Impact du paludisme sur la durée de la phase 1 de la récupération nutritionnelle des enfants
Analyse de la durée de la phase
Durée moyenne de la phase 1
selon les caractéristiques cliniques et biologiques des enfants Le Tableau 4 présente la durée moyenne des phases de la récupération nutritionnelle ainsi que les caractéristiques anthropométriques à la sortie. La durée moyenne de la phase 1 des enfants est de 2,3 ± 1,1 jours. Celle de la phase de transition est de 1,6 ± 1,0 jours sur une durée moyenne de séjour au CRENI de 5,7 ± 2,6 jours. Tableau 4 : Durée moyenne des différentes phases de la récupération nutritionnelle et caractéristiques anthropométriques à la sortie selon les groupes Groupe 1 1 (n = 53) Groupe 2 1 (n = 53) Phase 1 2,4 ± 1,0 2,2 ± 1,1 Phase de transition 1,6 ± 1,0 1,7 ± 1,0 Durée de séjour au CRENI 5,5 ± 2,6 5,8 ± 2,7 Poids (kg) 6,6 ± 1,4 6,3 ± 1,8 Taille (cm) 72,8 ± 7,3 71,1 ± 9,4 Indice P(T) (Z-score) -3,5 ± 1,0 -3,6 ± 0,9 Indice T(A) (Z-score) -2,5 ± 1,7 -2,9 ± 1,7 1 Moyenne ± écart type ; Durée (jour). La durée de la phase 1, de la phase de transition ainsi que la durée de séjour au CRENI ne diffèrent pas significativement chez les enfants du groupe 1 et 2. De même, on ne note pas de différence significative entre les deux groupes en fonction des caractéristiques anthropométriques de sortie du CRENI. La durée moyenne de la phase 1 des enfants du groupe 1 et 2 en fonction des caractéristiques cliniques est présentée dans le Tableau 5. Tableau 5: Durée moyenne de la phase 1 en fonction des caractéristiques cliniques 1 Groupe 1 n 1 Groupe 2 n Formes cliniques de la MAS • Marasme 2,3 ± 0,9a 50 2,1 ± 0,8a 52 • Kwashiorkor/Forme mixte 3,8 ± 0,6b 3 – 1 Complications associées • Diarrhée 2,4 ± 0,9 45 2,2 ± 1,1 51 • Diarrhée/Déshydratation 2,8 ± 1,3 4 – – • Autres 2,1 ± 1,5 4 2,3 ± 0,9 2 Nombre de signes de morbidité • 1 2,3 ± 1,0 34 2,3 ± 1,1 37 • 2 2,4 ± 0,9 7 2,4 ± 1,0 15 • 3 2,6 ± 2,1 3 – – 1 Moyenne ± écart type; a/b (p = 0,01 ). Les moyennes ayant le même exposant ne sont pas significativement différentes. Durée en jour Les enfants qui souffrent de marasme ont une durée en phase 1 comparable quel que soit le groupe. Au sein du groupe 1, les enfants souffrant de kwashiorkor et de la forme mixte ont une durée de la phase 1 significativement plus élevée que celle des enfants souffrant de marasme (p = 0,01). Quels que soit les complications associées ou le nombre de signes de morbidité la durée de la phase 1 des enfants du groupe 1 et 2 ne diffère ni entre les groupes, ni au sein de chaque groupe. La durée moyenne de la phase 1 en fonction des paramètres biologiques est indiquée dans le Tableau 6. 23 Tableau 6: Durée moyenne de la phase 1 selon les paramètres biologiques 1 Groupe 1 n 1 Groupe 2 n Anémie • Modérée à sévère 2,4 ± 1,1 18 2,2 ± 1,2 24 • Marginale 2,8 ± 1,2 14 3,8 ± 2,3 4 • Non anémié 2,1 ± 0,8 21 1,8 ± 0,6 21 Glycémie • Hypoglycémie 2,7 ± 1,3 13 2,0 ± 0,8 13 • Glycémie normale 2,3 ± 0,9 40 2,2 ± 1,1 40 Sérologie VIH • Négative 2,3 ± 1,0a 50 2,2 ± 1,1 53 • Positive 3,8 ± 1,5b 2 – – 1 Moyenne ± écart type ; Durée en jour ; a/b (p = 0,04) A l’exception des enfants séropositifs qui ont une durée de séjour en phase 1 plus longue (p = 0,04) comparés aux enfants séronégatifs du groupe 1, aucune différence n’est observée sur la durée de la phase 1 en fonction des paramètres biologiques. Tableau 7 : Facteurs associés à la durée de la phase 1 de la récupération nutritionnelle Coefficient (β) Erreur standard de β p Marasme -2,2 0,5 0,000 Sérologie négative -1,8 0,6 0,005 Anémie marginale 0,8 0,2 0,001 Les facteurs associés à la durée de la phase 1 sont obtenus à partir de la régression linéaire multiple. Les variables introduites dans le modèle sont l’anémie marginale, non anémié, la sérologie VIH négative et positive, les différentes formes cliniques de la MAS. On observe une association négative entre la durée de la phase 1 et le marasme ainsi que la sérologie VIH négative, en revanche la durée de la phase 1 est positivement associée à l’anémie marginale. Tous ces prédicateurs constituent un modèle qui explique 32% des variations de la durée de la phase 1 (R2 = 0,32). 24
DISCUSSION
La durée totale de séjour au CRENI des enfants est de 5,7 jours et est liée au fait que l’étude a été réalisée dans un CRENI. En fait, l’objectif du CRENI est de stabiliser les complications associées dont souffre l’enfant jusqu’à la reprise de l’appétit avant de le référer vers un centre ambulatoire pour continuer la récupération nutritionnelle jusqu’à la guérison (OMS, 2007). Les enfants non paludéens et paludéens ne diffèrent pas significativement en fonctions des caractéristiques générales retenues dans cette étude. Néanmoins, la tranche d’âge de 12 à 23 mois est la plus touchée par la MAS aussi bien chez les enfants non paludéens que chez les enfants paludéens avec respectivement 45,3% et 50,9%. Cette observation confirme le principe déjà connu que la malnutrition survient généralement au moment du sevrage dont la cause est le plus souvent associée à une alimentation de complément inadaptée. Cette constatation a été également observée par d’autres auteurs (Deribew et al., 2010 ; Ake et al., 2005 ; Sall et al., 2000 ; Diouf et al., 1990). Par ailleurs, la majorité des enfants souffrent de marasme aussi bien chez les enfants non paludéens que chez ceux qui ont le paludisme. Cette prédominance du marasme dans les formes cliniques de la MAS a été observée dans plusieurs études (Malonga et al., 2008 ; Beau et al., 1998 ; Prazuck et al., 1993 ; Diop et al., 2003). Selon le rapport de l’UNICEF portant sur la crise nutritionnelle au Niger en 2010, Cette forte prévalence de marasme serait due à l’insécurité alimentaire associée à des périodes de sécheresse récurrentes (UNICEF, 2010). Ce travail a permis d’évaluer l’impact du paludisme sur la durée de la phase 1 de la récupération nutritionnelle des enfants nigériens âgés de 6 à 59 mois souffrant de MAS. La durée de la phase 1 est comparable chez les enfants souffrant de MAS ayant ou non le paludisme. Elle est de 2,2 jours chez les premiers et de 2,4 jours chez les derniers. Ce résultat est probablement du au traitement antipaludéen offert aux enfants paludéens atténuant ainsi les effets du paludisme. Ces durées sont supérieures à la durée obtenue au Sénégal par Diop et al., de 1,5 jours (2003). Cette différence pourrait être due au nombre élevé de complications associées et de signes de morbidité dont souffrent ces enfants nigériens. En effet, la plupart des enfants paludéens ou non souffrent de marasme associé a une diarrhée. Ce résultat a été également observée par d’autres auteurs (Bachou et al., 2006 ; Friedman et al., 2005). En outre ces enfants viennent de l’intérieur de la région de Tahoua ou l’environnement est 25 insalubre. De plus comme l’indique l’étude, les parents ont un niveau d’instruction très bas et vivent dans une situation socio-économique défavorable. L’ensemble de ces facteurs pourraient expliquer cette forte proportion de diarrhée surtout présente dans la tranche d’âge de 12 à 23 mois. Il faut également noter que la période 12-23 mois correspond aux deux étapes capitales de la vie d’un enfant que sont la diversification alimentaire et le sevrage (Diouf et al., 1990). La durée de la phase 1 chez les enfants souffrant de MAS non paludéens et paludéens ne diffère pas significativement en fonction du marasme. Mais au sein des enfants non paludéens, ceux qui souffrent de kwashiorkor et de la forme mixte sont peu nombreux mais ont une durée en phase 1 significativement plus longue que celle des enfants souffrant de marasme. A cause du faible nombre d’enfants œdémateux enregistré dans le groupe 2, nous ne pouvons comparer la durée de la phase 1 des enfants paludéens et non paludéens. Mais cette durée de la phase 1 plus longue observée chez les enfants souffrant de kwashiokor et de la forme mixte est habituelle car les œdèmes mettent quelques jours à se résorber (OMS, 1999). A l’exception des deux enfants VIH positifs, la durée de la phase 1 au CRENI ne diffère ni entre les groupes, ni au sein de chaque groupe quels que soient les autres complications associées et le nombre de signes de morbidité. Malgré ce faible nombre d’enfants séropositifs, notre étude corrobore une plus longue durée de la phase 1 des enfants souffrant de MAS et infectés par le VIH/SIDA. Plus de 60% des enfants admis au CRENI sont anémiés avec un taux d’hémoglobine inférieur à 11 g/dL. Ces taux d’hémoglobine sont supérieurs à ceux rencontrés dans la littérature avec respectivement 7,2 g/dL au Sénégal et 9,0 g/dL en Ouganda (Sall et al., 1999 ; Bachou et al., 2006). Ce résultat indique que la sévérité de l’anémie n’est pas le principal problème chez ces enfants. Par contre, les enfants atteints de paludisme souffrent plus d’anémie modérée à sévère. Cette baisse d’hémoglobine observée chez ces enfants semble plus liée au paludisme qu’à la MAS et résulterait de la lyse de globules rouges infectés (Ahiboh et al., 2008). 26 En conclusion, cette étude de cohorte prospective indique que la durée de la phase 1 de la récupération nutritionnelle de des enfants nigériens âgés de 6 à 59 mois n’est pas influencée par le paludisme. Il est probable que l’absence d’impact du paludisme sur cette durée soit liée au traitement antipaludéen reçu au cours de la phase 1 chez les enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère et de paludisme, même si la goutte épaisse reste positive à la sortie du CRENI. Ainsi, l’application du Protocole National de la prise en charge de la MAS au Niger incluant un antipaludéen dans le traitement médical doit être poursuivie. Cependant, nous recommandons aux autorités nigériennes de mener des supervisions régulières dans le CRENI du CHRT et offrir aux personnels de ce CRENI des ateliers de formation afin d’améliorer la prise en charge de la MAS et augmenter le taux de survie des enfants.
I. INTRODUCTION |