Impact des interfaces acier-béton sur les débits et sur la cinétique des débits

Structure et objectifs spécifiques du chapitre

Si les interfaces acier-béton sont effectivement des chemins préférentiels de transfert et deviennent accessibles aux fluides par les fissurations, le béton de peau ne pourra pas assumer son rôle de protection contre les agressions et les barres d’acier se retrouveraient directement exposées. La cinétique de dégradation du béton armé peut en devenir fortement accélérée si d’autres phénomènes ne se produisent pas (auto cicatrisation des fissures dans le béton de peau).
De même, comme ces interfaces acier-béton agissent sur la cinétique du flux de fluide, elles peuvent changer le temps d’établissement du régime permanent d’écoulement en raison de leur faible résistance au transfert (Verdier, 2001), selon la conception et l’importance du ferraillage dans la structure. Dans les structures fortement armées comme les enceintes nucléaires, les interfaces acier béton sont nombreuses, elles ont une surface totale considérable et sont fortement connectées. Par conséquent, elles forment de considérables cheminements pour les transferts, ce qui devrait être pris en compte lors de la prévision de la durabilité, et en particulier de l’étanchéité de ces structures. Cette étude analyse la contribution des interfaces acier-béton au transfert de gaz dans le béton armé.
Sur site, le fort degré de saturation réduit le transfert dans le béton ordinaire. En fait, le degré de saturation du béton des enceintes de confinement avoisine 60 % à 70 % (Asali, 2016). Dans le cas général d’ouvrage sur site ce degré de saturation est généralement très élevé dans les endroits soumis à des précipitations et est généralement supérieur à 80% à 50 mm de profondeur (Stark, 1991). A ces taux de saturations, nous avions vu dans le Chapitre 3 (Section 3.3.2.1) que les débits de fuite pouvaient être très réduits.
Cependant, l’équation de Kelvin Laplace indique que les fissures avec une ouverture supérieure à un micromètre sont désaturées même à forte humidité relative (99,99%). Ainsi, en présence de fissure dans le béton de peau, l’interface acier-béton peut être facilement drainée même si le niveau de saturation du reste du béton est élevé. Étant donné que la perméabilité du béton est affectée par sa saturation en eau (Abbas et al., 1999; Baroghel Bouny, 2008; Carcassès et al., 2001; Kameche et al., 2012; Monlouis-Bonnaire et al., 2004), il est important d’effectuer la présente étude sur des matériaux à différents états de saturation en eau.
L’objectif de cette étude est d’analyser l’impact des interfaces acier-béton sur la perméabilité du béton armé comme potentiels chemins pour le transport de gaz dans le béton. Trois points spécifiques sont abordés :
– Impact de l’interface acier-béton sur la perméabilité,
– Impact de l’interface acier-béton sur la cinétique des écoulements,
– Impact de la fissuration induite près de l’interface acier-béton sur la perméabilité.
Les deux premiers points nous permettront d’identifier les zones de perméabilité différentes dans le béton armé. Le troisième point concerne une analyse de l’impact de l’ouverture des fissures sur le transfert.
Étant donné que le transfert de gaz dans le béton dépend du taux de saturation du matériau (Chapitre 3), dans le but d’obtenir une identification et une caractérisation plus pertinentes de la variation de perméabilité en fonction de la longueur des interfaces acier-béton dans les conditions de site, les trois études ont été effectuées à différents états de saturation : 0%, 6%, 30%, 60%, 80%, 90% et 100%. L’analyse quantifie l’impact des défauts créés par la barre d’acier pour chaque état de saturation.

Base théorique

La perméabilité est évaluée au moyen du perméamètre Cembureau, de la double cloche, du TPT et de la cloche simple modifiée. Cependant, nous n’exploitons ici que les résultats obtenus à partir du perméamètre Cembureau pour une pression de percolation égale à 2 bars absolue. Les résultats des autres appareils ont été utilisés dans le Chapitre 2 pour éprouver la capacité des approches de calcul proposées en cas de défaut dans le matériau.
La perméabilité est alors calculée à partir de l’équation de Hagen- Poiseuille. Le débit d’air est mesuré en régime permanent en surpression avec le perméamètre Cembureau.

Matériel et méthodologie

Dispositif expérimental

Le dispositif expérimental est identique à celui décrit en Chapitre 2 (Section 2.3.1.1). Nous pouvons alors présenter directement le programme expérimental.

Programme expérimental

Le perméamètre Cembureau permet de tester des échantillons cylindriques : une face de l’échantillon est soumise à une pression d’injection et on mesure le débit sortant à travers la seconde face. Pour mesurer ainsi le débit d’air à travers un échantillon de béton armé, il existe donc différentes configurations.
– Configuration de la Figure 4.1. Le transfert dans les pores accessibles au gaz et/ou dans les fissures du matériau peut être analysé. Dans cette configuration, le béton autour des aciers et/ou les fissures connectées gouvernent le débit d’air qui traverse l’éprouvette.
Ainsi, la contribution de l’interface acier-béton au flux de sortie Qv2, ne peut pas être convenablement évaluée.

Formulation, coulage et conditionnement

La formulation du béton étudiée est celle présentée en Chapitre 1. La seule différence réside dans la quantité d’eau qui est plus importante. Cette configuration permet par ailleurs d’augmenter la porosité du béton et donc d’augmenter les débits de fuite à travers le béton par rapport aux débits de fuite dans les interfaces acier-béton relativement au béton. Ce faisant, on est situé dans une configuration défavorable pour l’indentification des interfaces acier – béton comme chemins d’écoulement. Malgré cela, l’impact de ces interfaces a pu être prouvé dans cette étude.
Des granulats calcaires siliceux ont été utilisés. La teneur en silice des granulats est d’environ 80% pour les graviers et de 5% pour le sable. Après durcissement, les éprouvettes (φ = 150 mm, h = 50 mm) ont été sciées à partir des éprouvettes d’origine et les 25 premiers mm des deux côtés ont été enlevés pour éviter les effets de bords (Figure 4.4). Les échantillons ont ensuite été saturés avec de l’eau sous vide et séchés comme indiqué en Chapitre 1 (Section 1.5.1.3) pour atteindre les états de saturation cibles. Les degrés de saturation ont été recalculés avec la porosité obtenue à la fin du processus de séchage.

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Résultats et analyse

Reproductibilité de la cinétique de débit

Les interfaces acier-béton et les fissures résultant du retrait empêché autour de l’acier peuvent être à l’origine d’hétérogénéités dans le béton armé, ce qui entraîne des différences dans le TERPE, il est donc important de vérifier la reproductibilité des mesures de débit en présencedes aciers de renforcement. À cette fin, chaque mesure de débits a été effectuée trois fois sur une éprouvette de chacune des quatre configurations étudiées (Figure 4.2 et Figure 4.3). Les résultats présentés ici ont été obtenus sur les éprouvettes à l’état le plus sec : 0R1, 0A2/2, 0A3/2 et 0A5/3. Les échantillons ont été prélevés au hasard. Deux types d’essais de reproductibilité ont été effectués : l’un relatif aux mesures, à partir de la même face, et l’autre lié à l’impact du choix de la face de mesure (Figure 4.2). La présence ou l’absence de la barre d’acier sur la face exposée à la pression d’entrée pourrait avoir un impact sur la mesure. Les courbes du flux d’air par rapport au temps Q (t) sont représentées sur la Figure 4.5.
Dans tous les cas, l’écart type pour trois mesures sur le même échantillon était très faible (moins de 1 % – Tableau 4.3) et la mesure était reproductible avec la présence de barres d’acier. Le débit volumique et la cinétique d’écoulement étaient les mêmes quelle que soit la face exposée à la pression absolue d’entrée (Figure 4.5), même pour les échantillons renforcés asymétriquement (cas de A2 et A3 dans lesquels l’acier ne traverse pas complètement l’échantillon). Dans le reste du chapitre, aucune distinction ne sera faite entre les faces soumises à la pression d’entrée. Les résultats présentés ici pour un échantillon de chaque type sont représentatifs de tous les échantillons, même ceux fabriqués en béton armé. Des différences d’amplitude pourraient être obtenues entre les échantillons dans la même configuration en raison de l’hétérogénéité créée à l’interface par le renforcement. Il est important de noter que toutes les courbes du flux d’air obtenues sur les échantillons renforcés peuvent être divisées en deux parties (Figure 4.5) :
– Une augmentation abrupte initiale du débit. Ce saut est plus grand lorsque la longueur de l’acier dans l’échantillon est plus grande (A5 et A3),
– Suivie de la cinétique habituelle du flux de fluide à travers le béton ordinaire.

Impact des interfaces acier-béton sur la perméabilité

La perméabilité des éprouvettes est calculée à partir des débits mesurés en régime permanent avec la relation de Hagen Poiseuille (Eq. 2.9). La Figure 4.6 montre l’évolution de la perméabilité apparente et relative en fonction de la saturation pour une pression d’entrée P1 = 2 bars. Les évolutions présentées sur la Figure 4.6 sont similaires pour toutes les pressions d’essai (2, 3 et 4 bars). La perméabilité relative est le rapport de la perméabilité à un état de saturation donné et de la perméabilité à l’état de saturation Sr = 6 %.
Les valeurs moyennes et l’écart type moyen sont obtenus à partir de SrR1, SrA2, SrA3 (valeurs en bleu), SrA5/1, SrA5/2, SrA5/3 (vert), SrA2/1, SrA2/2 (en violet), SrA3/1, SrA3/3 (rouge). Seules les valeurs d’une éprouvette (SrA2/3) n’ont pas été prises en compte car le débit d’air mesuré était beaucoup trop élevé – trois fois plus grand que les autres valeurs – et n’était donc pas représentatif.

Contribution du béton sain aux écoulements dans le cas des éprouvettes armées

Dans les éprouvettes armées, nous avons identifié deux zones de contribution aux flux d’air : le défaut et le béton sain. Nous analysons maintenant la contribution du béton au flux d’air à travers les éprouvettes armées.
Nous désignons par QVD, le flux d’air correspondant à la contribution du défaut (interface acierbéton et fissures induites). Pour évaluer la contribution du béton sain, le débit du défaut QVD est alors retiré de la cinétique de débits ce qui demande de déterminer au préalable QVD.
Pour une éprouvette armée donnée, les cinétiques moyennes de débits obtenues sur les éprouvettes de béton sans acier sont d’abord retirées des cinétiques de l’éprouvette armée. La Figure 4.8 montre le résultat de cette soustraction : on remarque que QVD est assez constant après 30 secondes de mesure ce qui justifie une fois encore que le TERPE à travers le défaut est très court. Les débits des défauts ainsi calculés correspondre alors au saut initial du débit.

Discussions

Les différentes zones de perméabilité identifiées dans les éprouvettes de béton armé sont schématisées sur la Figure 4.10.
Dans le cas des éprouvettes A5, l’interface traverse toute l’épaisseur de l’échantillon et relie les deux faces. Cela peut constituer une voie de transfert directe en fonction de la nature de l’interface acier-béton (Figure 4.10-a).
Dans les cas des éprouvettes A2 et A3, l’acier ne traverse pas toute l’épaisseur de l’éprouvette.
Mais l’analyse faite précédemment a montré qu’il y avait probablement un chemin d’écoulement préférentiel entre les deux faces puisque les sauts abrupts initiaux des débits d’air ont été aussi observés pour ces éprouvettes armées A2 et A3 (Figure 4.10-b).

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