sont considérés comme « experts de leur expérience » (Kuttner, 2011, p. 2). L’Association internationale pour l’étude de la douleur (1979, cité dans Kuttner, 2011, p. 9) définit la douleur ainsi : La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à une lésion physique réelle ou potentielle, ou décrite en termes de cette lésion. La douleur est toujours subjective. Chaque individu apprend à quelle réalité s’applique ce mot au travers des expériences de blessures qu’il a faites tôt dans sa vie.
D’après la Société Américaine de la douleur aiguë de l’enfant (2001, cité dans Kuttner, 2011, p. 12), l’évaluation et la prise en charge de douleur aiguë sont parfois difficiles lorsqu’il s’agit d’un enfant. Le plus souvent, la douleur est provoquée par une blessure, une maladie ou lors de soins médicaux et elle provoque, en plus des symptômes somatiques vécus par le patient, de l’anxiété chez celui-ci comme chez ses parents (Kuttner, 2011, p. 12). La douleur est comme un signal d’alarme qui informe le corps humain qu’il y a un problème, voire un danger (Ecoffey & Annequin, 2011, p. 9). Toutefois, étant donné que les jeunes enfants ne sont pas encore capables de parler et donc d’exprimer leurs ressentis en utilisant l’expression verbale, l’étude de la douleur chez les enfants en bas âge contient des lacunes. Il est cependant primordial d’évaluer la douleur de l’enfant quel que soit son âge. Pour ce faire, lorsqu’il s’agit d’un jeune enfant ou d’un enfant avec qui la communication verbale n’est pas possible, la douleur s’évalue en fonction des comportements exprimés par celui-ci. Il ne s’agit donc plus d’auto-évaluation, mais d’une analyse à l’aide d’outils d’évaluation basés sur ces comportements. Il est possible d’utiliser plus de 40 outils afin d’évaluer l’intensité de la douleur de la manière la plus adéquate et objective possible. Il est également possible d’utiliser les paramètres physiologiques afin de compléter l’évaluation de la douleur (Ecoffey & Annequin, 2011, pp. 9-10).
En effet, la douleur aiguë engendre généralement une augmentation de la tension artérielle ainsi que de la fréquence cardiaque. Tant qu’elle n’est pas prise en charge, ces paramètres et la détresse du patient ne diminueront pas. Chaque situation est différente et la douleur varie ; celle-ci est considérée comme personnelle et subjective (Kuttner, 2011, p. 13). Dans les services pédiatriques, la distraction est régulièrement utilisée afin de diminuer la douleur lors des soins potentiellement douloureux. Toutefois, il ne faut pas négliger que la distraction ne supprime pas la douleur de l’enfant mais fait en sorte que celui-ci porte son attention sur l’objet de la distraction et non sur le stimulus douloureux. Il s’agit donc d’une stratégie de coping (stratégie d’adaptation) utilisée par l’enfant en employant ses capacités cognitives de manière à alléger le ressenti de la douleur (Kuttner, 2011, p. 31). Dans un service de pédiatrie, les soins douloureux représentent effectivement le quotidien des infirmières. Durant les 20 dernières années, les professionnels de la santé ont reconnu la nécessité de développer des moyens et des interventions permettant de diminuer la douleur et l’impact émotionnel des soins douloureux prodigués aux enfants (McCarthy, A.M. & Kleiber, C., 2006, p. 89).
En effet, il n’est pas évident pour une infirmière en pédiatrie de devoir gérer cette spécificité de son rôle professionnel, à savoir effectuer des soins douloureux sur des enfants, tout en gérant son propre stress ainsi que l’inquiétude des parents. Il est donc dans l’intérêt professionnel de cette dernière d’essayer de développer des techniques et des interventions permettant une meilleure gestion de la douleur lors des soins (Piira, T., Sugiura, T., Champion, G.D., Donnelly, N. & Cole, A.S.J, 2005, p. 233). Le but d’un soin est qu’une personne malade ou en santé maintienne ou améliore son état de santé. Les soins ont différentes natures, certains étant considérés comme invasifs et d’autres comme non invasifs. Il est possible de parler de soin invasif lorsqu’il provoque une lésion de la peau ou des muqueuses. Cependant, un soin peut sembler invasif aux yeux du patient alors que ce n’est pas forcément le cas pour le soignant qui a l’habitude de le réaliser, lors d’un sondage urinaire par exemple. Le terme invasif dépend donc du soignant, du patient et de la situation clinique (Cohen-Bittan, Ray, Boddaert, 2011, p. 295). Par déduction, la prise de sang, la ponction lombaire, les injections intra-musculaires ou souscutanées, le cathétérisme veineux, etc. sont des procédures invasives. D’un autre côté, les aérosols médicamenteux, les soins de bouche, les toilettes, etc. sont considérés comme non invasifs. Toutefois, l’étude de Johnston et al. (2012) définit le soin invasif comme étant un soin provoquant une lésion des tissus, un soin nécessitant un accès par un orifice et n’induisant donc pas de lésion ou encore un soin engendrant de la douleur (p. 145). Par ailleurs, la vaccination est un des soins invasifs le plus couramment administré aux enfants en bonne santé. En effet, selon l’OFSP (2010), les enfants en bas âge reçoivent en moyenne 14 injections au cours de leurs 24 premiers mois. Il est donc particulièrement important de gérer la douleur et la détresse que peut engendrer ce soin auquel l’enfant sera confronté régulièrement au cours de son enfance.
La détresse
La détresse est un concept qu’il est important de définir clairement dans le cadre de ce travail. Suite à diverses lectures, il a été possible de constater qu’il est parfois difficile de faire la différence entre la douleur et la détresse, en particulier chez les jeunes enfants, et d’apporter alors une réponse adéquate à l’une ou l’autre de ces sensations. Selon McKechnie (1970, cité dans Hatfield & Polomano, 2012, p. 167), le sens original du mot détresse est le fait d’être dans un état de douleur extrême ; angoisse de corps ou d’esprit ; grand malheur. [traduction libre] Cette définition est assez générale et les professionnels de la santé utilisent le mot « détresse » dans des contextes physiques, psychologiques et spirituels. En effet, la littérature médicale définit la détresse comme étant des conditions provisoires de grande souffrance mentale ou physique ou une angoisse amenée par un stimulus exogène. [traduction libre] (Anderson, 1994 ; Dirckx, 1997 ; Thomas, 1993, cités dans Hartfield & Polomano, 2012, p. 168). La difficulté rencontrée par les soignants à différencier et à traiter la détresse, le stress ou encore la douleur chez l’enfant peut avoir des conséquences délétères à long terme sur la santé (Hatfiel & Polomano, 2012, p. 169). Il est donc important pour les professionnels de la santé d’avoir une idée claire de ce qu’est la détresse dans le contexte des soins pédiatriques.
Selon Tak & van Bon (2006, cités dans Hatfield & Polomano, p. 169), la détresse accompagne souvent la sensation de douleur, mais peut aussi être présente en l’absence de causes identifiables provoquant de la douleur. Dans ce cas-là, il est difficile d’identifier les sources de la détresse et de savoir si la sensation de douleur est présente ou non, d’autant plus lorsqu’il s’agit de jeunes enfants qui ne peuvent pas s’exprimer sur les causes de ce mal-être. De ce fait, la présence simultanée de la détresse et de la douleur peut entraver leur différenciation par les soignants et la mise en place d’actions ciblées (Hatfield & Polomano, 2012, p. 169). La détresse est le résultat d’une incapacité à s’adapter à un facteur de stress interne ou externe lorsque les ressources de la personne sont dépassées. La douleur aigüe, le stress, l’anxiété ou encore l’inadaptation peuvent alors être considérées comme des conséquences de la détresse (Hatfield & Polomano, 2012, p. 175). La détresse chez le jeune enfant est caractérisée par les quatre éléments suivants : l’événement est expérimenté dans le présent ; la perception cognitive de l’événement est négative ; l’enfant est dans un état émotionnel négatif et il y a une absence de dommage tissulaire qui expliquerait la douleur (Hatfield & Polomano, 2012, p. 175). Il est possible de constater que le manque de compréhension et l’absence d’un outil valide universel permettant de mesurer la douleur chez les jeunes enfants et donc de la différencier de la détresse, est l’une des causes de la mauvaise gestion de la douleur en pédiatrie. De plus, les signes de détresse chez l’enfant ne sont pas les mêmes que chez les adultes. Par ailleurs, le manque d’habilité à communiquer des jeunes enfants peut empêcher les professionnels de la santé de confirmer la présence de détresse (Hatfield & Polomano, 2012, p. 177).
La distraction
Le but de la distraction est défini ainsi: « la méthode de distraction est utilisée dans un but analgésique lors d’un soin douloureux, en agissant sur la composante émotionnelle et cognitive de la douleur. » (Lombart & Thibault, 2005, p. 45). Il n’y a pas de contre-indication empêchant les soignants de distraire l’enfant, toutefois il est primordial que la méthode utilisée soit adaptée au souhait de l’enfant, à la situation, à son stade de développement ainsi qu’à son état de santé (Lombart & Thibault, 2005, pp. 45- 46). Afin que la distraction s’avère efficace, il est important qu’elle commence avant que l’infirmière ne débute la réalisation du soin. En effet, il est primordial que l’enfant puisse être captivé par la distraction avant de ressentir l’anxiété provoquée par le soin. Il est donc préférable que ce ne soit pas l’infirmière qui distraie l’enfant mais une seconde personne comme par exemple une aide-soignante, une collègue infirmière ou encore un parent. De ce fait, la personne se chargeant de la distraction peut être attentive aux émotions de l’enfant tout au long du soin. Il existe différentes méthodes de distraction à utiliser selon l’âge de l’enfant, à savoir : faire des bulles de savon, regarder la télévision, utiliser un kaléidoscope, chanter, raconter une histoire dont l’enfant représente le personnage principal, etc. (Lombart & Thibault, 2005, p. 46).
Un des soins le plus redouté par les enfants est la prise de sang. D’après Murphy (2009), il a été démontré que la détresse de l’enfant face à ce soin peut être réduite en utilisant la distraction. Selon Kleiber et Harper (1999, cités dans Murphy, 2009, p. 18), la distraction est une stratégie de coping cognitif qui fonctionne en détournant l’attention d’un stimulus douloureux en redirigeant passivement ou activement l’attention du sujet avec une activité. [traduction libre] Ce n’est qu’en 1964 que les chercheurs ont pris conscience de l’absence de recherches quant aux moyens non-pharmacologiques capables de réduire la détresse ainsi que la douleur de l’enfant lors des soins. Une recherche a donc été menée en utilisant un kaléidoscope afin de distraire plusieurs enfants pendant un soin ; cette étude a démontré que les enfants n’ayant pas été distraits ressentaient davantage de douleur et devaient faire face à une détresse plus importante (Murphy, 2009, p. 18). Il est toutefois primordial de ne pas oublier que distraire un enfant pendant un soin ne l’empêche pas de ressentir de la douleur. En effet, la distraction a une action au niveau émotionnel et non sensoriel. Des évaluations de la douleur de l’enfant doivent être effectuées régulièrement par l’infirmière de manière adaptée afin de donner un antalgique si nécessaire (Lombart & Thibault, 2005, p. 46).
1 Introduction |