Impact sur la survie globale de la dysthyroïdie sous inhibiteur de checkpoint immunitaire
Le traitement médical des cancers solides a radicalement changé depuis le développement des Inhibiteurs de Checkpoint Immunitaire (ICI) (1–4). Dans de nombreuses tumeurs solides métastatiques, les ICI ont démontré un bénéfice de survie globale (SG) à long terme (5,6). Plus récemment, ces thérapies ont été intégrées dans des stratégies néo-adjuvante et adjuvante (7,8). Parallèlement à ces avancées, la connaissance des effets indésirables (EI) immuno-induits a quant à elle augmenté incitant les oncologues à une étroite collaboration avec les autres spécialités médicales. Certains effets indésirables sont transitoires tandis que d’autres deviennent des affections au long court (9). Parmi ces effets secondaires, l’hypothyroïdie est l’EI endocrinien le plus fréquent, suivie de l’hyperthyroïdie. L’hypothyroïdie survient chez environ 6 % des patients traités par anti- PD1/PDL1, tandis que l’hyperthyroïdie survient chez 3 % d’entre eux (10). La survenue de dysthyroïdie varie en fonction du type d’ICI utilisé, ainsi la combinaison ipilimumab/nivolumab entraîne plus de dysthyroïdie (environ 20%) (11) que les anti- PD1/PDL1 ou que l’ipilimumab seul (5%) (12). Dans les études, une distinction est faite entre l’hypothyroïdie et l’hyperthyroïdie et ces évènements sont toujours classés comme des EI distincts cependant ils peuvent faire partie du même processus physiopathologique appelé thyroïdite. La thyroïdite se caractérise par une période transitoire de thyrotoxicose suivie d’une hypothyroïdie ou d’une euthyroïdie. Dans certaines séries, la thyroïdite survient chez 7 % des patients traités par ICI. Le délai médian d’apparition de la thyrotoxicose est d’environ 6 semaines tandis que l’hypothyroïdie survient environ 10 semaines après la première dose d’ICI (13). La plupart des thyrotoxicoses sont transitoires et asymptomatiques et ne nécessitent pas de traitement spécifique alors que l’hypothyroïdie entraîne une supplémentation à vie. Dans les deux cas, la sévérité de ces évènements excède rarement le grade 2 et l’ICI est poursuivi. (14,15) induits améliorent la survie (21). La dysthyroïdie semble elle aussi être associée à la survie dans certaines études rétrospectives (22). Cependant, l’étude de l’association entre la survie et la survenue d’EI immuno-induit est délicate en raison d’une part des biais habituels inhérents aux études rétrospectives et d’autre part à la présence d’un biais spécifique dit d’immortalité (23). Les études de cohorte rétrospective sont habituellement limitées par des données manquantes, un nombre important de perdus de vue ou un faible nombre de patients entraînant un faible niveau de preuve (24,25). Le biais d’immortalité survient quant à lui lorsque des évènements dont la survenue dépend du temps sont présents dans l’analyse. En effet dans le cas des EI immuno- induits, les patients qui sont décédés ou dont la maladie a progressé précocement n’ont pas l’occasion de développer un EI car ces derniers surviennent souvent après plusieurs semaines de traitement. Ce biais n’est pas incontournable et doit être pris en compte par une analyse statistique adaptée et rigoureuse. Ainsi, davantage de preuves sont nécessaires pour confirmer l’association de la dysthyroïdie avec la survie chez les patients traités par ICI, en tenant compte du biais d’immortalité.
Critères de jugement
La survie globale (SG) a été définie comme le temps écoulé entre la première dose d’ICI et le décès, toutes causes confondues. Pour les analyses landmark, la SG a été définie comme le temps écoulé entre le landmark et le décès. Nous avons exploré deux landmark. Le premier landmark de 2 mois était une analyse exploratoire car le temps médian d’apparition de la dysthyroïdie était d’environ 2 mois dans notre cohorte. Le landmark de 6 mois a été positionné suite aux données de la littérature (22). Le suivi a été défini comme le temps écoulé entre la première dose d’ICI et la censure.
Analyse statistique
Les caractéristiques de la population ont été rapportées à la fois en valeurs absolues et en pourcentages. La valeur pronostique de la dysthyroïdie, de l’âge, du sexe, de la localisation du cancer, de la ligne d’ICI et du type d’ICI a été évaluée en utilisant des modèles univarié et multivarié à risques proportionnels de Cox. Toutes les variables associées à la SG dans l’analyse univariée ont été incluses dans le modèle multivarié de Cox. Un modèle de Cox dit dépendant du temps a été réalisé afin de tenir compte du biais d’immortalité. Dans ce modèle, la dysthyroïdie a été traitée comme une covariable variant dans le temps et un HR ajusté a été calculé (28,29). Un modèle de Cox dit indépendant du temps a également été réalisé pour mettre en évidence l’effet du biais d’immortalité sur les analyses.