Impact des polluants gazeux du sol sur la qualité de l’air intérieur des bâtiments
INFLUENCE DES SYSTEMES DE VENTILATION
Le flux de polluant entrant dans le bâtiment peut être influencé par le type de système de ventilation utilisé dans le bâtiment (ventilation par extraction, ventilation par insufflation, ventilation double flux, ventilation naturelle).
INFLUENCE DES SYSTEMES DE VENTILATION PAR EXTRACTION
Plus la ventilation augmente, plus la concentration des contaminants est diluée, mais la demande énergétique sera plus grande (Lajoie et al, 2000). Pour un flux donné de polluant entrant dans le bâtiment, la concentration de l’air intérieur est inversement proportionnelle au débit de ventilation (Nazaroff, 2003 ; Sherman, 1980). L’étude de Mowris et Fisk (Mowris et Fisk, 1992) a montré que la ventilation par extraction est appropriée pour des caves (bâtiments) ayant un sol environnant imperméable (ksol <10- 12 m2 ). Si les perméabilités du sol sont comprises entre 10-12 m2 et 10-10 m2 , la ventilation par extraction peut augmenter considérablement le flux d’entrée du gaz (Radon) du sol dans le bâtiment. De plus, si elles sont supérieures à 10-10 m2 , ils ont conclu que la ventilation par extraction est inappropriée, à moins que quelques actions soient mises en œuvre pour bloquer l’entrée du gaz. Les systèmes de ventilation par extraction ne doivent pas être utilisés pour augmenter le renouvellement d’air afin de réduire la concentration du polluant si des entrées d’air ne sont pas ajoutées (Collignan, 2008). La ventilation par extraction mécanique peut en effet avoir deux conséquences antinomiques. Si on augmente le débit mécanique extrait, d’une part, cela entraine une augmentation de la dilution d’un polluant présent dans l’air intérieur et donc une diminution de sa concentration. D’autre part, en fonction du niveau de perméabilité à l’air de l’enveloppe du bâtiment, cela augmente également le niveau de dépression du bâtiment et donc l’intensité du transfert du polluant gazeux du sol. Ainsi, si la dépression du bâtiment engendrée par l’extraction d’air est faible, le système de ventilation par extraction peut favoriser la dilution du polluant dans le bâtiment par l’augmentation du renouvellement d’air. Par contre si la dépression engendrée est importante, l’extraction mécanique augmente la concentration du radon dans le bâtiment par accentuation du terme source (Figure 1.9 a, Figure 1.9 b). Aussi, l’efficacité de la dilution d’un polluant par augmentation du débit d’air mécanique extrait dans le bâtiment, dépendra du niveau de débit extrait et de la dépression générée au regard de la perméabilité à l’air du bâtiment (Bonnefous, 1992 ; Collignan et Millet, 1999). a b Figure 1.9 : impact de l’augmentation du renouvellement d’air du bâtiment par extraction mécanique sur la concentration en radon et le niveau de dépression dans le bâtiment a) travaux numériques de Bonnefous (Bonnefous, 1992) b) travaux numériques de Collignan et al.( Collignan et al., 1999)
INFLUENCE DES SYSTEMES DE VENTILATION PAR INSUFFLATION
La ventilation par insufflation à l’avantage de bloquer les flux venant du sol parce qu’elle met le plancher bas en suppression. Par contre elle peut exacerber des risques de condensation en façade en entrainant la dégradation de la structure du bâtiment (Collignan, 2008).
INFLUENCE DES SYSTEMES DE VENTILATION DOUBLE FLUX
La ventilation double flux permet à la fois de diluer la concentration du polluant sans augmenter son entrée. Si la ventilation est en équilibre, la dépression du plancher bas n’augmente pas, par contre si elle est en déséquilibre, elle peut entrainer des dépressions locales et ainsi favoriser l’entrée du polluant (Collignan, 2008).
INFLUENCE DE LA VENTILATION NATURELLE
La ventilation naturelle par les ouvrants, portes et fenêtres ou les composants d’entrée et sortie d’air peuvent diluer la concentration du polluant dans les bâtiments. Son efficacité dépend des conditions climatiques (vent, tirage thermique). Dans le cas d’ouverture de fenêtres, le confort de l’occupant est diminué et l’efficacité est tributaire de son comportement (Collignan, 2008).
INFLUENCE DES VARIATIONS TRANSITOIRES
L’étude expérimentale de Robinson et Sextro (Robinson et Sextro, 1997) sur l’effet des fluctuations de pression atmosphérique sur le transport du radon dans les bâtiments a montré, qu’avec une différence de pression entre l’intérieur et l’extérieur du bâtiment faible ou nulle, les fluctuations de pression contribuent à l’augmentation du flux d’entrée du radon et peuvent potentiellement doubler la concentration du radon. Cette contribution est approximativement du même ordre de grandeur que la contribution de la diffusion. Cependant, ces variations transitoires ne causent pas à long terme de concentrations élevées de radon dans les bâtiments. Massman et Farrier (Massman et Farrier, 1992) ont modélisé les fluctuations de pression dans la zone insaturée du sol, ils ont trouvé que les fluctuations peuvent pénétrer de plusieurs mètres dans le sol, dans les deux directions verticales et horizontales. L’étude numérique de Yao et ses collègues (Yao et al., 2013) a montré que le transport de substances volatiles dans les bâtiments peut être significativement affecté par les fluctuations de pression. Pour des perméabilités du sol faibles, cette influence est modeste, par contre pour des perméabilités du sol élevées, le taux d’entrée du gaz dans les bâtiments peut être deux fois supérieur à celui obtenu à l’état stationnaire.
INFLUENCE DES CARACTERISTIQUES PHYSIQUES DU SOUBASSEMENT
La typologie du soubassement (dallage indépendant, vide sanitaire, dalle portée,..) peut avoir de l’influence sur la quantité de polluant entrant dans le bâtiment (Diallo et al., 2013). En général, une construction avec un dallage sur terre-plein (dallage indépendant ou dalle portée) tend à avoir une concentration intérieure en radon plus importante qu’une construction avec une cave ou un vide sanitaire parce que, premièrement le volume tampon est plus important pour les constructions avec une cave ou un vide sanitaire, et deuxièmement parce que les mouvements d’air internes peuvent être différents pour les deux types de construction (Andersen, 1992). Particulièrement, pour un dallage indépendant, la taille de la fissure périphérique peut avoir un impact sur le débit d’air convectif entrant dans le bâtiment (Figure 1.10). Pour des perméabilités du sol élevées ksol > 10-12 m2 , l’impact de la taille de la fissure sur le débit d’air entrant dans le bâtiment apparaît, pour ksol<10-12 m2 le débit d’air n’est pas sensible à la taille de la fissure (Mowris et Fisk, 1988 ; Abreu et Johnson, 2005 ; Bozkurt, 2009 ; Abdelouhab, 2011). Figure 1.10 : Évolution du débit d’air en fonction de la perméabilité du sol et de la taille de la fissure périphérique pour un dallage indépendant (Bozkurt, 2009).
INFLUENCE DE LA PROFONDEUR DU MUR DE FONDATION
Le mur de fondation du soubassement peut avoir de l’effet sur le transport du radon dans le bâtiment parce que ce mur bloque en partie le flux d’air venant de l’extérieur. Le débit d’air entrant dans le bâtiment augmente avec la diminution de la profondeur du mur de fondation (Andersen, 1992). Par exemple pour un sol de perméabilité 10-11 m2 , le débit d’air augmente de 20 % quand la profondeur du mur de fondation passe de 90 cm à 30 cm (Andersen, 1992). En France (Figure 1.11), cette profondeur qu’on appelle profondeur hors gel, distance la plus courte qui sépare le bas des fondations de la surface du sol, se situe entre 60 et 90 cm suivant les régions et la nature du sol. Elle doit être respectée pour protéger les fondations des risques de gonflement de terrain. a b Figure 1.11 : a) carte de France des zones de gel b) profondeur de fondation recommandée en France (Renaud, 2010)
INFLUENCE DES MURS ENTERRES
Pour des bâtiments avec des murs enterrés, l’étude expérimentale effectuée par Garbesi et Sextro (Garbesi et Sextro, 1989) a montré que la non prise en compte des débits d’air traversant les murs enterrés perméables pourrait sous-estimer le flux convectif de contaminant entrant dans le bâtiment.
MODELISATION DU TRANSPORT DES POLLUANTS GAZEUX DANS LE BATIMENT
Dans le but d’évaluer les risques sanitaires liés aux polluants gazeux du sol, plusieurs modèles ont été développés depuis les années 1980 (Nazaroff, 1985 ; Nazaroff, 1988 ; Johnson et Ettinger, 1991; Little et al., 1992 ; Gadjil, 1992 ;Yao et al., 2012). La principale utilité de ces modèles est d’estimer la concentration des polluants dans les environnements intérieurs afin d’évaluer les risques sanitaires. L’estimation de cette concentration est indispensable pour évaluer ces risques. L’utilisation des modèles, qui permet d’estimer à moindre coût et à court terme le risque de pollution afin d’engager éventuellement des mesures préventives ou correctives, est ainsi apparue comme une alternative aux mesures in situ. Malgré leur intérêt, les modèles peuvent cependant présenter certaines limites car il est difficile d’avoir tous les facteurs environnementaux (géologie, propriétés physico-chimiques des milieux,…) caractérisant chaque cas de pollution qui varie de site en site (Yao et al., 2013). Ainsi, un bon équilibre entre modélisation et mesures est souvent souhaité. Deux types de modèles ont été développés, les modèles numériques et les modèles analytiques. Les modèles numériques permettent d’étudier finement des scenarii de pollution complexe, l’effet des processus physiques, chimiques ou biologiques variés (Pennel et al., 2009b). Par contre leur utilisation n’est pas attractive pour une évaluation rapide des risques sanitaires (Yao et al., 2013). Les modèles analytiques sont plus attractifs que les modèles numériques en terme de rapidité d’évaluation des risques, mais ils captent parfois mal les phénomènes en jeu et ont tendance à être conservatifs (Tillmann et Weaver, 2005; Provoost et al., 2010). Dans les paragraphes suivants, nous présentons les principaux modèles utilisés aujourd’hui dans l’évaluation des risques sanitaires liés aux polluants gazeux du sol. Nous distinguerons ceux développés pour le transport du radon dans les bâtiments et ceux développés pour les substances volatiles.
MODELES D’ENTREE DU RADON DANS LES BATIMENTS
Modèles analytiques : Pour estimer le taux d’entrée du radon dans un bâtiment, Mowris et Fisk (Mowris et Fisk, 1988) ont supposé que tout le radon provenant du sol entre dans le bâtiment dépressurisé via une fissure périphérique entre la dalle du bâtiment et le mur de fondation (Dallage indépendant). Ainsi, ils ont modélisé le flux de radon entrant dans le bâtiment à l’aide d’une analogie avec la conduction de la chaleur. Ce modèle a permis d’étudier l’impact de la résistance de la fissure périphérique et de la ventilation mécanique par extraction sur l’entrée du radon dans le bâtiment. Nazaroff (Nazaroff, 1988) et Nazaroff et Sextro (Nazaroff et Sextro, 1989) ont utilisé la même approche pour quantifier le taux de radon entrant dans le bâtiment. Ils ont, quant à eux, utilisé l’analogie électrique (équivalente à l’analogie thermique) et ont supposé que le flux de polluant entrant dans le bâtiment est similaire à un flux électrique allant d’un milieu semi-infini (le sol extérieur) et entrant dans une cavité cylindrique. Ces modèles seront plus explicités ci-dessous. Modèles numériques : À l’aide de la méthode des différences finies, Loureiro et al. (Loureiro et al., 1990) ont développé un modèle en 3-D stationnaire pour évaluer le transport combiné convectif et diffusif du radon dans une cave. Dans ce modèle, le polluant entre dans la cave à travers une fissure périphérique située entre une dalle imperméable et le mur de fondation. Le sol est supposé homogène et constante. Ce modèle a permis de montrer que les variables significatives affectant le flux d’entrée du radon dans le bâtiment sont : la perméabilité du sol et la différence de pression entre l’extérieur et l’intérieur du bâtiment. Il a permis aussi d’étudier l’importance relative de la convection et de la diffusion du radon. Ils ont trouvé pour leur scénario d’étude, que pour des perméabilités du sol supérieures à 10-12 m2 , la convection est le phénomène dominant et pour des perméabilités supérieures, la diffusion devient prépondérante. Le travail de Loureiro et ses collègues a été poursuivi par Revzan et ses collègues (Revzan et al., 1991; Revzan et Fisk, 1992; Revzan et al.,1993). Ces derniers ont trouvé que la présence d’une température non uniforme dans le sol autour d’un bâtiment chauffé pouvait augmenter de 40 % le flux d’entrée du radon dans le bâtiment. Ils ont aussi montré que la présence d’un gravier sous le plancher bas peut augmenter jusqu’à un facteur de 5 le flux d’entrée du radon. Ce travail a été validé expérimentalement par Robinson et Sextro (Robinson et Sextro, 1995). Ce modèle a été aussi utilisé par Robinson (Robinson, 1997) pour étudier les effets des fluctuations de pression sur le débit d’entrée du radon. Sur la base des travaux de Loureiro et de ses collègues, Andersen (Andersen, 1992) a développé un modèle 2-D stationnaire du transport convectif et diffusif pour étudier les paramètres physiques du sol impactant le taux d’entrée du radon dans le bâtiment. Il a trouvé que pour une fissure périphérique de 3 mm, le flux d’entrée du radon dépend principalement de la perméabilité du sol et d’autres facteurs tels que la dépression du bâtiment et la présence d’un lit de gravier sous la dalle. Par ailleurs, il a développé un modèle instationnaire pour étudier l’entrée du radon due aux forces motrices instationnaires (l’effet du vent et du tirage thermique), il a validé ce modèle avec des expériences réalisées au LBL (Lawrence Berkeley Laboratory).
MODELES D’ENTREE DES SUBSTANCES VOLATILES DANS LES BATIMENTS
Concernant le transport des substances volatiles dans les bâtiments, on distingue généralement deux types de modèles selon qu’ils tiennent compte ou pas de la biodégradation (décomposition des matières organiques par les micro-organismes (bactéries, algues,…)). Dans cette thèse, la biodégradation ne sera pas abordée. Plusieurs études ont montré que la biodégradation des composés organiques volatils peut jouer un rôle important sur l’atténuation de la concentration de polluants sous le bâtiment (Hers et al., 1998 ; Lahvis et al., 1999 ; Fisher et al., 1996 ; Ostendor et Kampbell, 1991 ; Patterson et Davis, 2009 ; Luo et al., 2009), mais aujourd’hui, ce mécanisme n’est pas bien compris et il n’existe pas un accord sur la prise en compte de ces phénomènes dans les modèles (Yao et al., 2013). Modèles analytiques : plusieurs modèles analytiques ont été développés pour quantifier le transport de substances volatiles dans les bâtiments. Les principaux sont : Modèle Johnson et Ettinger (1991) : ce modèle stationnaire reste aujourd’hui le plus utilisé (Proovost et al., 2010). Il suppose la diffusion pure unidimensionnelle dans le sol jusqu’à la proximité des fondations et un transport combiné de convection-diffusion unidimensionnelle dans la fissure périphérique du plancher bas et les murs perméables ; la concentration du polluant est supposée uniformément reparti dans le bâtiment. Les auteurs ont étendu leur modèle à des sources finies de pollution, c’est-à-dire qui peuvent diminuer en fonction du temps, parce qu’une source de pollution infinie peut surestimer le risque pour des expositions à long terme. Ce modèle sera explicité ci-dessous. Little et al. (1992) : Ce modèle est basé sur la solution analytique en instationnaire de la deuxième loi de Fick pour un flux allant d’une surface plane et entrant dans une demi-sphère. Cette solution a été adaptée pour simuler deux scénarii : une source de polluant de dimension infinie située à une certaine distance au-dessous du bâtiment et une source latérale de taille semi-finie située à une certaine distance du bâtiment.
INTRODUCTION GENERALE |