Implantation cochléaire avant 18 mois et partenariat avec les parents

Implantation cochléaire avant 18 mois et partenariat avec les parents : communication, perception, langage

Scores aux échelles et questionnaires de perception et de langage en fonction des bilans post-IC et de l’âge à l’IC 

Evolution en fonction des bilans (résultats intra-groupes) Au sein de chaque groupe, les scores aux échelles et questionnaires présentent des différences significatives en fonction du recul post-IC.  CAP Les moyennes des scores à l’échelle de la CAP augmentent de façon significative entre le bilan pré-IC et le bilan 24 mois post-IC, et ce, pour G1 et G2. Il en est de même pour les moyennes des scores aux questionnaires MAIS et MUSS. Ces résultats indiquent que, pour les 2 groupes d’âge, les capacités de perception et d’utilisation de la parole progressent avec le recul à l’IC.  SIR Pour l’échelle de la SIR, les résultats aux bilans pré-IC et 3 mois post-IC indiquent une parole non intelligible, pour les 2 groupes.

En effet, et comme pour le développement 15 langagier de l’enfant normo-entendant, la compréhension précède la production. Tout ce passe comme si le jeune enfant sourd avait besoin d’intégrer les stimuli auditifs pour construire de bons repères perceptifs permettant l’entrée dans la parole et le langage. De plus, le recul post-IC est probablement trop limité pour permettre une amélioration de l’intelligibilité de la parole. Les différences de moyennes entre les bilans pré-IC et le bilan 24 mois ne sont significatives que pour G2. La variabilité des résultats pour G1, plus élevée que pour G2, peut s’expliquer par la notion d’âge développemental : au bilan 24 mois post-IC, les enfants de G1 ont moins de 3 ans (entre 31 et 35 mois), alors que ceux de G2 ont 3 ans ou plus (entre 3 ans et 3,5 ans). Un autre facteur à prendre en compte est peutêtre l’effet de la scolarisation. 

MAIS Pour le questionnaire MAIS, l’absence de différence significative entre les bilans 12 et 24 mois post-IC s’explique par le fait que, dès 12 mois post-IC, les scores s’approchent du score maximal, voire saturent pour la majorité des enfants des 2 groupes. L’interview des parents concernant la perception de leur enfant montre que l’échelle est saturée.  MUSS Pour la MUSS, l’absence de différence significative entre le bilan 12 mois post-IC et les autres bilans s’expliquent par une forte variabilité des données à 12 mois post-IC, et ce, pour les 2 groupes. A ce stade, certains enfants peuvent par exemple encore utiliser le geste en soutien à la parole, et les progrès en terme d’utilisation de la parole seule sont en cours de transfert et de généralisation.

Effet de l’âge à l’IC (résultats inter-groupes) 

Pour les 4 variables (échelles CAP et SIR, questionnaires MAIS et MUSS), nous ne constatons pas de différences significatives entre les 2 groupes, et ce, pour les 4 bilans sélectionnés (pré-IC, 3 mois, 12 mois, 24 mois post-IC). L’hypothèse de recherche qui présumait de meilleurs scores pour G1 par rapport à G2 n’est pas confirmée. En effet, quel que soit le bilan post-IC, nous n’observons pas de différences significatives entre les moyennes de G1 et de G2, et ce, pour chaque variable correspondant aux performances aux tests perceptifs et langagiers. Ce résultat indique que les enfants implantés avant l’âge de 12 mois suivent la même trajectoire de développement pour leurs capacités de perception et de langage que ceux ayant reçu un IC après l’âge de 13 mois. L’écart à la norme sera d’autant plus réduit que l’âge à l’IC est précoce.

En effet, un IC précoce permet non seulement de limiter la durée 16 de privation auditive, mais aussi d’initier une prise en charge précoce et ajustée. Ainsi, les parents peuvent s’impliquer au plus tôt, apportant les conditions nécessaires au développement d’un langage proche de celui des normo-entendants de même âge chronologique. Ce résultat est à mettre en perspective avec les résultats de l’étude de Colletti et al. (2012). Leur échantillon est divisé en 4 groupes d’âge à l’IC : 2-6 mois, 7-12 mois, 13-18 mois et 19-24 mois. Le groupe 2-6 mois présente des différences significatives à la CAP au bilan 48 mois post-IC, par rapport aux 3 autres. Les résultats entre les 3 autres groupes (d’âge à l’IC similaire à nos 2 groupes) ne sont pas significatifs, ce qui est en accord avec nos résultats au bilan à 24 mois post-IC. L’étude de Colletti et al. met également en avant l’absence de complications au niveau chirurgical, malgré le très jeune âge à l’IC (dès 2 mois). Les craintes concernant l’IC à quelques mois de vie, qui portent souvent sur les risques chirurgicaux, sont en effet à prendre en compte dans l’accompagnement des parents. 

Corrélations entre les scores aux échelles et questionnaires

 Afin de déterminer s’il existe des liens entre les variables correspondant aux scores aux échelles CAP et SIR et aux questionnaires MAIS et MUSS, des analyses de corrélations ont été menées. Des corrélations positives sont obtenues à 2 bilans : 12 et 24 mois post-IC. Au bilan 24 mois post-IC et pour les 2 groupes, nous obtenons des corrélations significatives : – entre les scores à l’échelle CAP et au questionnaire MAIS, mettant en avant un lien entre les performances perceptives de ces 2 tests ; – entre les scores aux échelles CAP et SIR : on constate un lien entre les capacités de perception et l’intelligibilité de la parole. En effet, une perception auditive fiable est indispensable pour que la parole et le langage se développent, d’où l’intérêt d’une prise en charge orthophonique précoce pour entraîner les capacités de perception via l’éducation auditive.

Pour G2, une corrélation supplémentaire est retrouvée entre les résultats au questionnaire MUSS et ceux à l’échelle SIR, soulignant une relation entre l’utilisation de la parole dans le quotidien et des situations d’interaction différentes, et son niveau d’intelligibilité. Au bilan 12 mois post-IC, ces 3 corrélations sont présentes uniquement pour G2, l’âge développemental expliquant probablement pourquoi ces corrélations ne sont pas retrouvées pour G1 (enfants plus jeunes avec une plus grande variabilité des résultats). 17 Une corrélation entre les performances perceptives (scores à la CAP) et l’intelligibilité de la parole (scores à la SIR) a déjà été mise en évidence dans les années 1990-2000. Necula et al. (2013) ajoute un questionnaire de qualité de vie (Nijmegen cochlear implant HRQoL) rempli par des parents d’enfants sourds ayant reçu un IC depuis au moins 6 mois. Les scores à ce questionnaire sont également corrélés à la CAP et à la SIR. Cette étude souligne le bénéfice apporté par l’IC pour les performances perceptives et langagières, mais aussi pour la qualité de vie. En effet, le développement d’un langage fonctionnel, avec une parole intelligible, est fondamental pour que les enfants sourds puissent développer des interactions de qualité entre pairs dès l’âge préscolaire. La surdité constitue un handicap pouvant mener à des restrictions de participation au niveau social, et l’IC précoce peut être considéré comme un levier permettant d’agir sur la qualité de vie de l’enfant sourd. 

Cette étude contient plusieurs limites

 D’abord, les données à 36 mois post-IC n’ont pas pu être complètement exploitées car celles correspondant aux enfants implantés récemment (une partie de G1) n’étaient pas encore disponibles. Une étude incluant ces données permettrait une comparaison à 3 ans post-IC et permettrait sûrement de faire ressortir d’autres résultats langagiers étalonnés auprès d’enfants normo-entendants de même âge chronologique, notamment. L’audition dans le bruit pourrait également être investiguée. Les données issues des bilans 6 mois et 18 mois post-IC ont été, quant à elles, écartées. En effet, le confinement lié à la pandémie du Covid-19 en 2020 a entraîné l’annulation de nombreux bilans. Par ailleurs, certains résultats n’ont pas été utilisés, comme les scores aux tests lexicaux et syntaxiques tels que l’IFDC, l’EVIP, le TEPPP, le Gael-P, l’O52, l’ECOSSE. Le nombre de résultats de chacun de ces tests n’était pas suffisant pour qu’ils soient exploités. Il en est de même pour le score à l’échelle de PatMoeller.

Nous n’avons pas pu montrer par des résultats statistiques l’importance de l’implication des parents dans la prise en charge orthophonique. Une analyse multifactorielle fondée sur des régressions linéaires multiples pourrait être une piste, nécessitant un échantillon plus important d’enfants inclus. Il serait intéressant de généraliser l’utilisation de cette échelle en pratique clinique. Des études pourraient être menées, visant à mettre en évidence des liens entre les performances perceptives et langagières et le score de participation familiale de l’échelle de PatMoeller, 18 en tenant compte, peut-être, d’autres facteurs comme la catégorie socio-professionnelle des parents. Le nombre d’orthophonistes dans l’équipe ayant fait passer les bilans est de 8. La validité inter-juges n’a pas pu être vérifiée, mais le suivi de chaque patient par une même orthophoniste assure une cohérence à l’évolution de leurs performances. Enfin, les échelles et questionnaires dont les scores correspondent à des mesures comportementales, présentent des validités publiées au niveau international. 

Implications de l’étude 

Les résultats de cette étude permettent de renforcer la connaissance dans le domaine de l’IC pédiatrique : au niveau de l’âge à l’IC, du développement des capacités perceptives et langagières, et de l’aspect clinique. Comme application pratique de cette étude, nous proposons l’utilisation généralisée d’une grille de perception pour enfants sourds avec IC en suivi orthophonique. Il s’agit de la grille LiP (Listening Profile), créée par Archbold (1994, cité par Nikolopoulos et al. en 2000), modifiée, puis traduite par Isabelle Prang (Hôpital Necker Enfants Malades). Nous avons nommé cette grille ArchPrang. Elle se trouve en Annexe C. Elle propose une évaluation de la perception de l’enfant aux bilans post-IC suivants : 3 mois, 6 mois, 12 mois, 24 mois et 36 mois post-IC. Très rapide à remplir, elle permet de suivre l’évolution des capacités perceptives. Des repères sont donnés à plusieurs étapes avec les résultats attendus à la CAP ou la MAIS. Une observation qualitative des résultats à cette grille pour notre échantillon a montré une bonne correspondance entre les scores attendus à chaque étape.

Son utilisation plus systématique en pratique clinique permettrait de suivre et visualiser facilement l’évolution perceptive des enfants avec IC, et ce, dans un objectif de développement d’un langage fonctionnel, proche de celui des enfants normo-entendants du même chronologique. Par ailleurs, dans le cadre du partenariat avec les parents, l’utilisation d’une échelle parentale d’estime de soi peut constituer un bon support en pratique clinique pour étayer les stratégies d’interactions des parents avec leur enfant, en valorisant les situations d’interactions positives. L’échelle de Joulaie et al. (2019), intitulée SPISE (Scale of Parental Involvement and Self Efficacy) en est un bon exemple. Elle contient 3 sections : informations démographiques, confiance en soi de la mère et implication parentale. Enfin, dans une optique de caractérisation du partenariat avec les parents, une étude est en cours à l’Hôpital Necker Enfants Malades avec l’exploitation des résultats issus de 19 l’utilisation de la technologie LENA™ (Gilkerson et al., 2009, cité par Canault et al., 2016). Cette technologie, composée d’un boîtier enregistreur, est destiné à analyser et traiter automatiquement l’environnement linguistique de l’enfant. Elle représente un moyen efficace pour soutenir au mieux les parents dans leurs stratégies de communication avec leur enfant sourd et valoriser la richesse des échanges linguistiques. 

Table des matières

INTRODUCTION
MÉTHODE ET MATÉRIEL
RÉSULTATS
DISCUSSION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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