IMPLICATION DES MUTATIONS DU GENE MITOCHONDRIAL MT-CYB ET DE L’ONCOGENE BRAF DANS LES TUMEURS
ORIGINE DES CELLULES CANCÉREUSES
Le cancer est généralement définit comme étant la prolifération anormale et anarchique des cellules qui se regroupent de manière inorganisée pour former une tumeur (Bertram, 2001). La transformation d’une cellule normale en cellule maligne repose sur les mutations séquentielles de l’ADN et cette transformation est caractérisée par plusieurs étapes (figure 1), parmi lesquelles : l’initiation et la promotion sont les deux étapes clés avant la progression tumorale. Elles permettent le passage de la cellule saine à une cellule cancéreuse qui évoluera par la suite en tumeur. L’initiation est due à l’altération du génome rendant les cellules capables de se diviser en l’absence d’une stimulation venue du tissu. Ces altérations de l’ADN peuvent être causées par un génotoxique d’origine endogène ou encore exogène (Bont & Larebeke, 2004). Certaines Espèces Réactives de l’Oxygène qui se forment lors du métabolisme sont des agents d’oxydation (Monier & Tubiana, 2008). Ils attaquent les constituants cellulaires (Spitz et al., 2004) et provoquent chaque jour dans chaque cellule de très nombreuses lésions de l’ADN dont quelques une très graves telles que des cassures double-brins ou des pontages intra- ou interbrins (Burkart et al., 2005). Les génotoxiques exogènes tels que les UV peuvent aussi provoquer ces dégradations. Une stimulation de la prolifération peut entraîner un accroissement de la fréquence des mutations (Moore & Tsuda, 1998). Des erreurs peuvent survenir pendant la réplication de l’ADN. L’initiation est un événement relativement fréquent contre lequel existent des protections cellulaires multiples et puissantes. L’efficacité de ces défenses est un facteur essentiel. Quand le nombre de lésions est faible, des mécanismes de réparation de l’ADN se mettent en place. Des exonucléases et endonucléases vont couper l’ADN muté, ensuite l’ADN polymérase et l’ADN ligase vont se charger de resynthétiser la zone éliminée. Quand le nombre de lésions est trop important, ces systèmes enzymatiques de réparation de l’ADN (Dikomey & Brammer, 2000) ne peuvent pas fonctionner correctement. Ceci se produit lorsque le génotoxique est présent de manière répétée et à forte concentration. Tant que fonctionnent les mécanismes de régulation de l’homéostasie cellulaire, ces cellules initiées (possédant de l’ADN muté) peuvent encore rester sous contrôle. En effet cet équilibre cellulaire dynamique assure l’intégrité de la cellule en compensant les dysfonctionnements liés aux mutations. Lorsque cet équilibre est rompu, la cellule peut rentrer dans une phase de mort cellulaire programmée (apoptose) ou bien poursuivre son évolution (Bertram, 2001). la promotion : celle-ci est liée à l’induction d’une prolifération cellulaire qui provoque l’expansion clonale de la cellule initiée, soit que ce clone soit plus sensible que les cellules saines aux facteurs de croissance présents, soit que l’apoptose y soit diminuée. La plupart des agents de promotion stimulent la prolifération, mais souvent de façon temporaire ou réversible. L’irritation mécanique prolongée et l’inflammation (Coussens & Werb, 2002) sont des promoteurs puissants. Les génotoxiques, à côté de leur effet mutagène, peuvent constituer des agents de promotion car, administrés en quantité importante, ils provoquent des lésions irréversibles conduisant à la mort d’une proportion élevée de cellules (Takahashi et al., 2000). L’intensité des événements dépend de la dose des agents de promotion, car ces derniers fonctionnent par effet seuil. Les lésions causées peuvent être réversibles quand l’exposition est faible. Par contre la présence chronique ou itérative de l’agent promoteur pendant cette phase peut conduire à des lésions précancéreuses qui persistent ou continuent à croitre malgré l’interruption de l’exposition (Takahashi et al., 2000). Elle devient autonome. La deuxième phase de la cancérogenèse est accomplie. Celle-ci se termine quand un clone de cellules initiées est devenu capable d’échapper au contrôle tissulaire pour entrer dans la troisième phase, la progression tumorale. la progression tumorale : développement de la tumeur primaire. Les deux premières étapes (initiation et promotion) concernent la cancérogenèse, c’est à dire l’apparition de la malignité au sein même de la cellule. L’accumulation des lésions de l’ADN conduisent à une instabilité génétique des cellules cancéreuses qui permet la génération et la survie de cellules mutantes présentant des avantages sélectifs de prolifération et d’immortalité. A partir de ces deux premières étapes, sept étapes peuvent être distinguées dans le processus tumoral : la perte d’adhérence, l’invasion, la prolifération, l’angiogenèse, l’intravasation, l’extravasation et l’émission de métastases à partir de la tumeur primaire (Yang & Weinberg, 2008)
DIFFÉRENTS TYPES DE CANCERS
Selon le type de cellule devenue cancéreuse on distingue trois catégories de cancers : les carcinomes qui se développent à partir des cellules épithéliales (cellules de la peau, des muqueuses, ou encore des glandes dans le cas de l’adénocarcinome). les sarcomes, beaucoup plus rares, et qui se développent à partir de tissu conjonctif (tissu de soutien). les hématosarcomes qui se développent dans les cellules sanguines (leucémies, myélomes et lymphomes).
CARACTERISTIQUES SPECIFIQUES DES CANCERS
Le cancer est un processus clonal multiétapes, ces étapes étant des altérations génétiques ou mutations. Au moins trois catégories de gènes sont impliquées. Ils interviennent dans le contrôle de la division, de la différenciation cellulaire, de l’apoptose et de la réparation de l’ADN (Weinberg, 2007). Les gènes associés au cancer ont été classés en trois catégories sur la base de leurs caractères cancérogènes ou protecteurs : oncogènes : les oncogènes sont des gènes susceptibles de conférer le phénotype tumoral à une cellule eucaryote normale (Futreal et al., 2004). Ils sont dérivés de gènes cellulaires appelés proto oncogènes ayant subi une ou plusieurs altérations. Les proto-oncogènes possèdent généralement des fonctions dans le contrôle de la prolifération cellulaire, de la différenciation et de la survie cellulaire (Jean-Marie, 2003). L’activation des proto-oncogènes en oncogènes se fait par des événements génétiques telles que des mutations, des translocations chromosomiques ou des amplifications géniques qui induisent des gains de fonction du gène par rapport à sa forme inactive dans les cellules normales. Le gain de fonction résulte en général d’une production d’une forme hyperactive de la protéine oncogénique (forme plus active du fait de la modification du site catalytique par exemple ou protéine bloquée en forme active et qui ne peut plus être inhibée) ou d’une quantité excessive de forme normale de la protéine (Theleyre & Baklouti, 2004). La dénomination de proto-oncogènes regroupe des gènes qui codent pour des facteurs de croissance, des récepteurs aux facteurs de croissance, des molécules intervenant dans la transduction des signaux mitotiques, des protéines kinases, des phosphatases, des molécules anti-apoptotiques ou des facteurs de transcription (Singer et al., 2003). L’activation de ces oncogènes est un mécanisme dominant qui conduit à favoriser un état permissif pour la prolifération, à permettre la production par la cellule cancéreuse des facteurs de croissance dont elle a besoin ou à modifier un récepteur de telle sorte qu’il se comporte comme s’il était stimulé en permanence. Dans les deux cas, la cellule devient indépendante d’une intervention externe. L’expression des oncogènes favorise la survenue de cancers (Jean-Marie, 2003). Ces gènes commandent la synthèse de protéines (oncoprotéines) en stimulant la division et en déclenchant une prolifération désordonnée des cellules. Plusieurs dizaines d’oncogènes ont été décrits. Le gène BRAF dont la substitution V600E compte pour 80 % des mutations, serait impliquée dans 66 % des mélanomes malins (Rajagopalan et al., 2002). Il est impliqué aussi dans plusieurs autres cancers dont le cancer du sein (Wang et al., 2015). Des oncogènes tels que myc et surtout HER2/neu/ErbB2 sont amplifiés et surexprimés dans le cancer du sein. En effet, 13 à 22% des tumeurs mammaires présentent une amplification de myc (Aulmann et al., 2006); 22 à 33% des tumeurs surexpriment c-myc au niveau ARNm et 40 à 45% au niveau protéique selon Naidu et al., (2002). L’amplification et la surexpression de HER2 sont quant à elles observées dans 15% des tumeurs primitives du sein (Weigel & Dowsett, 2010). Lors de la réplication de l’ADN, l’ADN polymérase δ connaît un taux d’erreur d’environ une base sur un milliard, ce qui expliquerait l’apparition de mutations sur les oncogènes ou sur les gènes suppresseurs de tumeur des organismes à vie longue. Les altérations affectant directement les bases peuvent également conduire à l’apparition de mutation. Elles sont notamment causées par les radicaux libres de l’oxygène, eux-mêmes générés par l’activité métabolique de la cellule ou par des agents physiques comme les radiations (Sarasin et al,. 1988). Un proto-oncogène peut être activé par différents moyens, il peut être muté sur sa séquence codante ou sur son promoteur (Murray et al., 1981). Premièrement, une mutation ponctuelle au sein de sa séquence peut engendrer une activation constitutive de la protéine. C’est, par exemple, le cas de la mutation G12V de la protéine Ras (Barbacid, 1987). Une mutation peut également être responsable d’une séquence nonsens comme c’est le cas de la mutation sur le codon 531 de la protéine c-Src. Cette mutation conduit à l’apparition d’une forme tronquée de c-Src et provoque une activation constitutive de la protéine (Irby et al., 1999). gènes suppresseurs de tumeurs : un gène suppresseur de tumeur est un gène dont l’altération durant la carcinogénèse résulte de la perte de fonction essentielle pour le contrôle de la prolifération cellulaire normale. Cette perte de fonction est un mécanisme récessif, c’est à dire que les deux allèles du gène doivent être inactivés. L’inactivation de ces gènes peut être due à la perte des allèles du gène, à des petites délétions ou insertions qui altèrent la trame de lecture du gène, à des mutations ponctuelles changeant les acides aminés cruciaux pour l’activité de la protéine ou à la baisse de la transcription par l’altération du promoteur. Récemment, les gènes suppresseurs de tumeur ont été classés selon leurs fonctions : les « gatekeepers », intervenant dans le contrôle du déroulement du cycle cellulaire, et les « caretakers » qui interviennent pour maintenir l’intégrité du cycle cellulaire. L’inactivation des caretakers n’augmente pas la prolifération cellulaire mais initie l’acquisition de changements génétiques supplémentaires (Orban & Olah, 2003). BRCA1 et BRCA2 constituent un modèle de gènes suppresseurs de tumeur. Ils sont exprimés d’une manière ubiquitaire. Leurs caractéristiques : transmission autosomique dominante, perte de l’hétérozygotie au niveau du locus du gène retrouvé dans les tumeurs héréditaires, avec conservation de l’allèle prédisposant au cancer. Les gènes suppresseurs de tumeurs agissent en sens inverse des oncogènes. Ce sont des régulateurs négatifs de la prolifération cellulaire. Leur inactivation n’empêchant plus la prolifération cellulaire, favorise donc la survenue des cancers. Certains gènes suppresseurs de tumeurs sont spécifiques de certains cancers. Ainsi le gène RB1 est impliqué dans le développement du rétinoblastome. Les gènes BRCA1 et BRCA2 sont impliqués dans les cancers du sein (Hall et al., 1990), APC dans les cancers du colon (Nishisho et al., 1991). D’autres ont un spectre d’inactivation plus large comme TP53 ou CDKN2A qui sont inactivés dans un grand nombre de types de cancer (Caldas et al., 1994). A ces deux catégories de gènes, s’ajoute une troisième classe nommé gènes de réparation de l’ADN. gènes de réparation de l’ADN : L’ADN est continuellement soumis aux activités métaboliques intrinsèques à la cellule et à des facteurs environnementaux externes qui portent atteinte à son intégrité. Les facteurs environnementaux peuvent être de nature physique (exemple : rayonnements), chimique (exemple : radicaux libres, médicaments) ou biologique (exemple : toxines, virus). On estime entre mille et plus d’un million le nombre de lésions par cellule et par jour (Ames et al., 1993). Beaucoup de ces lésions provoquent des dommages tels que la cellule elle même ne peut se reproduire ou donne naissance à des cellules-filles non viables. Les gènes de réparation de l’ADN sont capables de détecter et de réparer les lésions de l’ADN et prévenir cet état anormal. Les mécanismes de réparation de l’ADN garantissent la stabilité du génome. La capacité de réparation de l’ADN d’une cellule est essentielle à l’intégrité de son génome, et donc à son fonctionnement normal et à celui de l’organisme. Contrairement aux altérations des proto-oncogènes et des gènes suppresseurs, les altérations des gènes de réparation de l’ADN, qu’il s’agisse du système de réparation des mésappariements ou du système excision-resynthèse, n’interviendront qu’indirectement dans la cancérogenèse en permettant la persistance d’altérations touchant des gènes contrôlant le cycle cellulaire ou l’apoptose. De nombreux systèmes de réparation protègent les cellules contre l’accumulation délétère de lésions sur leur ADN, par des voies biochimiques assez bien conservées des bactéries à l’homme. Le système de réparation par excision-resynthèse de nucléotides est le plus important et le plus efficace pour éliminer la grande majorité des lésions de l’ADN. Les lésions produites, par les rayons ultraviolets par la plupart des cancérigènes chimiques, sont éliminées avec une très grande efficacité par le système de réparation par excision (Sarasin et al,. 1988). Ces réparations jouent un rôle fondamental du fait que les lésions de l’ADN entraînent une désorganisation complète de l’activité cellulaire : blocage de la transcription des gènes actifs, blocage de la réplication de l’ADN ou synthèse translésionnelle conduisant inévitablement à l’induction de mutations ou de remaniements chromosomiques. Il apparaît donc évident que l’absence de réparation peut conduire à une modification irréversible de la régulation de la prolifération cellulaire et initier un mécanisme de cancérogenèse. Cette hypothèse est fortement confortée par l’existence de maladies de la réparation de l’ADN qui montrent souvent une corrélation étroite entre sensibilité à un agent génotoxique et forte incidence de cancers plus ou moins spécifiques (Hanawalt & Sarasin A. 1986). Lorsque les mutations de l’ADN résultent d’erreurs de la réplication (dérapage de l’ADN polymérase), le système de réparation mis en jeu est celui des mésappariements (mismatch repair) (Peltomäki & de la Chapelle, 1997).
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