Impact du COVID-19 sur les ressources financières et les dépenses d’investissement des collectivités territoriales
Le COVID-19 fait craindre les pires conséquences économiques depuis la Grande dépression de 1929, selon le FM. Au Maroc, selon la Confédération Générale des Entreprises du Maroc(CGEM) une baisse entre 30% et 50% de l’activité est notée pendant les trois premiers mois du confinement. La Secrétaire Exécutive de la Commission Économique pour l’Afrique (CEA), Mme Vera Songwe, prévient, qu’au-delà de la baisse de l’activité, de nombreuses petites et moyennes entreprises risquent « de mettre la clé sous la porte ». Quant à l’activité économique du secteur informel qui occupe les deux-tiers des actifs dans les villes africaines, le confinement implique un arrêt pur et simple, ce qui implique en pratique un chômage massif et une baisse drastique des revenus.
Au niveau territorial, l’impact risque d’être plus important pour deux raisons. La première est liée au fait que le secteur moderne dans les collectivités territoriales (hors capitales nationales) est constitué d’une myriade de pme-pmi dont la capacité à absorber des chocs systémiques comme celui du COVID-19, est faible. Une grande part de ces activités économiques ne survivront certainement pas aux conséquences du COVID-19. La seconde est due au fait que le secteur informel est majoritaire dans ces collectivités locales : entre 35% et 50% de la valeur ajoutée et entre 60% et 80% de l’emploi La valeur ajoutée de ce secteur est proportionnelle au temps d’exercice que leur laisse le confinement décidé par les autorités nationales et locales.
L’essai d’estimation de l’impact du COVID-19 sur les ressources financières et les dépenses d’investissement des collectivités africaines se fait selon la double précaution suivante. (1)
Tout d’abord, l’impact est apprécié au regard des trois sources de revenus : les ressources collectées auprès du secteur informel ; les ressources collectées auprès du secteur moderne et enfin les transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales. (2) Puis deux simulations sont faites sur les recettes totales de fonctionnement d’une part et sur les dépenses d’investissement d’autre part. La première simulation est la prolongation de la situation actuelle ; elle fixe le niveau d’activité économique en général au tiers de l’activité annuelle habituelle. Pour le secteur informel, cela implique 4 mois d’activité, tenant compte de la linéarité de son activité. Pour le secteur moderne au temps d’activité, il faut prendre aussi en compte certaines fermetures d’activités ; c’est l’équivalent du quart (3 mois) d’activité qui est retenu. Pour les transferts financiers reçus de l’État, ils sont divisés de moitié dans cette simulation. La seconde simulation est plus optimiste ; elle suppose un déconfinement rapide et 4 mois seulement d’inactivité dans l’année. Cela implique 8 mois de d’activité du secteur informel, et la moitié de l’année pour l’activité du secteur moderne.
Quant aux transferts financiers reçus de l’État, cette simulation ne considère aucune baisse du niveau des transferts financiers qui sont reconduits comme tels.
Le modèle prédit qu’en moyenne pour l’ensemble des collectivités territoriales africaines, c’est une baisse des ressources financières de l’ordre de -65% pour la première simulation à 30% pour la seconde simulation qui est attendue.
Ces chiffres suggèrent que si les tendances actuelles se poursuivent, il est à craindre que les collectivités territoriales perdent les deux tiers de leurs ressources, mettant ainsi en péril la fourniture des services publics locaux aux populations. Dans le meilleur des cas, il faudra s’attendre à une baisse des finances locales équivalente au tiers des budgets locaux, ce qui est une véritable préoccupation. Cette moyenne africaine cache cependant des fortes disparités régionales. La figure ci-dessous montre l’impact sur les finances des collectivités territoriales du COVID-19 par région. Ainsi pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique du Nord, la baisse du niveau des ressources financières est la plus forte quel que soit la simulation. Cette forte baisse traduit une part plus importante du produit dans les budgets locaux de ces deux régions, toutes choses étant égales par ailleurs.
Ce sont d’ailleurs ces deux régions qui affichent les plus fortes baisses en simulation 2, postulant le maintien du niveau des subventions de l’État. L’Afrique centrale est parmi les cinq régions celle qui connaît les baisses les plus faibles des deux scénarios, reflet d’une insuffisante contribution du secteur informel et/ou des effets des nombreuses exonérations dont bénéficient les entreprises formelles.