Impacts de l’anthropisation et des changements globaux sur les écosystèmes aquatiques continentaux
Traits fonctionnels
Cinq traits fonctionnels, la profondeur du corps (hauteur maximale du poisson/longueur totale), l’aspect de la nageoire caudale (hauteur/surface de la nageoire caudale), la longueur maximale, le niveau trophique (moyenne du niveau trophique des proies + 1) et la reproduction (mois moyen de la saison de reproduction) ont été collectés pour 115 espèces à partir de deux bases de données complémentaires, FishBase (Froese et Pauly 2019) et FishTraits (Frimpong et Angermeier 2009) (Tableau 2.2). Le rapport hauteur maximale du poisson/longueur totale est utilisé ici pour représenter l’ utilisation de l’ habitat par l’espèce. En effet, les espèces plutôt aplaties (rapport faible) sont plus assujetties à vivre en milieu benthique que les poissons ayant un rapport plus élevé, qui elles, seront plus adaptées à vivre dans la colonne d’eau (Gatz 1979; Villéger et al. 2017). Le rapport hauteur maximale/longueur totale joue aussi un rôle dans la vitesse de nage ainsi que dans la manoeuvrabilité cela pouvant jouer un rôle lors de changement de vitesse du courant (Keppeler et al. 2020). L’aspect de la nageoire caudale représente une approximation de la vitesse de nage, ainsi que du métabolisme du poisson.
Un rapport élevé correspond à une vitesse de nage et un métabolisme élevé, pouvant aussi être important lors des changements de la vitesse d’eau (Sambilay 1990; Killen et al. 2016). La taille maximale du poisson représente, entre autres, la longévité du poisson, mais aussi la vitesse et la manoeuvrabilité du poisson (Das 1994; Blake 2004). Le niveau trophique des espèces représente logiquement leur place dans la chaîne trophique, donnant des informations sur leurs modes de vie et leur manière de s’alimenter; l’effet des changements environnementaux pourrait alors affecter différemment les espèces selon leurs niveaux trophiques (Cagnolo et al. 2009). La période de reproduction représente comment les étapes de la reproduction chez les poissons sont régulés par la température de l’eau (Servili et al. 2020).
En raison d’un manque d’informations dans les bases de données pour le fouilleroche gris (Percina copelandi), le brochet vermiculé (Esox americanus vermicultatus), le méné long (Clinostomus elongatus), le méné rose (Notropis rubellus), la barbotte des rapides (Noturus flavus) , le méné rayé (Luxilus chrysocephalus), et le gobie demi-lune (Proterorhinus semilunaris), la profondeur du corps et l’aspect caudal ont été mesurés à partir de photographies de FishBase et de Pêches et Océans Canada (https://sciencelibraries. canada.ca/englfisheries-oceans/). Nous avons mesuré ces traits à l’aide du logiciel ImageJ (Schneider et al. 2012), en suivant les directives sur les mesures de FishBase (« Externa1 morphology and measurement »).
Modèles statistiques
Le modèle JSDM que nous avons utilisé s’inscrit dans le cadre de la modélisation hiérarchique des communautés d’espèces (HMSC) décrite par Ovaskainen et al. (2017) et Ovaskainen et Abrego (2020), dont nous empruntons la notation ci-dessous. Notre JSDM est un modèle linéaire généralisé mixte multivarié qui intègre les informations contenues dans quatre matrices de données: abondances relatives CV) , variables environnementales CX), caractéristiques des espèces CT) et corrélations phylogénétiques CC), ainsi que trois effets aléatoires qui représentent le contexte spatiotemporel et d’autres caractéristiques de l’échantillonnage (site, année et type d’engin de pêche associé à chaque échantillon).
Le modèle statistique pour des données d’ abondance (comptage) est : Yij – PoiCÀ-ij ) , où À-ij est la moyenne de la distribution Poisson et varie selon les échantillons (i) , i = l, … ,2547, et les espèces U), j = l, … ,115. La moyenne est alors modélisée en fonction des covariables d’ intérêts et des effets aléatoires: À-ij = Lk Xikf3jk + êgCOj + êff(i)j + ê~COj· Le prédicteur linéaire qui est représenté par le terme de sommation dans cette équation intègr~ dans notre étude k = l, … ,8 covariables et leur coefficient de régression associé: f3jk qui est le coefficient de régression pour l’espèce j et la covariable k; Xik représente la covariable k pour l’ échantillon i et inclut une covariable constante, xii = 1, qui multiplie l’ordonnée à l’ origine f3jl.
En plus de la covariable liée à l’ordonnée à l’ origine, le prédicteur linéaire de notre étude inclut 6 covariables environnementales, turbidité, vitesse du courant, oxygène dissous, température de l’ eau, conductivité et profondeur. De plus, le prédicteur linéaire inclut aussi une covariable correspondant à l’ effort d’ échantillonnage, où pour chaque type d’engin d’échantillonnage, les valeurs de l’effort d’échantillonnage ont été mises à l’échelle en les divisant par l’effort moyen du type d’engin correspondant. Cette transformation a permis d’exprimer les unités d’effort en unités comparables (proportion de l’effort moyen) pour tous les types d’engins.
Toutes les covariables, à l’exception de la concentration en oxygène et de la température de l’eau, ont fait l’objet d’une transformation logarithmique pour améliorer la linéarité et réduire l’influence des valeurs extrêmes. Les effets aléatoires tiennent compte de la variation résultant de différences entre les types d’engins de pêche (Eg(i)) , les sites d’échantillonnages (Eff(i)j) et les années d’échantillonnages (E~(i)j) ‘ Ces effets aléatoires sont alors modélisés par Eg. – N(O, n G), Eff.. – N(O,nS) et E~ .. N(O,nY) ; et où QG , QSet QY représentent les matrices résiduelles de variance-covariance des effets aléatoires entre espèces liées aux effets aléatoires.
Ces matrices reflètent les interactions biotiques entre les paires d’espèces qui subsistent après ajustement pour les effets environnementaux et les effets liés à l’échantillonnage. Les coefficients P sont modélisés par une distribution normale multivariée dont les paramètres dépendent des traits fonctionnels des espèces et des relations phylogénétiques : P.. – N(p. .. , V ® [pC + (1 – p)/]). Les moyennes de la distribution Normale J1jk , correspondant à la niche écologique de l’ espèce j pour la covariable k et sont alors modélisées sous la forme d’une fonction linéaire: J1jk = I,tjlYlk , où tjb est la valeur du trait l = 1, … ,5 pour l’espèce j , et Ylk est l’ effet du trait l sur la réponse à la covariable k. Le symbole ® signale un produit Kronecker entre les matrices. V est une matrice de variance-covariance qui dénote de la variation des valeurs autour de l’ attendu, C est une matrice de corrélation phylogénétique, / est la matrice d’ identité et p est une valeur mesurant la force du signal phylogénétique. La variance résiduelle entre les espèces est alors entièrement liée à la phylogénie quand p = 1 et est totalement indépendante pour p = O.
Pour évaluer les informations supplémentaires obtenues via l’approche JSDM par rapport à une approche espèce par espèce, nous avons réalisé des modèles mixtes linéaires généralisés (GLMM) distincts pour chacune des 12 espèces vulnérables. Les GLMM diffèrent du modèle JSDM en traitant une seule espèce vulnérable à la fois et en n’incluant pas d’information sur les traits fonctionnels des espèces ou la phylogénie, mais ils utilisent le même ensemble de covariables, d’effets aléatoires, de distribution d’échantillonnage et de distributions a priori que le modèle JSDM. Nous avons utilisé les résultats du modèle JSDM pour examiner la forme des réponses des 12 espèces vulnérables à chaque facteur de stress environnemental potentiel en fixant les valeurs de toutes les autres covariables, effets aléatoires et termes d’erreur à leurs valeurs moyennes, et en traçant les valeurs attendues résultantes pour l’abondance relative.
La distribution a posteriori des paramètres pour tous les modèles a été obtenue par des simulations de Monte-Carlo à chaîne de Markov (MCMC) dans un cadre bayésien, en utilisant les distributions a priori par défaut du package HMSC 2.2-0 R (Blanchet et al. 2019). Au total, 3 000 échantillons ont été obtenus en réalisant trois chaînes MCMC pendant 250 000 itérations chacune, en éliminant les 125 000 premières itérations comme échantillons d’ adaptation, et en réduisant la taille des échantillons en conservant 1 sur 125 des 125 000 itérations restantes. La convergence des chaînes a été évaluée à l’aide de diagnostics Gelman-Rubin et d’analyses visuelles des traces du MCMC. Toutes les analyses ont été conduites dans R (R Core Team 2019).
Impacts de l’anthropisation et des changements globaux sur les écosystèmes aquatiques continentaux
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