Impact sur la transmission du paludisme de la mise en œuvre de mesures de lutte pour l’élimination dans des zones sahéliennes
Le coût socio-économique du paludisme
Actuellement, on estime à 3 milliards le nombre de personnes vivant dans des zones à risque de paludisme et ce chiffre est malheureusement en constante augmentation ces dernières années. Cela engendre des conséquences désastreuses, aussi bien sociales qu‟économiques, pour ce continent. Il est en effet important de noter qu‟un accès palustre simple, sans aucune complication, immobilise le malade pendant au moins une semaine, expliquant le frein qu‟apporte cette maladie au développement. On observe aujourd‟hui pour le paludisme une distribution géographique mondiale superposable au planisphère des pays pauvres. Mais il est important de souligner qu‟il n‟est pas seulement une maladie des pays pauvres mais aussi un facteur de pauvreté des pays où il sévit à grande échelle. En 2001, une étude estimait que le produit intérieur brut moyen des pays impaludés est 5 fois plus faible que celui des pays non impaludés (Gallup, 2001). Le poids du paludisme dans l‟économie africaine est estimé, pour ses effets directs, à plus de 1,3% de déficit de croissance annuel (RBM, 2005), soit une perte de productivité annuelle équivalente à 12 milliards de dollars. Cette maladie a également de nombreux effets collatéraux notables tels que des difficultés de scolarisation des enfants dues à l‟absentéisme prolongé et aux conséquences neurologiques d‟un accès grave.
Intensité et dynamique de la transmission palustre
La connaissance de la variabilité de la transmission de P. falciparum dans le temps et l’espace est très importante. Les zones et périodes à risque peuvent ainsi être identifiées, les méthodes de contrôle adaptées en conséquence, et les facteurs notamment climatiques, écologiques et démographiques définissant localement le niveau de transmission précisés. L‟intensité de la 21 transmission palustre peut être quantifiée de différentes manières. Les principaux indicateurs humains classiquement utilisés sont la prévalence de parasites dans le sang, déterminée par microscopie ou la biologie moléculaire. Les indicateurs entomologiques de la transmission sont les taux des anophèles femelles présentant des sporozoïtes dans les glandes salivaires (indices sporozoïtique et de l‟antigène circumsporozoïtique). Le taux de femelles porteuses de sporozoïtes est un bon indicateur de la proportion de moustiques potentiellement infectants pour l’homme. De plus, le produit de ce taux d’infection par le nombre de piqûres reçues permet une estimation du taux d’inoculation entomologique (TIE, ou Entomological Inoculation Rate, EIR), exprimé en nombre de piqûres infectées (potentiellement infectantes) reçues par homme et par unité de temps. La prévalence parasitaire (indice plasmodique) chez les enfants ont permis la distinction de plusieurs niveaux d’intensité croissante : hypoendémie, mésoendémie, hyperendémie- et holoendémie (Metselaar and Van Thiel 1959). Cependant cette classification ne prend en compte ni la composante vectorielle, ni la composante morbidité et le développement de l’immunité avec l’âge. La notion de faciès épidémiologique a donc été introduite (Carnevale et al. 1984), prenant en compte les caractéristiques de la transmission vectorielle, le développement de l’immunité ainsi que les manifestations pathologiques du paludisme, selon les contextes éco-climatiques. La notion de stabilité temporelle de la transmission est également importante. On distingue le paludisme stable, dont l’intensité de transmission est relativement constante au cours de la période de transmission, du paludisme instable, caractérisé par des variations cycliques du niveau de transmission plus ou moins marquées selon la situation éco-climatique. Le profil de transmission palustre dans une zone donnée découle en grande partie des conditions éco-climatiques et des vecteurs en présence. Figure 2.1: Pays ou zone à risque de transmission de paludisme dans le monde en 2009
Epidémiologie et clinique du paludisme
Mode de transmission de la maladie
Le paludisme est une parasitose due à des hématozoaires du genre Plasmodium transmis par la piqûre de femelles de moustiques du genre Anopheles. Sur environ 400 espèces et sous espèces d‟anophèles recensées, 35 sont considérées comme des vecteurs potentiels du paludisme humain, dont notamment An. arabiensis, An. gambiae et An. funestus qui sont les plus importantes en Afrique subsaharienne et au Sénégal (Diagne et al, 1994). Les anophèles ont besoin pour leur développement de chaleur et de points d‟eau peu profonds, allant des flaques d‟eau aux petites rivières, qui leur servent de gîtes larvaires. C‟est la raison pour laquelle le paludisme est essentiellement concentré entre les tropiques où les saisons des pluies sont les plus favorables à la production des vecteurs. Pour ce qui est des parasites (Plasmodium), 123 espèces ont été répertoriées. Elles ont toutes une grande spécificité d‟hôte et des cycles biologiques similaires bien que non identiques. Il existe quatre espèces plasmodiales pathogènes pour l‟Homme: Plasmodium falciparum, Plasmodium ovale, Pasmodium malariae, Plasmodium vivax. Une cinquième espèce, Plasmodium knowlesi, a été décrite comme infectant l‟homme (Singh, Kim Sung et al. 2004). Sur les quatre espèces spécifiques à l‟homme, certains Africains sont naturellement résistants à l‟une, à savoir P. vivax, grâce à leur gène Duffy négatif (Miller, 1976 B). Aussi, ce parasite n‟est que très peu, voire pas, observé sur le continent Africain. La seule espèce réellement meurtrière est P. falciparum, espèce la plus présente au Sénégal et dans de nombreuses parties du globe. Le cycle parasitaire se révèle excessivement complexe. Un cycle sexué est observé chez le moustique, tandis que chez l‟homme nous observons un cycle asexué qui se trouve d‟abord être pré érythrocytaire (intra-hépatique) puis érythrocytaire. Cette complexité explique le grand nombre de difficultés dans l‟élaboration et le choix de molécules potentiellement vaccinales et thérapeutiques.
Cycle sexué chez le moustique : sporogonie
Un repas sanguin sur un hôte humain infecté est nécessaire à l‟anophèle femelle pour ingérer le parasite sous ses diverses formes dont les gamétocytes (mâles et femelles). Le moustique se révèle alors infecté et le cycle sexué de reproduction du parasite peut commencer. Les gamétocytes se transforment en gamètes qui, après fécondation, aboutissent à la formation d‟oocystes, et cela moins de 24h après le repas sanguin. Chaque oocyste formé se divise et se multiplie afin de libérer, 4 à 15 jours après le repas sanguin, plusieurs milliers de sporozoïtes 23 qui iront coloniser les glandes salivaires. C‟est à partir de ce moment-là que le moustique est infectant pour l‟homme. En effet, tout nouveau repas sanguin sera accompagné d‟une libération des sporozoïtes chez l‟hôte humain causée par les sécrétions salivaires associées. Figure 2.2: Cycle sexué chez le moustique
Cycle asexué chez l’homme: schizogonie
Après une piqûre infectée, les sporozoïtes qui ont été injectés dans les capillaires cutanés atteignent rapidement le foie. Pendant ce court laps de temps, ils sont vulnérables aux effecteurs du système immunitaire et aux cellules phagocytaires. Seuls ceux ayant réussi à pénétrer dans les hépatocytes pourront continuer leur maturation/réplication. Le parasite se trouve alors être dans une phase de réplication intra-hépatique illustrée à la figure 2.3. Celle-ci est totalement asymptomatique. Elle dure six à quinze jours et se termine par l‟éclatement des hépatocytes infectés permettant la libération d‟un grand nombre de mérozoïtes dans la circulation sanguine. P. falciparum présente une spécificité importante lors de cette phase : il ne présente pas d‟eléments persistants dans les cellules hépatiques appelées hypnozoïtes. Cette caractéristique explique entre autre que les rechutes pouvant être observées avec Plasmodium vivax et Plasmodium ovale ne soient pas observées dans les cas de P. falciparum. Figure 2.3: Phase asexuée pré-érythrocytaire Libérés dans le sang, les mérozoïtes envahissent des globules rouges (GR) et le cycle de réplication érythrocytaire, peut ainsi commencer. C‟est un processus cyclique, allant de l‟invasion d‟un GR à son éclatement, permettant ainsi la libération d‟une trentaine de nouveaux mérozoïtes qui pourront coloniser d‟autres GR. Pendant ce cycle qui dure 48h pour P. falciparum, le parasite – initialement présent sous la forme d‟un mérozoïte libre Ŕ passe après invasion par différentes phases : anneau, trophozoïte, schizonte et rosace dans le GR. La rosace est le stade de maturation ultime qui correspond à un schizonte sur le point d‟éclater pour libérer de nouveaux mérozoïtes. L‟éclatement des GR, provoquant l‟anémie, est à l‟origine des nombreux symptômes cliniques du paludisme. Pour alimenter le cycle hôte vecteur, certains anneaux vont se différencier en gamètocytes mâles et femelles. Ces formes non pathogènes pour l‟homme circuleront dans le sang jusqu‟à plusieurs semaines après la fin de l‟infection. Ces gamètocytes pourront être ingérés par un vecteur compétent lors d‟un repas sanguin, infectant alors l‟anophèle et permettant ainsi la propagation de la maladie. La compétence vectorielle est déterminée par le fait qui facilite le développement normale du Plasmodium du stade ookynete jusqu‟au stade sporozoïte. La capacité vectorielle d‟une population de vecteur est définie comme le nombre de contacts quotidiens, potentiellement infectants par la population de vecteurs à partir d‟un cas humain infecté.
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