Impact des pratiques agroécologiques et des insectes ravageurs sur le rendement de la pomme de terre
Les Pratiques agroécologiques sur les cultures de pomme de terre
L’agroécologie en tant qu’ensemble de pratiques agricoles, recherche des moyens d’améliorer les systèmes agricoles en imitant les processus naturels, créant ainsi des interactions et synergies biologiques bénéfiques entre les composantes de l’agroécosystème. Elle permet d’obtenir les conditions les plus favorables pour la croissance des végétaux, notamment en gérant la matière organique et en augmentant l’activité biotique du sol (Amoukou, 1993). En réduisant l’utilisation des produits chimiques jusqu’à s’en passer, elle tend vers une agriculture biologique et contribue à améliorer la santé des agriculteurs et des consommateurs. En complément ou en substitution de ces produits chimiques, des processus naturels sont proposés. Ces techniques sont fondées sur les mécanismes et interactions naturels pour gérer les équilibres des populations d’agresseurs. La diminution de l’utilisation des produits phytosanitaires s’appuie sur leur meilleure utilisation, sur des modifications de pratiques comme la rotation des cultures, sur la valorisation des interactions positives avec l’environnement immédiat tels les auxiliaires naturels des cultures ou encore sur des produits dit de bio-contrôle, exemple la coccinelle pour lutter contre les invasions de pucerons (Le Foll, 2016). Ce sont, en d’autres termes, des pratiques qui favorisent la provision de services écosystémiques d’approvisionnement, de support ou de régulation (Altiéri, 2002). Les pratiques peuvent être regroupées en trois groupes, celles liées à la gestion de la fertilité, celles liées à la protection des cultures et celle liées à l’irrigation.
Les Pratiques liés à la conservation de la fertilité des sols
Le sol se situe au centre de l’agroécosystème et les fonctions qu’il assure sont essentielles à la croissance et au développement des cultures. Il est nécessaire de bien identifier les leviers permettant de préserver sa fertilité à long terme, voire les restaurer. La préparation du sol est le point de départ de la culture, sa bonne réalisation conditionne la réussite de toutes les actions ultérieures et en particulier celle de la mécanisation de la culture. La pomme de terre est une plante très exigeante à la préparation du sol et c’est une plante à développement rapide : 90 à 130 jours. Il est donc important de favoriser le développement des racines. 4 Jachère La jachère représente l’état post-cultural, phase passive de restauration d’un écosystème, dont l’état final procure en principe des conditions renouvelées pour la culture suivante, en particulier un milieu assaini et des éléments nutritifs plus abondants, plus disponibles et plus accessibles aux racines (Serpantié et Ouattara, 2001). On distingue deux types de jachères : La jachère nue et travaillée : Cette technique consiste à maintenir le sol sans végétation (« nu ») en général durant au moins une année. La jachère enherbée et pâturée qui s’effectue en général après une culture de céréale. Elle a pour objectif d’alimenter un troupeau qui pâture les chaumes ainsi que les repousses des adventices et de la céréale (Sebillotte et al., 1993). Rotation culturale La plupart des sols de la zone semi-aride de l’Afrique de l’Ouest se caractérisent par leur faible teneur en éléments nutritifs et la fertilité de ses sols s’avère souvent un facteur plus limitatif à la production agricole que la pluviométrie (Bationo et al., 2015). Les recherches effectuées avec l’azote montrent que les pertes d’azote par volatilisation sont énormes et peuvent atteindre plus de 50% de l’azote appliqué. L’introduction de la rotation céréale et légumineuse permet de diminuer et parfois d’éliminer l’application des engrais azotés minéraux suite aux résultats obtenus en station de recherche (Bationo et al., 2015). En effet, il est conseillé de ne pas cultiver la pomme de terre ou une autre culture dans un même champ deux années de suite pour éviter le risque d’appauvrissement des sols et de dissémination de maladies. La rotation des cultures constitue un réel avantage grâce à sa contribution au maintien de la fertilité du sol et à la maîtrise des adventices (Bonte, 2010). En plus d’augmenter le rendement, les rotations améliorent aussi la qualité des pommes de terre (Bélanger et al., 2007). Elle contribue à rompre le cycle des bio-agresseurs, en particulier les ravageurs telluriques et les champignons pathogènes par l’introduction de cultures non hôtes. Ainsi, le recours aux produits phytosanitaires est moindre que pour une monoculture (Bruchon et al., 2015). L’association culturale L’association de cultures, également appelée compagnonnage, peut être bénéfique pour un potager. En effet, faire voisiner sur la même ligne, ou dans un espace proche, des espèces différentes peut s’avérer utile pour éloigner certains insectes ou enrichir le sol. 5 Les plantes peuvent avoir une influence bénéfique les unes envers les autres. Elles peuvent ainsi avoir un effet protecteur ou encore répulsif. Elles vont se stimuler réciproquement et vont permettre de limiter l’usage des pesticides et insecticides. De façon plus pratique, l’association de plantes permet de mieux occuper l’espace en optimisant l’utilisation que l’on fait du sol. On associe ainsi les espèces à cycle court aux espèces à cycle long. Et, en parallèle, on limite l’apparition des mauvaises herbes. Les associations culturales peuvent avoir aussi des effets bénéfiques sur le contrôle des insectes ravageurs (Bosquée et al., 2014). D’autre part, elles favorisent le contrôle biologique des ravageurs par leurs ennemis naturels. Selon l’hypothèse des ennemis Root (1973), ces derniers ont tendance à être plus abondants dans des environnements diversifiés, notamment car ils peuvent bénéficier de sources de proies alternatives, de nectar et de pollen (Landis et al., 2000; Rodriguez-Saona et al., 2012; Wratten et al., 2007). Certaines plantes vont profiter de l’azote puisé dans l’air et redistribué dans le sol. Ce qui peut être bénéfique pour les plantes ayant des exigences très fortes en azote comme la pomme de terre. Néanmoins, certaines espèces ne s’apprécient pas d’où l’importance de veiller aux choix des espèces, des variétés, dates de plantations, des densités de plantation, de l’organisation spatiale. Compostage et Matière Organique (MO) Le compost résulte d’une dégradation naturelle de la matière animale et végétale (matière organique) contrôlée par un ensemble d’êtres vivants (bactéries, champignons et microorganismes). Le résultat de cette dégradation, une fois redonnée au sol, se liera à la matière minérale pour donner l’humus qui apportera fertilité et structure au sol. En effet, la matière organique du sol favorise le stockage et la mise en disposition des éléments nutritifs pour les besoins de la plante. Elle joue un rôle d’amendement et de fertilisation (Maltas et al., 2012). La teneur de chacun des éléments nutritifs (N, P, K, Ca, Mg, S) et oligoéléments dans le sol sont surtout affectés par la composition biochimique de la matière organique. Le N, P et le K sont des éléments majeurs susceptibles d’affecter la production agricole. Ils participent au maintien de l’équilibre des tissus végétaux et de leur formation. La MO constitue une source de carbone pour les microorganismes hétérotrophes et fournit des éléments nutritifs aux organismes du sol. La production intensive de pomme de terre en monoculture est à l’origine de la baisse du niveau de matière organique dans les sols. 6 En raison de la nature sableuse fine des sols généralement utilisés pour cette culture, la MO joue un rôle prépondérant dans la rétention des éléments nutritifs et de l’eau (Beauchemin et al., 1990). Il est donc essentiel de maintenir un niveau adéquat d’humus dans les sols pour assurer leur fertilité. Paillage et buttage Le paillage joue un rôle protecteur assuré par une couverture quasi permanente du sol imitant le couvert forestier. Il limite le tassement dû aux fortes pluies, ou l’évaporation liée aux rayons du soleil puissant et aux vents desséchant. De plus, il abrite, protège et nourrit de multiples organismes vivant qui sont les meilleurs alliés du jardinier. Il offre ainsi au sol la possibilité d’être fertile et vivant. Le couvert végétal limite le travail de désherbage de certaines plantes qui n’arrivent pas à le traverser. Le soin apporté au paillage permet de limiter le verdissement de la pomme de terre. Il semble également que les avantages du paillage sont optimaux lorsqu’il y a peu d’eau. Dans de tels cas, le paillage diminue la fréquence d’irrigation, abaisse la température du sol et favorise la tubérisation. Le paillis forme une barrière physique entre le sol et l’air et diminue les pertes d’humidité des sols exposés (Terry et al., 1991). Ce phénomène est important lorsque l’évapotranspiration est élevée, comme pendant les mois où soufflent les vents secs du harmattan. Le paillage permet de fortement réduire les populations du doryphore de la pomme de terre en perturbant la dispersion au sol des individus (Stoner et al., 1996). Le buttage est une opération qui a pour objectif de ramener la terre au pied des plantes et d’y former une sorte de butte. Cette technique s’emploie essentiellement dans la culture de certains légumes comme la pomme de terre, le haricot ou encore l’asperge. Il est primordial à la pomme de terre afin de permettre le développement des tubercules le long de la tige, de protéger les tubercules de la lumière, car à son contact, ils synthétisent une substance toxique appelée solanine (la pomme de terre verdit) et deviennent impropres à la consommation et pour éviter que les pieds se couchent, une fois qu’ils ont pris de la hauteur. Le buttage permet de blanchir les légumes et de ce fait, d’augmenter le rendement de la plantation en favorisant la création de racines et la croissance. Le buttage permet aussi de protéger les plantes contre le froid. 7 Labour Le labour est une technique qui consiste à retourner la couche arable du sol en une certaine profondeur avant de l’ensemencer ou de la planter. Il est le plus souvent effectué avec une charrue. Le labour a pour but d’aérer le sol pour une meilleure oxygénation et une amélioration de la circulation de l’eau du sol. Il permet aussi la destruction des adventices. Il peut jouer un rôle d’enfouissement des matières organiques présentes à la surface du sol : résidus de culture, fumier, etc. Cependant, le labour est de plus en plus remis en cause du fait qu’il perturbe le travail des microorganismes. En effet, les vers de terre deviennent moins actifs, ils ne remontent plus la nuit pour venir chercher la matière organique. En surface, le sol est moins aéré, voire asphyxié. Et, avec la diminution de l’humus en surface, il perd son pouvoir de rétention d’eau.
Pratiques liées à la protection des cultures
Pour assurer une production alimentaire adaptée aux besoins des populations, en terme de quantité, de qualité et de sûreté sanitaire dans le respect des principes d’un développement durable de la planète, la protection des cultures, doit connaître une véritable évolution, sous peine d’aggraver un bilan économique et écologique préoccupant (Deguine et al., 2015). La protection des cultures en agro écologie s’appuie sous différents concepts parmi eux la lutte biologique, lutte chimique, prophylaxie, lutte intégrée, lutte raisonnée, etc. La particularité de la lutte biologique est de manipuler l’environnement afin de favoriser les auxiliaires animal prédateur ou parasite qui, par son mode de vie, apporte son concours à la destruction de ravageurs nuisibles aux cultures, et de désavantager les ravageurs(Titi et al., 1993). La biodiversité végétale permet de favoriser les auxiliaires qui sont souvent tributaires d’une diversité de ressources et de milieux pour réaliser leur cycle biologique, alors que les ravageurs sont plus souvent inféodés à une culture. Ces auxiliaires sont une part de la biodiversité fonctionnelle qui contribue ici au service de régulation naturelle des ravageurs (Rousseaux et al., 2018). La lutte intégrée ou gestion intégrée des ennemis des cultures est une méthode décisionnelle qui a recours à toutes les techniques nécessaires pour réduire les populations d’organismes nuisibles de façon efficace et économique, tout en respectant l’environnement. Dans la pratique, la lutte intégrée est une démarche qui comprend six étapes : identifier les ravageurs et leurs ennemis naturels ; dépister les ravageurs et ennemis naturels et évaluer la situation ; utiliser des seuils d’intervention ; adapter l’écosystème ; combiner les méthodes de lutte ; 8 évaluer les conséquences et l’effet des interventions (Boisclair et Estevez, 2006). La réflexion sur le concept de protection intégrée puis d’agriculture raisonnée a permis de mettre plus en avant les mesures prophylactiques. En tant que mesures indirectes de protection, elles permettent de limiter la nuisibilité potentielle des bio-agresseurs (Bugaret et al., 2002). Les protections de cultures sont nombreuses et lorsqu’elles sont cumulées, contribuent à prévenir ou défavoriser l’installation des bio-agresseurs. Elles limitent aussi leur développement et leur extension sur les cultures, notamment les maladies du sol (Arrufat et al., 2003).
Les pratiques liées à l’irrigation
L’irrigation est une opération qui consiste à apporter de l’eau au sol de manière à créer un milieu favorable à la croissance et au développement des végétaux, la qualité de l’eau d’irrigation ainsi que le moyen d’irrigation sont des facteurs importants et déterminants pour la production agricole.
Insectes ravageurs de la pomme de terre
Les coléoptères Le doryphore Description Le doryphore Leptinotarsa decemlineata (Say), coléoptère de la famille des chrysomèles, est l’un des principaux ravageurs de la pomme de terre de l’ordre des coléoptères. Il mesure environ 10 à 12mm avec un corps un peu bombé. La couleur de sa tête et de son pronotum varie de brun orangé à jaune, et elle est ponctuée de taches noires de diverses formes. Les ailes (élytres) sont marquées de dix rayures noires longitudinales sur fond jaune. Les œufs jaunes orangés sont de forme allongée et généralement pondus en grappes de trente sur l’envers des feuilles de la plante hôte. Les larves sont bossues de couleur rouge orangée.
Les lépidoptères Teigne de la pomme de terre
La teigne de la pomme de terre Phthorimaea operculella (Zeller) est un insecte de la famille des Gelechiidae originaire d’Amérique. C’est un petit papillon dont la chenille est un ravageur principalement des tubercules de pomme de terre, notamment en période de stockage. Cet insecte est répandu dans toutes les régions chaudes, tropicales et subtropicales, du globe, et en particulier sur le pourtour du bassin méditerranéen. Dommage sur les cultures Parmi les déprédateurs de la pomme de terre, la teigne de la pomme de terre Phthorimaea operculella est la plus redoutable (HADDOU et al., 2004). Ce déprédateur cosmopolite cause d’importants dégâts en plein champ et lors du stockage, il attaque les plantes de pomme de terre de deux manières : par minage des feuilles et par minage des tubercules. En cas de forte pullulation, on peut trouver 5 à 6 larves dans un tubercule de Pomme de terre ; cependant, il suffit d’une seule chenille pour le souiller et le perdre. Par ailleurs, des champignons ou des acariens se développent dans les galeries, provoquant la décomposition du tubercule et le dégagement d’une odeur désagréable. Ceci impacte fortement sur le rendement.
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