Impact du phénomène pour le malade, les proches aidants et la société

Synthèse des résultats

L’analyse des articles fait ressortir un certain nombre d’éléments mis en avant par les six études. Dans cette partie du travail, les éléments qui se retrouvent dans plusieurs résultats vont être regroupés en thèmes afin de faciliter leur visibilité. Sur les six études, deux études qualitatives (Donnely, 2005 ; Youssef & Deane, 2006), pointent le rôle de la culture dans les croyances sociales stigmatisantes de la schizophrénie auprès des proches aidants immigrés. Une autre étude qualitative (Gearing, DeVylder, Chen, Pogge, & Buccolo, 2014), met en avant les représentations sociales qui stigmatisent la maladie mentale et plus précisément l’amalgame qui est fait entre la schizophrénie et la folie comme principal obstacle à la reconnaissance et à la prise en charge de la maladie chez les adolescents et leurs parents au début de la maladie. Deux articles quantitatifs (Fortune, Smith, & Garvey, 2005 ; Lobban, Barrowclough, & Jones, 2005b), ont fait des interventions avec des outils d’évaluation sur les représentations cognitives des proches aidants, et le dernier article (Yang et al., 2013) à devis mixte (quantitatif et qualitatif) a fait une intervention qui met en exergue l’impact de la psychoéducation chez les proches aidants issus de l’immigration.

Les principaux thèmes qui ressortent sont les croyances sociales qui stigmatisent la maladie mentale et leur impact sur la personne malade et les proches aidants (Donnely, 2005 ; Fortune et al., 2005 ; Gearing et al., 2014 ; Lobban et al., 2005 ; Yang et al., 2013 ; Youssef & Deane, 2006). D’autres études montrent la peur de la stigmatisation sociale et l’intériorisation de la stigmatisation sociale par les proches aidants (Donnely, 2005 ; Gearing et al.,2014 ; Yang et al., 2013 ; Youssef & Deane, 2006). Le coping comme réponse des proches aidants à la stigmatisation et au manque de connaissances a été mise en évidence par l’ensembles des études (Donnely, 2005 ; Fortune et al., 2005; Gearing et al., 2014 ; Lobban et al., 2005 ; Yang et al., 2013 ; Youssef & Deane, 2006). Pour finir, la connaissance des représentations cognitives des proches aidants et le soutien par la psychoéducation comme intervention des professionnels ont été proposés par trois études qui ont fait des interventions auprès des proches aidants (Fortune et al.,2005 ; Lobban et al., 2005 ; Yang et al., 2013). Au final, cinq principaux thèmes ont été identifiés et seront développés dans les lignes qui suivent.

Les croyances sociales stigmatisantes de la maladie

Les résultats des études (Donnelly, 2005 ; Gearing et al., 2014 ; Yang et al., 2013 ; Youssef & Deane, 2006), montrent le rôle des croyances sociales stigmatisantes de la schizophrénie et son impact sur la personne malade et ses proches aidants. L’étude de Donnelly (2005) (n= 10), a exploré les croyances sur la schizophrénie et son impact auprès des parents américano-coréens immigrés aux USA et s’occupant de leur enfants adultes souffrant de schizophrénie. L’étude révèle que certains parents considèrent la schizophrénie comme une manifestation des esprits démoniques. Les croyances culturelles sur l’étiologie de la maladie entrainent, chez les parents, des sentiments de stigmatisation sociale, de honte familiale et de déshonneur. L’étude de Gearing et al. (2014) (n= 28), dont 12 parents proches aidants américains et 12 adolescents américains souffrant de schizophrénie, s’est penchée sur la perception de la schizophrénie aux différentes étapes de la maladie. Cette étude montre que l’amalgame qui est fait entre la schizophrénie et la folie, de même qu’une représentation négative de la maladie à son stade précoce peuvent retarder la décision de consulter les professionnels de la santé mentale.

Ainsi, au stade précoce de la maladie, 92% (n=11) des adolescents associent la schizophrénie à la folie et 31% (n= 5) des parents sont dans le déni ou l’auto-blâme. Youssef et Deane (2006), dans leur étude (n= 35) qui explore les attitudes et facteurs culturels qui impactent l’utilisation des services de santé mentale dans une communauté arabe vivant en Australie, mettent en lumière que la majorité des participants (86%) attribue la cause de la schizophrénie aux pouvoirs maléfiques. Aussi, 97% des participants ont évoqué la peur de la stigmatisation sociale et la honte comme des barrières à l’utilisation des services de santé mentale. Ainsi certaines croyances sociales stigmatisantes de la maladie peuvent déterminer le comportement de santé des proches aidants et influencer leur relation avec le malade. Les auteurs recommandent d’associer les proches aidants à la prise en charge de la maladie en ayant une bonne connaissance de leur culture et en investiguant leurs croyances sur la maladie.

L’intériorisation de la stigmatisation sociale par les proches aidants Les études de Youssef et Deane (2006) (n= 35) et Donnelly (2005) (n=10), montrent que la stigmatisation sociale et les croyances socioculturelles et religieuses sur l’étiologie de la maladie isolent le malade et les proches aidant du reste de leur communauté. La perception de la stigmatisation sociale entraîne chez les proches aidants des sentiments de honte et de déshonneur familial. La majorité des proches aidants vont s’isoler de leur réseau social en cherchant à occulter la maladie de leurs enfants, et les résultats de Gearing et al., (2014) (n= 28), montrent que 31% des parents américains dont les enfants souffrent de schizophrénie sont dans le déni ou l’auto-blâme. L’étude a aussi montré que la majorité des parents se dévalorisent ou sous-estiment les capacités de leurs enfants en raison de la stigmatisation sociale. Ainsi, trois années après le diagnostic une majorité des adolescents 67% (n= 8), acceptent et intègrent la maladie dans leur identité alors qu’une majorité de parents 69% (n= 11) ont des difficultés d’acceptation du diagnostic de la psychose de leur enfant.

Les résultats de l’étude de Yang et al., (2013) (n= 11), qui a fait une intervention pour réduire les effets de la stigmatisation auprès des proches aidants chinois immigrés aux USA, révèle que l’intériorisation de la stigmatisation a diminué de manière significative chez la majorité des proches aidants (n= 6). Les proches aidant ont affirmé que la méthode de pairs éducateurs utilisée par l’étude leur a permis de sortir de l’isolement social, en prenant appui sur l’expérience pratique des autres proches aidants. Les auteurs recommandent la méthode pour la pratique clinique tout en reconnaissant que l’aspect culturel et la taille de l’échantillon constituent de sérieuses limites pour le caractère généralisable. Les auteurs des autres études soutiennent l’idée d’investiguer les sentiments d’auto stigmatisation des proches afin de les soutenir.

Mise en perspective des principaux résultats avec le cadre de référence

Le but de cette revue de littérature est de rechercher des interventions infirmières pouvant contribuer à réduire l’impact des représentations sociales stigmatisantes de la schizophrénie auprès des proches aidants. Dans cette optique le modèle de McGill, orienté vers la promotion de la santé, est adapté et pertinent par rapport à la question de recherche, car il permet des éclairages sur les interventions infirmières en lien avec les résultats. Dans les lignes qui suivent, les principaux concepts du modèle de McGill sont mis en perspective avec les résultats issus de l’analyse des articles de recherche. Concept de la situation de santé de la personne/famille. Les résultats des études ont montré que les croyances culturelles sur l’étiologie de la maladie sont associées aux comportements de santé des proches aidants (Donnelly, 2005 ; Gearing et al., 2014 ; Yang et al., 2013). D’autres études mettent en avant, dans leurs résultats, la peur de la stigmatisation comme facteur important dans les retards de consultations. Ainsi, selon Youssef et Deane (2006), 97% des participants ont évoqué la peur de la stigmatisation sociale et la honte comme des barrières à l’utilisation des services de santé mentale.

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Les auteurs recommandent d’associer les proches aidants à la prise en charge de la maladie, tout en ayant une bonne connaissance de leur culture et en investiguant leurs croyances sur la maladie. En lien avec le concept de la situation de santé, les infirmiers travailleront en collaboration avec la personne/famille (Sauvé & Paquette-Desjardins, 2002). L’investigation de la situation de santé permettra aux infirmiers d’identifier les croyances et les représentations stigmatisantes de la maladie chez la personne/famille ou le proche aidant afin d’en tenir compte dans la prise en charge du malade. Yang et al. (2013) et Donnelly (2005), pointent le manque de connaissances des proches aidants sur la maladie comme l’un des facteurs importants dans les croyances sociales stigmatisantes et le processus de recherche d’aide. Le model de McGill, qui recommande l’investigation de la situation de santé, rejoint aussi les recommandations des auteurs qui suggèrent d’investiguer les connaissances des proches aidants afin de les prendre en compte dans la prise en charge du malade. Ainsi, selon Sauvé et Paquette- Desjardins (2002), l’identification des éléments qui constituent des handicaps dans la situation de santé de la personne/famille est l’une des étapes importantes dans la démarche clinique car elle oriente la démarche des infirmiers.

Confrontation des résultats à la question de recherche et mise en perspective avec la littérature de la problématique Des différents articles analysés dans le cadre de ce travail ressortent trois axes principaux sur lesquels peuvent agir les infirmiers pour diminuer l’impact des représentations stigmatisantes auprès des proches aidants de personnes atteintes de la schizophrénie. Le premier domaine d’intervention fait référence à la connaissance des représentations stigmatisantes des proches aidants, le second est lié à l’évaluation de l’impact des représentations stigmatisantes et le troisième est lié à l’accompagnement des proches aidants par une psychoéducation. Les études ont montré le rôle majeur des croyances ou des représentations sociales négatives de la maladie et le fait que ces représentations peuvent entraîner, chez les proches aidants, des attitudes qui retardent ou entravent la prise en charge du malade.

L’étude de Gearing et al. (2014), montre que l’amalgame qui est fait entre la schizophrénie et la folie, de même qu’une représentation négative de la maladie à son stade précoce, peuvent retarder la décision de consulter les professionnels de la santé mentale. Selon la lecture de la problématique, les représentations stigmatisantes de la maladie auprès des proches aidants sont un facteur important dans les risques de rechute des malades (Barrowclough & Parle, 1997 ; Castillo et al., 2008), d’où l’importance du rôle infirmier d’investiguer ses représentations avec des outils de mesure (Yang et al., 2013). L’intervention de l’étude corrélationnelle de Lobban et al. (2005) (n= 62), montre que le manque de connaissances sur la maladie, chez les proches aidants de l’étude en Angleterre, est corrélé positivement avec une représentation négative de la maladie, alors qu’une meilleure connaissance de la maladie est corrélée positivement avec un meilleur sentiment de contrôle sur la maladie. Les résultats suggèrent d’investiguer les connaissances des proches aidant et de les inclure dans la prise en charge du malade. Le rôle infirmier dans la connaissance dans l’identification des croyances permettra aux infirmiers de mieux cibler les objectifs de la prise en charge selon Lobban et al. (2005).

Dans la problématique, Castillo et al. (2008), soulignent l’importance d’une collaboration multidisciplinaire auprès des proches aidants afin de détecter les possibles représentations stigmatisantes qu’ils ont sur la maladie, cela afin d’améliorer la prise en charge et de prévenir des rechutes chez les personnes malades. Selon l’étude de Youssef et Deane (2006), certaines croyances religieuses peuvent déterminer le comportement de santé des proches aidants et influencer leur relation avec le malade et les professionnels de la santé. Les participants de l’étude affirment que c’est prioritairement vers la famille et les leaders religieux que s’orientent les recherches d’aide. Les auteurs soulignent l’importance d’une bonne connaissance de la culture et des croyances du malade et des proches aidants. En lien avec les résultats de leur étude, Youssef et Deane (2006), conseillent également d’élargir le concept de proches aidants aux représentants religieux qui peuvent être aussi associés à la prise en charge. Dans leurs études, Youssef et Deane (2006) et Donnelly (2005), indiquent que la perception de la stigmatisation sociale entraîne chez les proches aidants des sentiments de honte et de déshonneur familial. Cela amène la majorité des proches aidants à s’isoler de leur réseau social en cherchant à cacher la maladie de leurs enfants. Gearing et al. (2014) (n= 28), évoquent le déni ou l’auto-stigmatisation et la dévalorisation chez certains parents américains dont les enfants sont atteints de schizophrénie. La problématique de l’impact des représentations démontrant le fardeau et l’isolement social qu’elles entraînent pour les proches aidants (Muhlbauer, 2002), occupe de nos jours une place de plus en plus importante dans le système d’aide à la personne malade (Boye et al., 2001).

Table des matières

1. Introduction
2. Problématique
Ampleur du phénomène
Épidémiologie
Traitement
Impact du phénomène pour le malade, les proches aidants et la société
Intérêt du sujet pour la discipline infirmière
2.1. Question de recherche
2.2. Les concepts
3. Cadre théorique : le modèle conceptuel de Moyra allen McGill
4. Méthodologie
5. Présentation des résultats
5.1. Tableaux des résultats
5.2. Synthèse des résultats
Les croyances sociales stigmatisantes de la maladie
L intériorisation de la stigmatisation sociale par les proches aidants
Le manque de connaissances des proches aidants sur la maladie
Le coping comme réponse des proches aidants à la stigmatisation et au manque de connaissance sur la maladie
L importance de la connaissance des représentations cognitives des proches aidants et de la psychoéducation
6. Discussion
6.1. Mise en perspective des principaux résultats avec le cadre de référence
Concept de la situation de santé de la personne/famille.
Concept de l impact de la situation de santé sur la personne/famille.
Concept du coping de la personne/famille.
6.2. Confrontation des résultats à la question de recherche et mise en perspective avec la littérature
de la problématique
6.3. Validité et limites des études utilisées
6.4. Caractère généralisable des résultats à d autres populations
6.5. Implication pour la pratique et la recherche
6.6. Les apprentissages réalisés
7. Conclusion
8. Références
9. Annexes

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